Les Etats-Unis estiment que les dirigeants sortants qui font tout pour changer les règles pour se maintenir au pouvoir affaiblissent les institutions démocratiques.
Paul Kagame, 58 ans, avait annoncé jeudi 28 décembre 2015 au soir qu’il se représenterait à la présidentielle en 2017, comme l’y autorise la nouvelle constitution approuvée massivement (98,4% des votants) par ses concitoyens lors d’un référendum le 18 décembre 2015. Une décision mal perçue par Washington et l’Union Européenne, qui ont exprimé à plusieurs reprises leur profonde inquiétude et ont appelé M. Kagame à quitter le pouvoir en 2017.
«Avec cette décision, le président Kagame rate une occasion historique de renforcer et consolider les institutions démocratiques que le peuple rwandais s’est échiné à bâtir depuis plus de 20 ans», a déclaré samedi 2 janvier 2016 le porte-parole du département d’Etat américain, John Kirby, dans un communiqué. Selon Jeune Afrique qui relaie l’information sur son site internet, «les Etats-Unis estiment que les changements de pouvoir respectant la constitution sont essentiels aux démocraties solides et que les efforts de dirigeants sortants visant à changer les règles pour se maintenir au pouvoir affaiblissent les institutions démocratiques», lit-on.
Dans son communiqué, le porte-parole du département d’Etat américain déclare que «les changements qui favorisent un individu au détriment du principe de transition démocratique nous inquiètent particulièrement (…) le gouvernement rwandais doit garantir et protéger le droit de ses citoyens à exercer leur liberté d’expression, de conscience et de réunion pacifique – les caractéristiques des vraies démocraties».
La nouvelle Constitution continue de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, tout en abaissant sa durée de sept à cinq ans. Mais elle stipule aussi que la réforme n’entrera en vigueur qu’après un nouveau septennat transitoire, entre 2017 et 2024. Le président sortant est éligible pour ce septennat transitoire, de même qu’aux deux quinquennats suivants.
Elu en 2003 et réélu en 2010 avec plus de 90% des voix à chaque fois, M. Kagame avait indiqué que sa décision de se représenter en 2017 – date limite de son dernier mandat selon la Constitution non révisée – dépendrait des résultats du référendum. Paul Kagame est l’homme fort du pays depuis juillet 1994: à l’époque, sa rébellion du FPR avait chassé de Kigali les extrémistes hutu et mis fin au génocide qu’ils avaient déclenché trois mois auparavant (800.000 morts, essentiellement membres de la minorité tutsi). Ce Tutsi anglophone est crédité de la stabilité du Rwanda, qu’il a remis sur pieds avec un programme volontariste de développement économique.
«Mais celui qui, en 2010, avait laissé entendre que ce serait un échec pour lui s’il ne trouvait personne pour le remplacer avant la fin de son mandat actuel, est depuis accusé de verser de plus en plus dans une dérive autocratique», informe Jeune Afrique, qui rappelle que, comme lui, plusieurs dirigeants africains ont récemment levé ou tenté de lever les limitations constitutionnelles du nombre de mandats, parfois au prix de mouvements de contestations, notamment au Burundi voisin, plongé dans une violente crise depuis plus de huit mois.
Onana N. Aaron
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