Cameroun - Droits de l’Homme: Catherine Bakang Mbock accusée de vol d’enfants

Par Valgadine TONGA | Le Messager
- 15-May-2014 - 07h16   59510                      
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Josépha Kileba recherche depuis plus d’une dizaine d’années ses deux enfants, confiés par ses soins aux affaires sociales. Le ministre des affaires sociales affirme qu’ils ont été adoptés. Un collectif s’est créé pour la défense de la requérante.
Josépha Kileba recherche depuis plus d’une dizaine d’années ses deux enfants, confiés par ses soins aux affaires sociales. Le ministre des affaires sociales affirme qu’ils ont été adoptés. Un collectif s’est créé pour la défense de la requérante. Depuis 17 ans elle n’a qu’un rêve, un objectif, retrouver ses enfants. C’est devenu son combat et son travail quotidien. Etoa Michel et Sannal Winnie Fergie avaient respectivement deux ans et cinq jours, quand ils ont été enlevés à leur mère. C’est l’histoire de Josépha Kibela anéantie par la pauvreté, qui porte aujourd’hui les rides de ses 52 ans. Histoire qu’elle a racontée, à la presse mercredi 14 mai 2014, au cours d’une conférence de presse à la permanence de Cameroon people party de Kah Walla, à Douala. Une conférence organisée par le «Collectif Sos enfants volés» créé pour soutenir Josépha Kibela, entre autres. Le calvaire commence en 1997. Josépha est enceinte, ce qui est une bonne nouvelle. Sauf qu’à côté, elle perd son emploi. Elle a déjà trois enfants. Ses parents sont décédés. Le comble, c’est que les médecins lui découvrent une tuberculose. Pour la secourir, sa famille récupère les deux premiers enfants. Elle vadrouille de maison en maison, de bureau en bureau pour demander de l’aide. Jusqu’au jour où elle se retrouve au centre d’accueil des enfants en détresse d’Obobogo (un quartier de Yaoundé) sur les conseils et la procuration verbale de la responsable régionale des affaires sociales de la région du Centre. «La responsable du centre, Nana Yvonne m’avait proposé de lui vendre mes enfants -le troisième et celui que j’avais encore dans le ventre- ou de les faire adopter, contre une forte somme. J’ai opposé un refus catégorique. On m’a quand même permis de laisser mon enfant au centre, et la responsable a promis de me soutenir jusqu’à mon accouchement. Je ne pouvais pas vivre avec lui de peur de le contaminer», explique la mère. Cinq jours après son accouchement, elle qui passait toute sa journée au centre, question de veiller, sur ses enfants, reçoit l’ordre de ne plus y mettre les pieds. «Monsieur Samuel Ndjock (ancien délégué des affaires sociales dans le Littoral plusieurs fois cités dans les affaires d’enlèvement d’enfants, ndlr), à l’époque à la sous direction de l’enfance au ministère m’a dit ouvertement que je ne verrai plus mes enfants. Ils ont été placés dans une famille d’accueil.» Nous sommes en 2000. Josépha va essayer toutes les issues, envoyer des correspondances «à tous les premiers ministres et minas qu’ont a eus depuis lors jusqu’à présent. J’ai écrit aux Synergies africaines, à la Croix-Rouge, aux autorités religieuses…», mais aucune action concrète n’est menée pour qu’elle retrouve ses enfants. Dans sa bataille, elle est seule. Le père des enfants s’en est lavé les mains, dit-elle. «Le ministre est un délinquant» Selon une note du 30 juillet 2012 de Catherine Bakang Mbock, ministre des Affaires sociales dont nous avons eu copie, la ministre soutient : «La non implication de Sieur Ndjock Samuel, indûment indexé dans cette affaire.» Et confirme : «Les enfants, en bonne santé, sont actuellement élevés au sein de deux familles différentes.» Le gros problème c’est que l’Etat «n’a pas demandé ni informé Mme Kileba du placement de ses enfants dans des familles d’accueil. Cette femme est venue demander l’aide de l’Etat parce qu’elle était en détresse. Au lieu de l’aider, on lui a tout pris. Elle ne sait pas où se trouvent ses enfants, qui les ont adoptés. Je ne trouve pas la procédure utilisée par le Minas, parce qu’il y a 160 démarches, sans compter les actes à produire pour placer un enfant dans un foyer. Et parmi ces actes, il faut le consentement des parents ou de la famille, sauf si l’enfant est orphelin ou qu’il a été abandonné. Dans ce cas, les enfants n’avaient pas été abandonnés et la délégué régionale, (Françoise Ze à l’époque) le savait. Mme Kileba avait d’ailleurs demandé un poste de ménagère au centre, question d’être proche de ses enfants. Dans ses actes, le ministre est délinquant», martèle Me Charlotte Tchakounté. Elle fait partie du conseil des six avocats qui se sont déjà constitués pour la défense de Josépha Kileba. Comme pour dire qu’une plainte a été déposée contre le Minas. L’affaire est au tribunal de grande instance du Mfoundi. Exit la première audience du 17 février 2014, les renvois à répétition, la prochaine audience est prévue pour le 28 mai 2014. Le «Collectif Sos enfants volés» regroupe pour l’heure onze organisations. Cameroun O’Bosso, Femnet Cameroun, Article 55, Tribunal 53, Codas Caritas Douala, Avocates International Cameroon… se sont réunis pour que «Mme Kibela retrouve ses enfants, établisse les liens de mère-enfants. Sa dignité a longtemps été bafouée», argue Kah Walla. Georges Ekona, coordonnateur du collectif précise tout de même : «nos activités ne vont pas s’arrêter là. L’autre lutte sera la mise en place d’un système juridique et administratif protégeant les familles des rapts, de sorte qu’aucun parent n’ait plus à vivre ce traumatisme.» Valgadine TONGA




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