"Ennui", "traumatisme", "effet dévastateur": de plus en plus de voix au Maroc s'interrogent, voire s'inquiètent, de la nocivité pour les enfants du confinement en vigueur depuis mi-mars et récemment prolongé dans les grands centres urbains.
Au lendemain de l'annonce, le 9 juin, du maintien des mesures dans une partie du pays, assortie de la prolongation pour un mois de l'état d'urgence sanitaire, la Société marocaine de pédiatrie a adressé une lettre au ministre de la Santé pour "attirer son attention sur l'effet dévastateur" du confinement sur l'enfant.
Massivement reprise dans la presse locale, la lettre de cette association professionnelle appelle à prendre en compte "l'impact psychologique et le traumatisme qui en découlent". Elle préconise de "prendre des mesures d’assouplissement afin que les enfants puissent sortir des domiciles" en respectant les "mesures barrière".
"Nous ne remettons pas en cause (...) les mesures qui nous ont permis de nous prémunir du Covid-19. Ce que nous demandons c'est (...) que l'enfant puisse sortir une à trois heures par jour", explique à l'AFP son président, le Dr Hassan Afilal, arguant que les sorties en plein air sont en outre "peu risquées".
Chez l'enfant, ce confinement prolongé peut engendrer une "perte de repères", avec des "troubles du comportement", une "irritabilité" et une "déstructuration du sommeil", souligne le spécialiste.
- "Douche froide" -
Depuis la parution de la lettre, les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux: "mon fils de huit ans est déprimé: il est enfermé depuis trois mois, pleure tout le temps et souffre de migraines chroniques", écrit un père de famille.
"Il n'en peut plus de rester enfermé. Il attendait le 10 juin avec impatience en espérant une levée du confinement mais ça a été la douche froide. Je n'ai plus les mots pour le consoler", témoigne un autre.
Le Maroc, 35 millions d'habitants, reste à ce jour relativement épargné par le nouveau coronavirus, avec 8.985 contaminations et 212 décès officiellement recensés.
Mais si les autorités ont annoncé un "allégement progressif" du confinement, des restrictions ont été maintenues dans les grandes villes, dont Rabat, la capitale économique Casablanca et la principale destination touristique Marrakech.
Les déplacements y restent soumis à une autorisation, les espaces publics en plein air fermés, la pratique du sport en extérieur est interdite, tout comme les plages et les activités de loisirs, alors que l'été est désormais installé.
- "Entre quatre murs" -
Siham Rachidi, mère de deux enfants, marche dans le centre-ville de Rabat avec sa fille de huit ans, "qui sort pour la première fois depuis mi-mars afin de consulter un ophtalmologue, à cause du smartphone qu'elle ne lâche plus", dit-elle
"L'impact psychologique est grand", murmure cette femme au foyer qui vit en appartement, "entre quatre murs".
Selon Mme Rachidi, "au début du confinement les enfants étaient contents de ne pas aller en cours, ensuite l'ennui s'est installé et maintenant ils sont sous pression".
Dans la capitale, des barrages policiers sont toujours déployés, mais les rues sont plus animées et la circulation a repris de façon presque normale, avec une tolérance manifestement plus grande des autorités.
Les violations de l'état d'urgence sanitaire restent passibles de trois mois de prison et/ou d'une amende maximale de 1.300 dirhams (environ 124 euros).
"Ma fille a presque trois ans et elle a besoin de dépenser son énergie pour dormir", juge aussi Rachid Ali El Adouani, un comédien de 36 ans rencontré dans le vieux centre de Rabat, entre bâtiments administratifs et immeubles Art-déco.
"Avec sa maman, on a multiplié les efforts en lui faisait faire beaucoup d'activités, mais dernièrement elle commence à saturer. Elle réclame d'aller à la plage, de sortir, d'aller au zoo", poursuit le jeune père de famille, assis sur sa grosse moto custom.
Les autorités ont promis d'accélérer la levée du confinement à partir du 20 juin, avec une "plus grande mobilité des personnes" et la reprise d'activités culturelles, comme l'a lui-même relevé mardi le chef du gouvernement, Saad-Eddine El Othmani.
Par Hamza MEKOUAR | AFP