Cameroun : Le rappeur français MHD condamné à 12 ans de prison pour le meurtre du camerounais Loïc Kamtchouang.

Par Adeline ATANGANA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 24-Sep-2023 - 17h46   61682                      
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A gauche Loic Kamtchouang et à droite MHD Whatsapp
Après un long procès qui a duré cinq ans, la Cour d’assises de Paris en France, a prononcé plusieurs condamnations relatives à l’assassinat de Loïc Kamtchouang.

Le samedi 23 septembre 2023, la justice française a condamné l'artiste MHD, de son vrai nom Mahamed Sylla, à 12 ans de réclusion criminelle. Le rappeur français d'origine guinéenne, âgé ce jour de 28 ans, faisait partie du gang qui a passé à tabac le jeune camerounais  Loïc Kamtchouang , blessé à l'arme blanche et qui a perdu la vie dans la nuit du 05 au 06 juillet 2018 dans le 10e arrondissement de Paris.

L'artiste qui avait connu un début de carrière fulgurant en 2015 et se distinguait avec son style afro-trap, comparé à huit coaccusés pour avoir participé à l'expédition punitive dans le cadre d'un règlement de comptes entre bandes rivales de la cité. des Chaufourniers, surnommée la cité rouge, dont viennent les accusés, et celle, voisine, de la Grange aux Belles, située dans les Xe et XIXe arrondissements.

« La victime avait été renversée volontairement par une Mercedes dans le Xe arrondissement de Paris, un véhicule retrouvé incendié dans un parking le lendemain des faits. Le jeune homme avait ensuite été passé à tabac par une dizaine d'hommes et lacéré de coups de couteaux. Il est décédé, gisant dans son sang, quelques dizaines de minutes après le départ de ses agresseurs » rapporte le journal France Bleu.

Cinq coaccusés ont également été condamnés à des peines allant de 10 à 18 ans de réclusion criminelle. « Trois autres hommes ont été acquittés, car la cour a considéré que l'un d'eux, Wissem E. n'était pas sur les lieux au moment du crime, et que pour les deux autres, Saber B. et Moussa K. , elle ne disposait pas d'éléments de preuves suffisants pour les condamner. À l'issue du verdict,  MHD a ensuite été directement conduit au dépôt » a indiqué notre source. Les condamnés ont 10 jours pour faire appel.

 

Obsèques de Loïc Kamtchouang. (c) A.A

Qui était Loïc Kamtchouang assassiné à l'âge de 23 ans

Dans le portrait que lui consacre le journal Libération deux ans après la rixe mortelle, l'on apprend qu'avant un « passage à vide » et une adolescence en rupture avec son père, le Franco-Camerounais poignardé à mort en juillet 2018 à Paris , était un garçon brillant et «docile».

« Quand il était petit, Loïc Kamtchouang avait pour coutume de dire à sa mère, jonglant entre les petits boulots pour joindre les deux bouts : «  Je serai un grand homme et je vais t'aider.»  Dès ses 9 ans, l'écolier franco-camerounais, brillant et curieux, est envoyé par ses parents en France pour entrer au collège. Qui pouvait imaginer que son arrivée dans le quartier parisien de la Grange-aux-Belles, promesse d'une scolarité épanouie, se refermerait plus tard comme un piège, entre solitude, précarisation et rixe mortelle entre bandes ?

On sait peu de choses de Loïc Kamtchouang, poignardé et roué de coups jusqu'à la mort, dans un déferlement de violence, la nuit du 5 au 6 juillet 2018. Mandatée par la justice, une enquêtrice de personnalité tente, tant bien que mal , de dresser dans son rapport des éléments d'information pour comprendre la trajectoire de ce jeune garçon aux capacités certaines, mais pris dans une structure familiale  « complexe »  faite de  « secrets ». Et comment saisir la personnalité de la victime de 23 ans, qui durant les dernières années de sa vie s'était précarisée et isolée familialement, quand ses amis sont «  parties prenantes du dossier criminel »  ?

