Au moment où plusieurs grandes métropoles du Cameroun ont décidé de prendre par les cornes le taureau du désordre urbain, celui-ci s'enracine plutôt de jour en jour à Kribi au grand bonheur des moto-taximen qui ne ratent pas une occasion de défier l'administration locale.
Kribi
Photo: © Archives
Le touriste qui débarque à Kribi le jeudi avant 11 heures, a comme première impression d'avoir mis les pieds dans une ville fantôme. En effet, il va vite remarquer que les services publics, para publics et privés, marchés et commerces sont fermés. Même les rues sont quasiment désertes. Un constat qui suscite des interrogations. C'est que sur hautes instructions du Premier Ministre, chef du gouvernement, relayées par le Ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd), la tranche horaire 8h-10 h est réservée à la campagne d'hygiène et de salubrité dans Cette ville balnéaire. Grande sera alors la surprise du visiteur de voir que personne ne se consacre véritablement à nettoyer les alentours de sa maison ou de son lieu de travail que ce soit au centre ville ou en périphérie comme cela est prescrit dans ledit texte.
Plus grave encore certains ont carrément décrété la matinée de jeudi fériée et chômée tandis que d'autres plus véreux en profitent pour faire de bonnes affaires. C'est le cas notamment des commerçants qui bien que les grilles de leurs établissements soient baissés, ouvrent la porte de service à travers laquelle les produits sont généralement vendus au prix fort. Par contre, les seuls à mener leurs activités au grand jour à cette période sont bel et bien les moto-taximen. Ces transporteurs préférés des Kribiens n'hésitent même pas un seul instant à transformer la voie publique en aire de stationnement, gare-routière ou tout simplement en garage où les huiles de leurs vidanges sont déversées sans ménagement sur le bitume. Pis encore, c'est de voir ces conducteurs de motos faire de la chaussée un manège où ils s'amusent quotidiennement avec les vies humaines. Effectuant, surcharge, excès de vitesse, non respect du code de la route autant de choses que partagent le mieux Ces hommes qui ont fait de la moto-taxi leur gagne pain.
Quand les mots ne suffisent plus pour guérir les maux
Une profession qu'ils embrassent pour la majorité sans formation adéquate. On peut donc imaginer le prix à payer par ces autodidactes pour devenir des professionnels. Beaucoup de ces chauffards restent sur le carreau. Malheureusement, ce sont les passagers qui payent le plus lourd tribut. En effet, en dehors des accidents très souvent mortels, d'autres se font agressés par les motos taxis passés maîtres dans l'art d'arracher les sacs à main aux femmes. Des victimes qui n'ont aucune chance de retrouver leurs bourreaux car motos et conducteurs sont dépourvus du moindre signe d'immatriculation. Un couteau à double tranchant car de nombreux propriétaires de deux roues ont vu leurs engins disparaître de la circulation par celui chargé de les exploiter. Les nombreuses victimes de moto-taxis de Kribi avaient pourtant applaudi des deux mains lorsque le 05 juillet 2010, Emmanuel Patrice Ngolle III a pris le commandement comme Préfet du département de l'Océan. Joie certainement motivée par la longue feuille de route qu'il reçoit des mains du Gouverneur de la région du Sud qui avait notamment insisté sur la lutte contre le désordre urbain d'où qu'il vienne. Une prescription qui a pourtant semblé recevoir un écho favorable lorsque que deux mois plus tard le patron du département de l'Océan tient une double séance de travail avec hôteliers et moto-taximen de son ressort de commandement. Deux assises qu'il conclut d'ailleurs d'un ton terme en affirmant haut et fort que: «La tolérance administrative a trop duré il est temps que les choses changent». Deux années se écoulées depuis et le changement fait toujours attendre.
Un véritable Capharnaüm
En outre, ceux qui ont pris des initiatives pour mettre un terme à l'anarchie n'ont pas eu le soutien escompté. C'est le cas du sous-préfet de l'arrondissement de Kribi 1er qui en début d'année s'est pratiquement ridiculisé en prenant une décision portant interdiction de la circulation des moto-taxis dans le périmètre urbain de la ville de Kribi de 00 à 5 heures. Un véritable coup d'épée dans l'eau qui a certainement rappelé de mauvais souvenirs au Délégué départemental des transports de l'Océan.
Lui qui mène depuis plusieurs années une guerre contre les moto-taxis qui jusqu'ici ont remporté toutes les batailles. La dernière a eu lieu en avril dernier lorsque le Délégué départemental du Minstrans a lamentablement échoué une fois de plus à faire appliquer le décret n°2008/3447/PM du 31 décembre 2008 fixant les conditions et les modalités d'exploitation des motocycles à titre onéreux.
Le même manque de soutien des autorités administratives est également venu refroidir les ardeurs du président national des propriétaires et conducteurs de motos (Synmotac), par ailleurs promoteur de la meilleure auto-école du Sud. Edmond Gustave Mbo Essam puisse qu'il s'agit de lui a eu à maintes reprises à proposer aux municipalités l'identification par chasubles avant d'organiser des sessions gratuites de formation sur le code de la route. Les différentes cibles ont boudé cette main tendue.
Résultat des courses, les mairies peinent chaque trimestre à recouvrer leurs différentes taxes auprès des moto-taxis qui sont décidés à faire de la cité balnéaire une jungle. L'exemple de ces hors la loi commence même à faire des émules au sein d'autres couches sociales.
C'est ainsi que les conducteurs des semi-remorques ont pris la mauvaise habitude de stationner partout où bon leur semble, quand ils ne traversent pas tout simplement les agglomérations en pleine vitesse. De même de nombreux commerçants ont choisi pour étals la voie publique, si ce ne sont les cours de certains services administratifs qui sont transformées en extension du marché. Dans les quartiers, les bâtiments sans permis de bâtir poussent comme des champignons tandis que les églises de réveil et débits de boissons se défient en matière de nuisances sonores. Un véritable capharnaüm qui ne cadre pas avec le statut de ville touristique, mieux de l'une des destinations les plus prisées par les touristes.