Rebelote: Emeutes à Yaoundé

Par Edouard TAMBA | Le Messager
- 17-Sep-2007 - 08h30   51767                      
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Des conducteurs de moto-taxi ont arrosé de pierres les services de la voirie municipale. La réplique des forces de l’ordre a été brutale.
Intifada à Yaoundé Des conducteurs de moto-taxi ont tenté d’imposer leur loi vendredi dernier à Yaoundé. Mais, mal leur en a pris. Ils ont été tabassés. Cinq d’entre eux sont en outre interpellés par les forces de l’ordre. Quelques agents de la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy) ont été blessés et des policiers brutalisés. L’on enregistre des pare-brise cassés. Une dizaine de motos sont saisies. Et des toitures percées. Le violent film s’est déroulé à Yaoundé. Sur des sites différents, en deux épisodes. Peu avant 11h, les véhicules en provenance des axes Olezoa et de Hôpital militaire ne peuvent rejoindre la Poste centrale. Le bouchon s’étire vers le carrefour Olezoa et le monument de la Réunification. La route est barrée en contrebas de l’immeuble siège de l’Office du sport militaire en Afrique (Osma). Des bancs, des morceaux de métaux, des mottes de terre et des plants de fleurs en pépinière servent de barricades. Ceux qui ont barré la voie ne s’en contentent pas. Ils arrosent les locaux des services de la voirie municipale (Svm) de pierres. “ Ce sont des benskinneurs, ils revendiquent leurs motos ”, renseigne un policier, à bonne distance de la scène. Justement, on peut les entendre crier : “ Remettez, les motos ! Remettez sinon on ne part pas ! Vous allez voir ! ” … Leurs assauts partent de la station-service Total. Certains remontent vers l’axe de l’hôpital militaire pour mieux viser l’intérieur des Svm. Les cailloux pleuvent sur les toits. Le domicile des expatriés Chinois juste à côté n’est pas épargné. Quelques policiers et agents de la Communauté urbaine se réfugient derrière le portail. Mais le lieu n’est plus sûr. La cinquantaine de “ motos-taximen ” en furie se rapproche de temps en temps du portail de la Svm. Ce qui leur permet de lancer leurs projectiles à l’intérieur. Peu importe la forme et la taille de ces projectiles. Tout y passe. Morceaux de bois, bouteilles en verre, mottes de terres, même les sacs de terre noire déposés par des fleuristes. Une foule de spectateurs, parmi lesquels des hommes en tenue, est positionnée de part et d’autre de la chaussée. “ Est-ce que c’est comme ça qu’on revendique ? Ils sont en train de s’attaquer à l’Etat ”, commente un curieux. Quelques personnes en civil renseignent sur la situation à l’aide de walkies-talkies. “ Ce n’est pas normal ce qu’ils font là. Ils ont cassé mon pare-brise ”, se plaint un taximan. “ Cailloux, cailloux ”, lancent les motos-taximen en chœur, à chaque fois qu’une des cibles humaines tente de lorgner à l’extérieur. Un car plein de policiers arrive. Le chauffeur ralentit comme pour stationner à l’entrée de la “ voirie municipale ”. Une aubaine pour les manifestants. Pluie de projectiles. Le véhicule redémarre en trombe et s’engouffre dans l’enceinte des Svm. Les véhicules venant de la Poste centrale sont aussi bloqués en face de la permanence Rdpc du Mfoundi. Repression vengeresse Vers 11h30, un inspecteur de police coiffé du chapeau de cow-boy fonce vers la base arrière des manifestants. Comme au cinéma, il esquive les pierres. Une fois arrivé, il parlemente avec eux. La tension baisse d’un cran. Le commissaire Mindjom et sa troupe sortent de leur cachette. Ils dégagent la voie. C’est à cet instant que des éléments de l’escadron n°1 de la gendarmerie mobile arrivent. Ils sont équipés de : casques vitrés, protège-tibias, boucliers, matraques… Le capitaine qui les mène se renseigne, et l’assaut est donné discrètement. Les motos-taximen continuent de discuter avec la police. Du coup, ils ne voient rien venir. Les gendarmes foncent sur le groupe de manifestants. Ceux-ci détalent en prenant la rue en terre qui longe le Mfoundi derrière la station-service. “ Arrêtez-les ! ”, lancent les plus hauts gradés. Des agents de la Cuy armés de barres de bois et de fers entre dans la chasse. Un moto-taximan essaye d’enfourcher sa moto pour fuir. Trop tard. Un coup de pied volant le renverse de sa bécane. Une série de coups de pied et de matraque. Un policier se fait prendre par un fuyard. Il lui donne des coups et arrache ses épaulettes. Ce geste permet aux gendarmes de lui mettre le grappin. Une trentaine d’éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi) débarque aussi. “ Je suis de la communauté, je suis de la communauté ”, crie un agent sur qui les coups de matraques pleuvent. Les premiers manifestants à être pris se font tabasser de la tête au pied. “ Vous les avez déjà arrêtés, pourquoi vous les tapez comme ça ? ”, lance une vendeuse. La remarque déplaît à un élément du Gmi. Il se retourne et lance une bombe lacrymogène. La foule recule vers les rails. Il lance une seconde et tout le monde monte sur la passerelle pour se mettre à l’abri. Les raisins de la colère Au terme de la chasse, six manifestants sont pris. Les motos garées dans les parages sont aussi saisies. Battus à la course de vitesse, les policiers se rattrapent en coups de matraques et de bottes sur ces derniers. Les agents de la Cuy s’y mettent à coups de bâton et de pied. “ Mon pied est cassé ”, gémit un manifestant. Les éléments du Gmi le traînent au sol. Le tabassage continue à l’entrée de la voirie municipale. Puis, un manifestant est relâché. Il s’éloigne, le nez en sang et les habits en lambeau. “ C’est lui le meneur ”, accuse un policier en désignant le manifestant à la jambe cassée. “ C’est toi qui a arrêté un policier là-bas non ? C’est un criminel. Il nous a lancé une hache ”, poursuit un autre policier. La hache en question est amenée, ainsi qu’une sorte de râteaux qu’auraient utilisé les manifestants pour attaquer les policiers et agents de la Cuy. Le Gmi quitte les lieux. Le commissaire Mindjom saisit les téléphones portables des manifestants interpellés. Puis, ils sont emmenés au commissariat central n°1. Le commandant de la légion de gendarmerie du Centre ramène ses hommes. “ C’est un mouvement d’humeur. Nous avons entamé une opération de ratissage ce matin à Mokolo ”, explique l’inspecteur de police principal Ebode. L’opération en question fait suite à l’arrêté de la Cuy, qui exige la peinture jaune sur les motos-taxis, et en interdit la circulation en zone urbaine depuis le 1er juillet 2007. Après avoir saisi cinq motos, la tension est montée chez les moto-taximen. Ils ont assailli la police et les agents de la Cuy. “ Un policier a même tiré deux coups de feu dissuasifs en l’air ”, se souvient un agent de la Cuy. “ Mais nous étions obligés de fuir. On a même contourné par Madagascar ”, ajoute-il. Les motos-taximen en colère les ont suivis. Jusqu’à assiéger la voirie municipale. Lieu où la foudre de la répression s’est abattue sur quelques uns. Ceux qui ont dû oublier que le désordre est collectif. Alors que “ la responsabilité pénale est individuelle ”.




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