Bénéficiaire d’un état de grâce à son arrivée, il a grillé une bonne partie de son crédit en trois ans.
Ne vous fiez surtout pas à son apparence. Malgré son aspect menu et son air timide, Sam Mbendè est loin d’être un enfant de chœur. Ceux qui le côtoient savent bien qu’il vaut mieux l’avoir comme ami. Parce que, généralement, on l’assimile à un cactus : qui s’y frotte s’y pique. Généreux, respectueux et affable, il lui est souvent reproché son agitation et son entêtement. Réputé grande gueule, ceux qui ne l’ont pas en sympathie n’hésitent pas à le considérer comme un prétentieux doublé d’un arrogant. Une chose est certaine, il ne laisse point indifférent.
Samuel Mbendè Ebobisse, de son vrai nom, rassemble de nombreuses ressources humaines autour de sa personne. Il ne fait presque rien en solitaire, et sait s’entourer. C’est donc ce combattant farouche de l’arbitraire, tel qu’il était perçu à son arrivée comme Pca de la Cmc en 2005, qui est placé sous les feux de la rampe depuis le week-end dernier à la faveur l’assemblée générale élective de la Cameroon Music Corporation (Cmc) avec à la clé sa réélection par ses sympathisants en l’absence des autres candidats. Une situation confuse qui a amené le ministre de la Culture qui, 48h avant la rencontre avait interdit la candidature de Sam Mbende à annuler l’Assemblée générale, avant de procéder au retrait d’agrément de cette société de gestion collective des musiciens.
Né le 30 mai 1960 à Douala, Sam Mbendè, qui n’a pas toujours été aidé par la providence, est à la fois un musicien chanteur adulé par les fans, et un producteur d’œuvres à succès. Son côté de battant, d’aucuns l’explique par le fait qu’il n’a pas vécu longtemps sous le même toit que ses parents. Le virus de la musique, il l’a certainement contracté au contact de son oncle Richard Epée Mbende, surnommé "Epée d’or", l’un des créateurs célèbres du makossa. Ce n’est pas pour autant que le petit Sam va abandonner ses études. Après l’obtention de son probatoire au lycée classique de Bertoua, il quitte le Cameroun en 1981 pour Bruxelles (Belgique) ; et, au collège Saint Michel précisément, il obtiendra le baccalauréat B.
Sam Mbendè va ensuite se rendre aux Etats-Unis, où il suivra, pendant trois années, des cours de musique dans la région de Berkley. Il s’y spécialise notamment dans l’arrangement des harmonies musicales. En 1991, il finit par obtenir une licence en droit à l’Université de Louvain en Belgique. Parallèlement, il s’inscrit à l’Institut des Hautes études protestantes de théologie et obtient le baccalauréat en théologie, suivi d’un Deug en philosophie. Avec cette once d’insatisfaction qui le pousse à la perfection, il passe une licence spéciale en matière de droit d’auteur et d’édition musicale. C’est à ce titre qu’il deviendra, plus tard, administrateur délégué de deux sociétés musicales audiovisuelle et cinématographique à Bruxelles et au Grand Duchée de Luxembourg.
Tombeur
Sa carrière d’artiste se poursuit concomitamment. Avec Guy Nsanguè et Etienne Mbappè, il fait partie, de 1983 à 1987, du groupe afro-américain dénommé Sky Loves, qui diffusera trois albums, dont deux platines d’argent. Le premier album solo de l’artiste, "Nobra", une marque de bière brassée par les Nouvelles brasseries de Pierre Tchanque, interviendra quant à lui en 1986. Sans grand succès. Mais, l’échec est vite rattrapé avec la sortie de "Mota Jango" (mauvais chasseur) un an plus tard. Un titre porté par le nouveau canal de promotion qu’offre la télévision. Depuis lors, Sam Mbendè, qui s’est illustré comme tombeur invétéré depuis ses années de lycée à Bertoua, multiplie les odes aux femmes et n’est presque plus jamais passé à côté du succès populaire.
Tenez : un inoubliable featuring avec Mercy Capela en 1988 et vendu à 60 000 exemplaires en Afrique du Sud ; "Chikida" en duo avec Alexia Waku en 1990. La chanson "Deep in my heart" du même album est par ailleurs vendue à 300.000 exemplaires en single Cd. L’album vaudra, en plus, à Sam Mbendè le "Prix Rfi" du meilleur arrangeur de l’année 1990! En 1992, l’album Mona Lisa, avec Tatiana, est de la même veine. En Belgique, au Canada et en Allemagne il est vendu à quelque 240.000 exemplaires. Autre exploit à son actif, en 1999, Sam Mbendè réalise, comme directeur artistique et producteur exécutif, le tube "Etam" qui révèlera le groupe Macase. Dernier chef-d’œuvre en date, toujours en 1999, l’artiste publie l’album "Oh mama" dans lequel on retrouve le titre "Rosita".
Aujourd’hui en conflit ouvert avec la ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, qui lui reproche des "malversations graves dans la gestion financière de la Cmc", notamment les 100 millions de francs Cfa venant des Brasseries du Cameroun et qui n’auraient pas été reversés aux autres sociétés de gestion collective du droit d’auteur dont la Scaap et la Socadap, n’est donc pas un néophyte dans les milieux culturels camerounais. Après l’échec de Manu Dibango à la tête de la Cmc, c’est en effet vers lui que la famille des musiciens camerounais s’était rabattue pour sauvegarder les droits des créateurs. Trois ans après sa gestion est loin de faire l’unanimité avec un endettement de la Cmc plafonné à… 567 millions de francs Cfa. Pourtant lui soutient avoir œuvrer pour la professionnalisation des musiciens, leur responsabilisation et l’amélioration de leurs conditions de vie. Ce qui lui a permis de se forger une certaine réputation auprès de ses pairs, des hommes politiques et de l’opinion publique, sans pour autant dissiper le contraste autour de sa personne.