Alors que l’on cherche encore les raisons du report de celui de lundi dernier, le chef de l’Etat vient d’adresser de nouvelles convocations.
Le report d'un conseil ministériel initialement prévu lundi dernier, malgré les convocations qui avaient au préalable été distribuées, a laissé libre cours à toutes sortes d'interprétations de la part des acteurs ou observateurs de la vie politique camerounaise. Et pourtant, des informations crédibles révèlent que ce conseil ministériel doit se tenir finalement demain jeudi à 10 heures dans la salle des conseils du palais de l'Unité. Sauf changement de dernière minute, l'ordre du jour prévoit quatre communications. La première, qui sera donnée par le président de la République en personne, n'a pas de thème indiqué. Le Premier ministre, Peter Mafany Musongé, devrait prendre la parole en deuxième position pour présenter le bilan de la lutte que le gouvernement qu'il dirige a engagé contre la corruption, avec le résultat que l'on connaît (Cameroun, classé vice champion d'Afrique en la matière par Transparency International). Le ministre des Finances et du Budget, Michel Meva’a m’Eboutou, devra quant à lui dresser le bilan du premier semestre de l'exécution du budget 2003.
Il devra expliquer par exemple pourquoi les caisses de l'Etat sont vides alors que les recettes n'ont pas diminué. Enfin, le ministre des Affaires économiques, de la Programmation et de l'Aménagement du territoire, Martin Okouda, fera le point du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp) dont le comité de suivi et d'évaluation vient d'être installé par ses soins, sous la pression des bailleurs de fonds. Une fois de plus, nous prenons le risque de révéler le programme tel qu’établi par la présidence de la République. Divers fax ont été adressés hier à tous ceux qui sont concernés par cet " événement ". Un risque d'autant plus important que, en matière de retournement de dernière minute, le chef de l'Etat est un expert. Déjà, dès la publication de la tenue éventuelle de ce conseil ministériel dans nos colonnes jeudi dernier, certains hauts responsables de la République avaient parié, et ont tenu à nous le faire savoir, qu'il ne pourrait plus se tenir à cette date pour la simple raison que, " le chef de l'Etat aime surprendre. Dès qu'un de ses projets est découvert, il le laisse aussitôt tomber. Il a toujours fonctionné de cette façon et vous le savez bien ". Ces réserves n'ont pas empêché les mêmes membres du gouvernement de se placer pour la plupart en stand-by toute la journée de lundi dernier, attendant une éventuelle confirmation de cette convocation au palais de l'Unité.
Paradoxalement, certains d'entre eux n'ont d'ailleurs pas hésité à s'enquérir de la situation auprès de sources qu'elles jugeaient plus informées.
Beaucoup d’autres thèses ont été avancées pour justifier la non tenue de ce conseil. Au chapitre de ce qui a été entendu çà et là, sans que l'on ne voie le lien direct avec la tenue de cet acte républicain, l'on a évoqué par exemple la présence dans le pays depuis lundi dernier de la première dame du Burundi, Aude Ndayizeye. L'épouse du chef de l'Etat, indiquait-on, aurait obtenu de son président de mari que rien ne vienne étouffer son activité sur le plan médiatique. On constatera que le conclave de demain intervient alors que Mme Chantal Biya a déjà fait la Une de la vie nationale pendant quatre jours. L'on a aussi parlé d'une " campagne de désinformation " initiée par certains journaux privés afin de distraire l'opinion publique.
Quoi qu'il en soit, il y a assurément quelque chose d'indécent à ergoter autour de la tenue ou non d'un tel conclave. Aux yeux des observateurs politiques Sénégalais, Ivoiriens, Maliens, Burkinabé ou Tchadiens, nous serions même tout simplement ridicules. Car, contrairement au Cameroun où les convocations des conseils ministériels sont considérées comme de véritables événements, dans leurs pays respectifs, non seulement ces derniers ne sont pas facultatifs, mais en plus, les dates de leur tenue sont connues à l'avance par le peuple. En règle générale, ils s'y déroulent de manière hebdomadaire.
Remaniement
Parmi cent autres, prenons le cas, disons, de Djibouti où, le 18 mai 1999, le président de la République, Ismail Omar Guelleh, a dressé la Circulaire n°l relative à l'action Gouvernementale. Dans ce message adressé aux membres de son gouvernement, il a donné les instructions suivantes par rapport au déroulement des travaux du conseil des ministres : "Le Conseil des Ministres est le temps fort du travail du gouvernement et fournit l’occasion de faire une présentation réfléchie des dispositions adoptées par le gouvernement. Le Conseil des Ministres est en outre le pivot de la planification du travail du gouvernement....À compter du ler juin 1999, le Président de la République, les membres du gouvernement, les secrétaires généraux, les directeurs, les chefs de services et leurs principaux collaborateurs sont tenus de revenir tous les samedi, lundi et mercredi, de 16 heures à 18 heures pour procéder à l'examen des dossiers et à la tenue des réunions de concertation. Ceci pour permettre, durant la matinée, I'exécution des tâches administratives quotidiennes... "
En France, où le Cameroun a calqué ses différentes constitutions, le président de la République réunit le conseil des ministres au palais de l'Elysée tous les mercredis. Ce qui signifie que, au moment où ce journal parait, un conseil doit en principe se tenir à l'Elysée. Aussitôt après la fin de cette réunion, le service de presse du palais rend public un communiqué dévoilant la teneur des travaux. Le communiqué suivant a par exemple été rendu public à l'issue du conseil qui s'est tenu le mercredi 22 octobre dernier : " ..Les ministres ont présenté les projets de loi sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, les Statuts d'autonomie de la Polynésie française, le Code du service national et La rentrée universitaire 2003. Le Conseil des ministres a adopté les mesures individuelles suivantes : Sur proposition du Garde des Sceaux, ministre de la justice, M. Pierre Steinmetz, préfet hors cadre, hors classe, est nommé conseiller d'Etat en service extraordinaire. Sur proposition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Christian Noyer, administrateur civil hors classe, est nommé gouverneur de la Banque de France, etc ". Au Cameroun, si très peu de personnes se souviennent de la date de la tenue du dernier conseil ministériel et encore moins de son ordre du jour, tous ont cependant en mémoire le conseil ministériel qui s'était tenu le dimanche 07 décembre 1997 au palais de l'Unité. Ce jour-là, après les avoirs reçus pendant cinq minutes, le président Biya avait pris congé de ses ministres. Dans les heures qui suivaient, la majorité d'entre eux été boutés hors du gouvernement.