Retour sur les pleins pouvoirs accordés au Chairman pour décider de l’entrée ou non du Sdf au gouvernement de Paul Biya ainsi que la reconnaissance par la Coalition des résultats iniques de la présidentielle proclamés par la Cour suprême.
A l’issue du scrutin présidentiel où il a été déclaré largement vainqueur par les différentes institutions (Minatd, Cour suprême), sous ses ordres, Paul Biya a évoqué tantôt le besoin d’un large consensus, tantôt la nécessité d’une forte cohésion, au-delà des partis et des personnes pour la réalisation de ses “ grandes ambitions ”. Nombre d’analystes ont rapidement conclu qu’il tendait ainsi la main, en vue de la constitution d’un gouvernement d’union nationale à ses adversaires politiques, notamment l’opposition qu’il traitait pourtant quelques jours auparavant, pendant la campagne présidentielle, de tous les noms d’oiseaux.
Ce serait une méprise monumentale de croire que Paul Biya qui a cautionné, et même piloté toutes les manipulations administratives depuis le retour au multipartisme en général et, à l’occasion de la dernière élection, puisse ainsi offrir une position de pouvoir enviable à une opposition qu’il a méthodiquement atomisée et affaiblie. Derrière le discours du chef de l’Etat, chef officiel d’un Rdpc fonctionnant comme “ une véritable maffia ”, - pour reprendre le propos d’un membre du groupe des modernistes désormais en berne -, il faut scruter le non-dit.
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S’agissant ainsi de cette question d’élargissement de la base politique de son gouvernement, la supposée invitation au Sdf de participer au gouvernement n’aurait d’intérêt pour Paul Biya que si ce parti représentait encore une menace véritable pour la stabilité de son pouvoir. En 1997, lorsque Paul Biya invitait toute l’opposition à participer au gouvernement, le contexte était différent. Il y avait la pression forte des Américains en raison du début du projet de construction du pipeline Tchad-Cameroun. Or les événements depuis au moins les législatives de 1997 ont montré que le parti que dirige John Fru Ndi est davantage un épouvantail, mieux un alibi à la démocratie pluraliste de façade en cours au Cameroun, qu’une organisation politique rationnelle. Au-delà de l’agitation médiatique et parlementaire de la première formation de l’opposition, rien, mais alors rien du tout n’indique que le Sdf développe une stratégie intelligente et déterminée d’opposition en vue de la conquête, à terme, du pouvoir d’Etat. Son incapacité à contester vigoureusement aussi bien sur le plan institutionnel (recours juridictionnels mal ficelés) que dans la rue joue contre sa prétention à gêner véritablement le pouvoir Rdpc. A moins que ne soit fondée la rumeur circulant dans les officines policières. Selon des sources proches des Renseignements généraux, une cargaison de 400 fusils commandés par la direction du Sdf, en contact avec le leader exilé au Nigeria des jeunes du Scnc, Ebenezer Akwanga, aurait été intercepté pendant la campagne électorale. Cela expliquerait selon les mêmes sources la rétention par le pouvoir d’une partie des fonds de campagne, qui devaient servir au règlement de la facture des armes venue de la frontière Nord du Cameroun. Ce qui reste à établir.
La menace au pouvoir Biya est d’abord interne
Quel que soit le cas, les résultats du dernier scrutin quels que contestés furent-ils, ayant encore montré, selon les chiffres officiellement distribués par le pouvoir, que le Sdf reste le premier parti de l’opposition au régime en place, vont le conforter dans son arrogance infantile qui plombe pour longtemps encore les chances d’une alternance au sommet de l’Etat conduites par les forces du changement. Ainsi, au sortir de ce scrutin dont une évaluation sereine des résultats officiels montre non seulement que l’opposition a perdu beaucoup de terrain, le Sdf en premier, on s’est enfermé autour de John Fru Ndi dans une logique d’aveuglément comme le montrent les résolutions du dernier Nec. On a préféré régler des comptes à ceux qui sont restés fidèles aux engagements du parti dans la Coalition. On s’est contenté de se féliciter d’être arrivé devant le candidat de l’Udc soutenu par ce qui restait de la Coalition. Politique de l’autruche s’il en est, elle fait les affaires du régime en place qui peut ainsi dormir tranquille. Pendant les années qui viennent, il sera en effet difficile voire impossible à l’opposition de refaire son unité, même tactique. Ce qui laisse chacun libre, comme des chiens affamés, d’envoyer des signaux espérant être cooptés au gouvernement-mangeoire.
