L’illustre disparu, « homme politique atypique, courageux, charismatique qui a marqué d’une empreinte indélébile la lutte politique pour la liberté et la démocratie » selon l’opposant Maurice Kamto, est entré en politique au début des années 1990 sous les yeux du journaliste à la retraite, Antoine Marie Ngono, alors en service à la rédaction de la Cameroon radio television (CRTV), l’organisme public camerounais de l’audiovisuel.

Antoine Marie Ngono est entré dans l’histoire en étant l’un des rares journalistes de l’office de radio et télévision du Cameroun à avoir couvert à la commercial Avenue à Bamenda, le meeting de lancement du SDF, manifestation meurtrière et violemment réprimée par les forces de l’ordre.

Antoine Marie Ngono est entré dans l’histoire pour avoir osé adresser une lettre d’humeur à sa tutelle, malgré sa casquette de journaliste de médias d’Etat. «Juin 1990. Zacharie Gniman et Antoine Marie Ngono adressent une véhémente lettre de protestation au ministre de la Communication, pour les avoir induits en erreur dans le compte-rendu des marches de lancement du SDF, le 26 mai à Bamenda. " Piétinés par balles"… Que disent leurs cadets d'aujourd'hui (de la CRTV, Ndlr), pour avoir été induits en erreur dans la relation des événements de Ngarbuh? Où est passé le journalisme en une génération de professionnels ? Pleure, ô profession bien aimée ! "» a récemment regretté Haman Mana, journaliste - Directeur de publication du quotidien Le Jour.

Antoine Marie Ngono est entré dans l’histoire comme celui qui occupait le poste de Rédacteur en Chef à la Crtv au début des années 90, baptisées « années de braise ». Il est sorti aujourd’hui de sa retraite pour évoquer l’épreuve à laquelle il était confronté avec une rédaction composée de diverses sensibilités.

« Le phénomène Fru Ndi a provoqué une onde de choc de magnitude 7 qui a secoué la rédaction de la Crtv. Il n'était pas bon d'être rédacteur en chef ou chef po en ces années-là. Hélas pour moi, je fus tour à tour chef po et Rec en ces années de braise. Je n'ai jamais eu professionnellement aussi chaud de ma vie. L'immense majorité du desk d'expression anglaise était composée de sympathisants du chairman. Parmi eux on dénombrait le secrétaire à la communication du SDF. Le magazine Cameroon Report, rebaptisé Cameroon calling était leur tribune et c'est moi qui devait apposer mon visa avant la diffusion de l'émission. Je rends grâce à Dieu d'avoir rempli cette mission, sans états d'âmes, avec pour seul filet le professionnalisme. Malheureusement, la rédaction de langue anglaise fut quasiment décimée et ses membres prirent le chemin de l'exil où ils se sont reconvertis en activistes politiques. Mais pour moi, perso, le Chairman sera resté un mystère. Pour moi, il y avait deux Fru Ndi. Comme Janus. Je n'en dis pas plus... Pour revenir aux souvenirs professionnels, je suis fier d'avoir réussi à convaincre le Pr Mendo Ze (Ex DG de la CRTV, Ndlr) de recommencer à couvrir les meetings de l'opposition et notamment ceux du SDF.  Ceux-ci faisaient l'objet d'un embargo suite à une instruction de la hiérarchie. Désormais il était exigé aux partis politiques de fournir à la Crtv le récépissé de déclaration de leurs meetings. Le SDF et le Chairman nous ont fait voir de toutes les couleurs à la Crtv », a révélé le Doyen et estimé confrère sous un post de Raould Dieudonné Lebogo Ndongo, journaliste à la retraite, ancienne grande plume de Cameroon Tribune, qui est aussi sorti de sa réserve pour rendre hommage à Ni John Fru Ndi.