Le conseil des ministres se réunit lundi

Par Thierry Ngogang | Mutations
Yaoundé - 23-Oct-2003 - 08h30   51572                      
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Il ne s’était pas tenu depuis plusieurs années. Paul Biya convoque le gouvernement au moment où une rumeur de remaniement ministériel fait rage dans la capitale.
L'événement est assez rare pour ne pas être signalé. Selon des sources concordantes, des membres du gouvernement auraient reçu ces derniers jours des invitations les conviant à assister à un conseil de ministre qui devrait, sauf changement de dernière minute, se tenir au palais de l'Unité lundi prochain. Si l'on remonte l'histoire, l'on se rendra compte que l'une des dernières convocations de ce type date du dimanche 07 décembre 1997. Ce jour là, les membres du gouvernement avaient été reçus au palais par Paul Biya pendant cinq minutes...avant de rentrer suivre à domicile le réaménagement ministériel qui avait suivi dans la foulée. L'histoire se répétera-t-elle? Difficile de le savoir, même si la réalisation de ce scénario n'étonnerait aucun observateur sérieux du landerneau politique camerounais. Et cela pour la simple raison que la perspective d'un réaménagement (voire d'un remaniement) est dans l'air du temps depuis quelques mois avec toutes les conséquences que cela peut engendrer sur le plan du rendement des principaux concernés. " Depuis des mois, il y a des ministres qui ne travaillent plus. D'autres sont en train de se remplir les poches en prévision des temps difficiles ", révèle un habitué des cabinets sous le couvert de l'anonymat. Il est à peu près certain que la fièvre semble être montée lorsque le chef de l'Etat a engagé certaines consultations. Les audiences accordées entre autres à Niat Njifendji ou au Sultan Ibrahim Mbombo Njoya ont ainsi pris des allures de signes avant-coureurs. En quête de positionnement, les divers postulants se sont très souvent lancés dans des grandes batailles politiques à travers les médias ou même chez les marabouts. Ces dernières semaines, et notamment samedi dernier, certains ont même cru que l'heure avait sonné lorsqu'ils ont entendu à 11 heures précises l'indicatif du journal parlé à la radio nationale. Et c'est presque avec déception que l'on s'est rendu compte qu'il ne s'agissait que de la nomination du nouvel archevêque de Yaoundé. Loin de la faire baisser, la tension est paradoxalement remontée le lundi par la " faute " du quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune, qui, contrairement à ses habitudes, a fait un dossier de trois pages sur la fièvre causée par les rumeurs de chamboulement de l'équipe gouvernementale. Bien que l'on ait l'habitude d'affirmer que les Camerounais sont tous dans l'attente d'un nouveau gouvernement aussitôt que l'un vient d'être formé, un certain nombre de facteurs politiques donnent l'impression que, dans ce cas particulier, tout le monde attend cet événement avec impatience. Le premier de ces facteurs est que le gouvernement issu du réaménagement du 24 août 2002 n'a pas du tout donné entière satisfaction. Si l'on évoque par exemple la gestion de la crise énergétique, qui a été absolument catastrophique, l'on se rend bien compte que les récriminations à son encontre ne manquent pas. Incertitudes D'autre part, il est de notoriété publique que tous les départements ministériels en charge des affaires financières ne fonctionnent pas correctement, au point où les experts des bailleurs de fonds s'en sont même plaints à mots à peine couverts. Pour ne citer qu'un cas palpable, alors que les rentrées budgétaires se déroulent de manière normale, l'actuelle rareté de la ressource financière serait tout simplement liée à l'imprévision totale des gestionnaires actuels obligés de consacrer les ressources enregistrées au règlement de la dette extérieure. Les revendications soulevés au mois de septembre 2002 par certains anciens ministres originaires des provinces septentrionales ou les fréquents assauts des sécessionnistes de la partie anglophone ont laissé indubitablement des traces. Au sein même du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), la sérénité n'est pas de mise malgré la " double victoire " acquise lors du scrutin du 30 juin 2002. Depuis quelque mois, le courant dit des modernistes, incarné par le chef traditionnel de Santchou et membre du Comité central, Pierre Mila Assouté, est venu révéler au grand jour les graves insuffisances de la direction du parti et notamment celles du secrétariat général. Dans ce combat de plus en plus ouvert, jusque-là inattaquée, l'autorité du président national du Rdpc commence à prendre des coups. La lutte pour le dauphinat est de moins en moins feutrée. Sur un autre plan, les Camerounais ne restent pas insensibles à tout ce qui les entoure. La situation politique instable de pays autrefois en paix comme la Côte d'Ivoire n'est pas pour les rassurer. Si on la couple à l'absence de visibilité politique sur le plan local, l'on en déduit que ce sont certainement tous ces facteurs qui alourdissent l'atmosphère dans un pays où tout le monde est bien conscient que tout émane du palais d'Etoudi.




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