Dans ces conditions, si Paul Biya a à craindre pour la stabilité de son pouvoir, ce serait davantage sur les luttes centrifuges qui vont s’accélérer, en ce dernier mandat constitutionnel, au sein de son clan dès l’annonce de la composition de son gouvernement. C’est pourquoi, le non-dit de son appel au consensus peut être avant tout destiné à tous ceux qui, très nombreux, ont battu campagne pour lui et attendent sans doute la rétribution en termes de sinécures ministérielles et autres. Or l’Etat, fragilisé par la gouvernance irresponsable de ses dirigeants actuels, qui le mettent en délicatesse avec ses partenaires financiers bi et multilatéraux, voit sa capacité de multiplication des postes à prébendes fortement compromise. Paul Biya qui s’est engagé à satisfaire les conditionnalités des institutions de Bretton Woods devrait ainsi, à partir des orientations du cadrage budgétaire de 2005, montrer qu’il s’est assagi. On ne multiplie pas les postes de dépense dans ces conditions. Bien au contraire.
C’est cette équation insoluble, lorsqu’on a en mémoire les pratiques dispendieuses de la galaxie actuelle du président Biya, qui fonderait ses hésitations actuelles à publier la liste du nouveau gouvernement post- présidentiel. Et comme d’un mal peut souvent sortir le bien, Paul Biya qui de tradition n’est pas homme à prendre des risques pourrait être tenté de maintenir le statu quo actuel. Ce qui, pour lui, aurait un double avantage : tenir en laisse tous ceux de son camp qui, parce qu’ils espèrent hériter d’un poste n’entreprendraient rien dans l’immédiat pour perturber sa sérénité mais surtout, entretenir la zizanie au sein de l’opposition en général mais parmi ses principales composantes (Sdf, Coalition, Ffa, etc.) en particulier. Désormais les cadres et membres de ces organisations s’épient présentant tout contact avec un membre du pouvoir comme autant de preuve de sa duplicité. C’est ce qui explique sans doute la décision étonnante du Nec “ de mandater John Fru Ndi comme seul négociateur (et décideur ?) pour une éventuelle participation du Sdf au gouvernement ”. Etait-il donc en concurrence, sur cette question, dans ce parti qu’il dirige pourtant d’une main de fer ? Voire.
L’opposition est sans stratégie de prise du pouvoir
C’est ce qui expliquerait aussi le revirement de ce qui reste de la Coalition, en l’absence de Sanda Oumarou. Lors d'une conférence de presse la semaine dernière à Yaoundé, le groupe de Adamou Ndam Njoya qu’on croyait plus conséquent, après ses propres calculs du décompte de la Cour suprême qui ont montré une distorsion incroyable des résultats même officiels, (Cf. Le Messager du 2 novembre) s’est cru obligé, là où le Sdf traversé par d’importantes divisions depuis l’affaire de la Coalition, annonçait à la presse son intention de déférer l’ordonnance de cette Cour suprême proclamant Paul Biya vainqueur devant la commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadh), de préciser qu’elle est “ légaliste ” et prend donc acte desdits résultats douteux. Plus incompréhensible, elle laisse certains de ses membres, à l’instar d’Henri Hogbe Nlend qui revendique les "bons" résultats de la région Bassa, fanfaronner sur ses contacts supposés avec des émissaires du pouvoir.
Avec une opposition sans stratégie d’opposition claire et déterminée, il est difficile que Paul Biya qui a plus de soucis à se faire dans son propre camp, ait vraiment besoin d’elle. A moins que le président, trop bien élu, (70 % de suffrages favorables dans un scrutin où il affrontait au moins 13 candidats !) ne soit complètement dépassé par les événements et veut rendre tout le monde responsable de l’avenir difficile qui s’annonce sur le plan économique et social.