La Nouvelle Expression: Guerre entre les journalistes et le patron

Par Dominique Bela | Mutations
- 24-May-2005 - 08h30   63826                      
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Les deux parties s’accusent de violation des textes réglementaires et des lois.
Dans les locaux du quotidien La Nouvelle Expression, hier, lundi 23 mai 2005, l’ambiance est celle des jours ordinaires de préparation d’une nouvelle édition du journal. Dans la salle de rédaction, quelques journalistes s’activent à la rédaction des articles programmés au cours de la semaine. Derrière cette apparente sérénité, un vent de suspicion souffle. Et pour cause : quelques têtes couronnées de la maison sont tombées la semaine dernière, à la suite d’une réunion de service présidée par le directeur de la publication, Séverin Tchounkeu. Motif : tenue d’une "réunion illégale dans son entreprise par un certain syndicat", indique un communiqué de presse du directeur de la publication, paru dans les colonnes de La Nouvelle Expression. Alors que Henriette Ekwe et Jean Marc Soboth, respectivement secrétaire générale et directeur des études, du développement et des relations internationales de La Nouvelle Expression, sont suspendus de leurs fonctions, Julien Chongwang, le journaliste qui a fait un compte rendu de la réunion dans le journal, écope d’une mise à pied de huit jours, Gilbert Tchomba, le chef de la rubrique économie, est, quant à lui, momentanément interdit d’accès à l’entreprise. Depuis lors, on redouble de vigilance. Hier lundi, il fallait montrer patte blanche pour accéder au bureau du directeur de la publication. Le reporter de Mutations a sacrifié à cette exigence. Séverin Tchounkeu, dans sa verve habituelle, présente sa version des faits et évoque quelques unes des mesures qu’il entend prendre à l’encontre des initiateurs de la réunion du 29 avril dernier qui a abouti à l'élection de Suzanne Kala Lobé et Edmond Kamguia comme déléguée du personnel et suppléant. "Même au sein du parti anarchiste, il y a des règles. Vous ne pouvez pas comprendre que le vendredi 29 avril, après la conférence de rédaction, une dizaine de personnes se réunit pour dire qu’on procède maintenant à l’élection des délégués du personnel sans que tout le personnel ait été représenté, au moins les 2/3 sont absents et ne sont même pas informé. Donc, je suis saisi par le personnel qui se sent lésé, froissé", déclare t-il, d’un ton sarcastique. Avant de poursuivre, cinglant : "Demandez leur de vous montrer la lettre qui atteste l’existence de ce syndicat dans mon entreprise, ou la lettre, conformément aux textes en vigueur, qui informe que l’élection aura lieu tel jour". Selon le patron de La Nouvelle Expression, les conditions pour une élection des délégués du personnel dans une entreprise au Cameroun obéissent à des mesures réglementaires prescrites dans le code du travail. Communiqués Valentin Zinga, le rédacteur en chef, abonde dans le même sens, en précisant que ni le bureau de Yaoundé, ni celui de Bafoussam n'ont été informés de ces élections. " La loi a été bafouée (...) C'est grave ", affirme-t-il. Tout en étant d'avis qu'il existe des récriminations dans l'entreprise " qui n'est ni le paradis ni l'enfer... ". Pour Jean Marc Soboth, par ailleurs président du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), les conditions évoquées par son employeur ne sont ni légales ni d’ordre public. Il pense que ces conditions matérielles s’appliquent aux entreprises de taille importante : "Le délégué provincial du Travail et de la Sécurité sociale du Littoral nous l’a expliqué de manière tacite. Concrètement, nous avons lancé des appels à candidature. Tout le monde était au courant". Le syndicat national des journalistes employés du Cameroun, (Sjec), a, à travers une lettre adressée le 22 mai 2005 par son président, Norbert Tchana Nganté à Séverin Tchounkeu, exprimé son sentiment à la suite de ce qu'il qualifie d'incident : " Le chef d'entreprise ne saurait être juge de la validité d'une telle élection dès lors que des voies de recours sont prévues par la loi en cas de contestation de son organisation. ", écrit le président du Sjec. Plus loin, il précise que " l'organisation des délégués du personnel, même illicite dans la forme, ne saurait être considérée comme une réunion illégale dans l'entreprise et encore moins comme une faute professionnelle entraînant des sanctions pour les participants ." Pour lui, la réaction du directeur de la publication constituerait une atteinte à la liberté syndicale (convention 87, Oit). Jean Marc Soboth, qui a déjà constitué un avocat, entend saisir les tribunaux pour entrave à la liberté syndicale. Ses autres collègues, qui ont requis l’anonymat, pensent que les actes posés par leur Dp exprime simplement sa volonté de mettre un frein à toutes les actions qui pourraient s'opposer à son autorité. Déjà, un communiqué du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), largement diffusé traduisait son indignation face à l'attitude jugée violent de Séverin Tchounkeu. Or, Alex Gustave Azebazé, son vice-président, dont le nom figure au bas du document a fait savoir, par un communiqué de presse signé le 22 mai et diffusé dans l'édition d'hier du journal Le Messager, qu'il ne s'y reconnaissait pas.




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