Natif de Yaoundé, capitale du Cameroun, Loïc Kamtchouang y grandit auprès de sa mère et de sa sœur, de deux ans sa cadette. Chaque été, leur père vient leur rendre visite depuis la France, où il vit. Comme beaucoup de mômes, Loïc Kamtchouang aime jouer au ballon et regarder Tintin à la télévision. A l'école, le petit garçon très investi apprend le français. Sa mère le décrit comme  «solitaire»  et plutôt  «docile»  :  «Si on lui disait : "Attends là !" Il attendait sans bouger.»

A 9 ans, direction Paris et la cité du Buisson-Saint-Louis. L'enfant s'installe avec sa petite sœur chez son père, où il partage une chambre avec ses demi-frères. Il ne reverra pas sa mère pendant des années. Comment at-il vécu ce déracinement et cet éloignement maternel ? La réponse reste un mystère. Avec un an d'avance, Loïc Kamtchouang entre donc en sixième au collège de la Grange-aux-Belles. A quelques ruelles seulement du 188, rue Saint-Maur où il trouvera la mort quatorze ans plus tard. Dans ses bulletins, les professeurs saluent un élève  « appliqué »  et  « agréable ». Le principal adjoint lui adresse même ses  « compliments ». C'est au lycée que commence le  «passage à vide», selon les termes paternels. Dès sa seconde technologique au lycée Dorian, dans le XIe arrondissement  , l'adolescent redouble. «Loïc ne force pas son talent»,  écrit un enseignant au sujet du lycéen qui cumule de  «très nombreuses absences»  injustifiées. L'adolescent se désinvestit, à la fois de son cursus scolaire et de la vie familiale. Il obtient malgré tout un baccalauréat STI génie électronique, puis s'inscrit en BTS électronique automobile. Mais malgré ses nombreuses recherches et candidatures, Loïc Kamtchouang n'essuie que des refus.

Il prend une année « blanche », cherche du travail, s'inscrit à la mission locale, déserte l'appartement. Collé en permanence à son portable, qui le relève à ses copains du collège, avec lesquels il n'a jamais coupé. Le majeur et ses pots traînent tard, fument du cannabis. Lui qui est issu d'une famille catholique peu pratiquante se convertit à l'islam. Un jour, le jeune homme revient d'une bagarre le visage amoché. «Il se fermait alors qu'il était ouvert, quelque chose clochait»,  dit le père, apparemment impuissant, qui évoque  «l'influence»  du quartier sur son fils. Il envisage alors de le retourner au Cameroun pour l'éloigner. C'est chose faite à l'été 2017. Loïc Kamtchouang a 22 ans. Il retrouve sa mère qu'il n'a pas vue depuis tant d'années.  d'après cette dernière, à qui le jeune homme ne parle pas de ses difficultés en France. Il en profite pour perfectionner sa conduite automobile, revient sur les traces de son village d'origine au nord du pays. Au bout de six mois, sa mère l'autorise à rentrer à Paris.

La suite s'écrit entre la misère et la rue. En rupture, Loïc Kamtchouang ne remet plus les pieds dans l'appartement paternel, mais dort dans le parking de l'immeuble ou à droite à gauche chez des amis. Il n'a pas d'autres revenus que les 100 euros mensuels versés sur son compte bancaire par son père. Les deux hommes ne se voient plus qu'au détour de rencontres inopinées, dans les rues du quartier ou le hall du bâtiment. «Il prenait la poudre d'escampette»,  se souvient le quinquagénaire. Lors de leur dernier échange, en juin 2018, ils évoquent un rendez-vous pour trouver  «des solutions». Loïc Kamtchouang ne viendra jamais. Un mois plus tard, une marche blanche est organisée en mémoire de celui qu'on surnommait « Pépé » dans le quartier. Au milieu des élus et habitants rassemblés, une peinture à son effigie :  «Repose en paix, Loïc Kamtchouang.» 

Auteur:
Adeline ATANGANA
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