Vivre en France: Le calvaire qu'on n'ose pas partager

Par | Le Messager
- 01-Dec-2005 - 08h30   59154                      
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Par cet article, j’ai voulu sans prétention aucune, vous livrer ma vision sur l’incontournable problème de l’immigration en France. Sujet difficile à contenir par le pays d’accueil et très dur à vivre par les immigrés que nous sommes.
J’ai décidé de traiter du problème de l’immigration parce que je pense que c’est un sujet qui nous concerne tous au premier plan. Mon problème n’est pas de trouver des solutions comme l’auraient fait des professionnels de l’immigration mais de mettre le doigt sur un sujet qui est devenu en France un thème central de tous les débats : avant chaque élection ou, comme aujourd’hui, les problèmes des banlieues. Bien avant de se lancer dans les débats sur l’immigration, il me paraît nécessaire d’aller aux sources mêmes de ce problème : Quelles sont les raisons qui poussent les Africains et en particulier les Camerounais à quitter leur pays et venir en France ? Il me semble qu’on peut distinguer deux principales catégories d’immigrés. En premier lieu, et en plus grand nombre, il y a ceux qui sont venus " chercher mieux ". En effet, l’extrême pauvreté et la paupérisation actuelle des pays africains incitent inévitablement les hommes et les femmes, toute catégorie sociale confondue, jeunes ou moins jeunes, à prendre la décision, malgré eux, de quitter leur pays pour se rendre aussi loin que possible afin de subvenir à leurs besoins. Ces hommes et ces femmes arrivent donc en France avec l’espoir d’y travailler et à envoyer aux membres de leur famille restés au pays de quoi vivre décemment. La seconde catégorie de personnes est celle qui concerne les étudiants. En effet, nombreux sont les originaires des pays d’Afrique francophones qui viennent en France après leur bac, licence, maîtrise ou tout autre diplôme supérieur, pour y effectuer une formation complémentaire. Une fois leur diplôme acquis, certains d’entre eux décident de rester en France et d’y exercer un métier parfois malgré eux, et optent ainsi pour la vie d’immigré. Ainsi, l’on se rend compte que tout se ramène à la première et unique cause : la recherche du mieux-être. Le mythe de la " terre promise " est si bien entretenu dans les anciennes colonies françaises que la force d’attraction est quasi irrésistible. Et, plutôt que de voir dans ce phénomène une simple invasion, il est plus correct d’en étudier les causes : la déchéance des pays africains, de ce continent marqué par un siècle d’esclavage, suivi de décennies de colonisation et de " travaux forcés ", dont le seul objectif était de fournir des matières premières à la Métropole. Et tant que subsisteront la pauvreté, la misère en Afrique, ce courant naturel de population se perpétuera … Comment on entre dans le cercle vicieux Après de nombreux ennuis administratifs dans son pays d’origine pour le détourner de son objectif de venir en France, le Camerounais devenu plus déterminé, arrive enfin sur ce qu’il appelle " la terre promise ". Ce pays qu’il connaît depuis l’enfance lorsqu’il chantait " Nos ancêtres les Gaulois ". Dans cette marée humaine qui se bouscule, un nombre infiniment restreint vient au nom de l’Etat camerounais. Ces boursiers sont informés par l’ambassade de la voie à suivre. Le reste, fier de leur exploit d’avoir foulé la terre de leurs rêves, sans aucune idée de ce qui les attend, dépourvus de toute information, commence la course contre la montre. En effet, très tôt, pour le nouveau venu, les difficultés s’enchaînent. La maison d’accueil qui n’est autre que celle de son frère de sang, d’un cousin, d’une tante, d’un simple compatriote lui devient hostile. Le frère ou le tuteur abandonne son hôte, et cela par n’importe quel temps de l’année. Les courses contre la montre des allées et venues à la préfecture pour l’obtention d’un titre de séjour ; l’angoisse et l’espoir de trouver bientôt un logement. Confronté à ces difficultés, les ambitions deviennent floues. Travailler, se loger, se vêtir et se nourrir, sont désormais prioritaires par rapport aux projets scolaires. Bien que la personnalité de l’Africain et en particulier du Camerounais en France se soit diversifiée et intensifiée, les ambitions restent les mêmes. L’ultime rêve est toujours le retour au pays. Malheureusement, avec ou sans diplôme, leur retour pose problème. Pour les diplômés qui veulent retourner au pays, le marché du travail est presque inexistant. La situation des non diplômés est encore plus précaire. Le souhait du retour au pays explique souvent leur passivité à une réelle participation à la vie économique en France. Devant ce dilemme de retourner au pays ou de s’intégrer à la société française, les immigrés camerounais comme les autres immigrés africains d’ailleurs, restent bloqués dans un cercle vicieux et accablés d’interrogations, les hésitations se multiplient, et le temps continue de passer. D’autre part, ils subissent des actes racistes, des discriminations à l’embauche, au logement etc. La France creuset de la discrimination Voici que, depuis 1982, le problème de l’immigration est devenu le centre de gravité de la vie politique française. A la veille de chaque élection, les immigrés et les Français d’origine arabe et d’Afrique noire deviennent les boucs émissaires de la crise sociale, économique et politique que traverse la France. Les Africains, aujourd’hui sont relégués aux petits boulots (gardiens de nuit, vigiles, marchandisage, garde d’enfants, etc.) et aux stages, discrimination à l’embauche et au logement, contrôle excessif de la police, est-ce ainsi que l’on pense favoriser l’intégration des immigrés et des Français d’origine d’africaine ? A l’heure où la France parle d’aider les pays d’Afrique Noire, et surtout où tout le monde parle de " mondialisation ", peut-on compromettre l’avenir de ces pays et des Africains en France par la fracture du racisme ? Raciste, la France l’est en effet, non par idéologie mais par démagogie populiste et fascisme à la française. Comme toute démagogie, on y trouve le lot habituel des lâches et des collabos. A propos des collabos, le pouvoir de 1940 avait déjà tenté de s’attaquer aux Juifs et quelques autres, sans succès. A présent, pour gagner la présidentielle de 2007, c’est contre les Africains que l’on veut mettre les barrières, et élever le mirador. Mais le peuple français, inquiet de son avenir, et de l’avenir de ses jeunes, me semble disposer, encore d’assez de ressources pour dire non à tout ce qui viendrait réduire le sens même de son histoire. La France est basée sur un ensemble de valeurs démocratiques, républicaines et universalistes. C’est précisément pour cela qu’au-delà de ses errements, et de ses erreurs et quelques fois de ses crimes racistes que les Africains lui font toujours confiance et gardent pour la France, une place particulière dans leur cœur. La titraille est de la rédaction (Le Messager) Par Patrice Ekwe Edimo Silo, Sociologue




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