Un an déjà que l'époustouflante voix de l'interprète de 'Amio' s'est tue. C'était le 1er juillet 2011 à Douala.
Le souffle haletant et caressant de son inimitable voix envoûtante, s'est définitivement étouffé, il y a une année. Le 1er juillet 2011. A l'âge de 63 ans. Des années après que la vénérée Madame 'Amio' à travers le monde, se soit échouée dans le cimetière culturel qu'est sa terre natale, le Cameroun. Dans cet asile de psychopathes-génocidaires culturels, les autorités de la ville de Douala d'après le cadet de la famille Manga, pour les obsèques de l'assurément plus époustouflante chanteuse africaine, auront exigé la somme de 400 000 F Cfa aux représentants des artistes venus solliciter la 'Maison du parti' et la 'Salle de fêtes' d'Akwa, en vue du traditionnel show offert en ces circonstances par la communauté musicale en guise d'hommage post-veillée funéraire. Hommage qui aura alors été déporté et chaleureusement prodigué aux quatre vents de la cité anglophone de Limbé.
Dans une tentative de cerner la réelle dimension de Elisabeth Bessem Ayamo Manga (le vrai nom de Bébé Manga), née le 27 novembre 1948 à Mamfé, dans la région anglophone du Sud-ouest Cameroun, parole est donnée à six chanteuses chevronnées qui s'autorisent un avis expert décryptant comment la puissance interprétative de Bébé Manga a fait de 'Amio', chanson dont l'originale bande-son radio est quasiment introuvable, un tube planétaire et intemporel, c’est aussi l’opportunité de s’attarder sur une facette peu connue de la poignante épopée de cette complainte sentimentale: le succès de cet air écrit et interprété par Ebanda Manfred dans les années 1960, aura été à l'origine d'un authentique drame humain, vécu par la ravissante créature qui l'a inspiré: Amié Essomba Brigitte
La plus célèbre inconnue du monde
Elle s'est vue crever un œil. Par la faute du succès retentissant de la chanson qui porte son nom, 'Amié'. Amié Essomba Brigitte est pourtant strictement demeurée en dehors des feux des projecteurs... Inconnue donc, des Henri Salvador, Harry Belafonte, Demis Roussos, les plus illustres parmi la centaine de chanteurs à avoir assaisonné à leur propre sauce, la géniale mélodie qu'ils lui doivent...
Il y a de fortes chances qu'elle soit encore en vie... Elle l'était, en tout cas, au moment de la disparition d'Ebanda Manfred, en 2003. Dans le plus strict anonymat. Ou mieux, au plus profond du cœur larmoyant du désespéré soupirant. Amié Essomba Brigitte est, tout simplement, la muse à qui la planète doit la chanson africaine la plus rééditée 'Amio', une savoureuse et langoureuse complainte sentimentale, composée, écrite et interprétée, donc, originellement par Ebanda Manfred en 1962. Mélodieux chanteur et guitariste acoustique, reconnu unanimement comme faisant partie du quatuor des créateurs du rythmé Makossa. Le vénérable morceau, à la faveur de la brillantissime réinterprétation de Bébé Manga, en 1980, connaît jusqu'aujourd'hui un succès fracassant. Puisqu'il ne se passe pratiquement pas une année, sans qu'il apparaisse dans l'album d'au moins un chanteur, qu'il soit africain, européen, américain...
Un œil crevé.
En guise de rançon du succès tapageur de la chanson, aux rares téméraires et curieux mélomanes-chroniqueurs qui se sont donné la peine de le traquer dans sa retraite sise à Bojongo, bourgade distante d'une dizaine de kilomètres du pont sur le Wouri à Douala, Ebanda Dooh Manfred se sera épanché à cœur ouvert, sur la dramatique péripétie vécue par la mignonne créature, à qui il doit sa géniale inspiration: alors qu'il est jeune employé au siège camerounais basé à Yaoundé, de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (0API), son cœur brûle d'amour pour une envoûtante 'yoyette', fraîchement fille-mère en arrêt de scolarité. Laquelle n'envisage pas de donner suite à ses avances, tant qu'elle n'aura pas sevré son nourrisson. Fougueusement à l'affût d'une réponse favorable, le viscéral émis d'amour, composera cette ode, 'Amié', dans le secret espoir de conjurer l'interminable attente... Un morceau qui sera enregistré dans le studio 4 pistes de Radio Douala, en 1962. Et qui n'aura jamais été, jusqu'aujourd'hui, gravé sur un support commercialisé. Le succès retentissant de la chanson, sur les antennes de la radio, fera le malheur du personnage éponyme, Amié Essomba, entre-temps, mariée. Mais pas avec le romantique prétendant. Qui révèlera donc des années plus tard: «quasiment chaque fois que la chanson était diffusée, ou encensée, Amié subissait la bastonnade de son mari. Qui en viendra jusqu'à lui crever un œil». La muse-martyre divorcera, avant de se remarier. Entre-temps, Ebanda Manfred prendra pour épouse, Villa Vienne, avec qui il formera le duo de chanteurs, C'en même temps, le couple le plus glamour et romantique de la place. A qui l'on doit de sublimissimes ballades...
Sur la lancée de son succès, la géniale trouvaille d'Ebanda Manfred va connaître bien de reprises par des chanteurs camerounais. Et le premier à s'y coller, dès la même année 1962, sera le célèbre chansonnier Francis Bebey. Mais, c'est l'incomparable jeu vocal de Bébé Manga, dans sa réinterprétation intitulée, 'Amio' en 1980, qui va catapulter la chanson au rang de standard planétaire. Objet d'une centaine d'autres rééditions... Le chanteur antillais, André Astasié, claque le premier coup de cymbale dès 1980, sous le titre 'Pension alimentaire'. Henri Salvador lui emboîte le pas en 1982, avec 'Amio Oh'. Depuis, y engouffreront également Harry Belafonte, Demis Roussos, Manu Dibango, Nayanka Bell, Papa Wemba, Angélique Kidjo, Monique Séka, Bisso Na Bisso, encore en 2004,
African Connection avec Denise & Bloco qui classeront le mélodieux air n°1 des ventes de l'été...
Seul Henri Salvador avait réussi à subjuguer le génial compositeur né le 2 décembre 1935. A travers sa simplicité et la reconnaissance infinie dont il lui faisait montre. Sans compter l'haletant génie exhalé dans sa réinterprétation à lui. Le flegmatique sexagénaire de Bojongo aimait à se délecter, non sans émotion, du traitement princier que le crooner français mettait un point d'honneur à lui procurer, à chacun de ses passages en France. Une limousine était mise à sa disposition dès l'aéroport. L'hôtel et les emplettes étaient pris en charge. Et Henri Salvador présentait Ebanda Manfred à tous ses proches... Harry Belafonte, dans une moindre mesure, avait également bénéficié d'une certaine estime du founding-father du Makossa, pour avoir tenu à entrer en contact avec lui. Et à lui verser un rondelet pactole de royalties...
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Bebey Manga, dans Amio
VIDEO: © Cameroon-Info.Net MultiMedia
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Audio: Amio (Bebey Manga)
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Bebey Manga dans Mot A Benama
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Audio: Mot A Benama (Bebey Manga)
AUDIO: © Cameroon-Info.Net
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