Politique ou économique? Ce que Bolloré est venu dire à Biya

Par Frédéric BOUNGOU et Jacques Willy NTOUAL | Le Messager
- 15-May-2012 - 08h30   52618                      
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Les supputations vont bon train sur les raisons de l’audience accordée hier lundi, 14 mai au patron du groupe éponyme. Une déclaration officielle du concerné lui-même ignore ces questions qui fâchent. Mais.
«Nous sommes venus avec Dominique Lafont (patron de Bolloré Africa logistics, ndlr) parler des développements économiques et de l’emploi au Cameroun». D’emblée, Vincent Bolloré veut évacuer toutes les supputations qui entourent sa visite au Cameroun (voir encadré ci-dessous). Dans une déclaration à l’issue de l’audience que lui a accordée Paul Biya hier lundi 14 mai 2012, le magnat français ne parle pas de politique ni de ses prétendus démêlés au Cameroun. Il lui préfère des thèmes économiques, officiellement, l’objet de sa visite au locataire du palais de l’Unité. Une occasion pour lui de dérouler les futurs projets économiques de son groupe au Cameroun. «Nous allons investir cette année et l’année prochaine dans la partie logistique, plus de cinquante milliards FCFA. Nous recruterons à peu près 400 jeunes et en plus nous avons près de 300 stagiaires par an. C’est pour donner les chiffres de notre groupe qui existe depuis 190 ans et qui a fait le pari de l’Afrique et donc du Cameroun depuis plusieurs dizaines d’années, que je suis venu voir le président de la République», affirme Vincent Bolloré. Dans les projets du groupe Bolloré au Cameroun apprend-on, figure en bonne place le développement du Port autonome de Douala à travers le terminal à conteneurs, le développement du Port en eau profonde de Kribi «parce que nous pensons que les possibilités portuaires sont importantes», dixit Bolloré et puis le développement de Camrail. «Nous avons aussi des projets dans le chemin de fer qui consistent à la fois à prolonger le chemin de fer vers d’autres pays et permettre ainsi d’aller récupérer les voyageurs et les produits pour les transporter via le Cameroun. Et puis nous avons un projet de train rapide entre Douala et Yaoundé avec des autorails qui pourraient mettre trois heures. Il faut qu’on tienne les trois heures, c’est très important. Ce qui permettrait de désengorger les routes, d’avoir moins d’embouteillages», poursuit Bolloré. «Je suis un investisseur fidèle» L’un des projets présentés au président de la République par son hôte concerne le secteur des énergies renouvelables, en l’occurrence, la photovoltaïque. Le groupe français revendique à cet effet une certaine expérience. «C’est nous qui avons été choisi pour lancer Auto-lib à Paris. Nous avons 2.000 qui circulent aujourd’hui à Paris, propulsés par des batteries électriques qui permettent de récupérer l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Et j’aimerai bien lancer, à nos frais bien sûr, un projet au Cameroun avec une ferme photovoltaïque, des batteries et puis des maisons qui seraient ainsi alimentées sans avoir besoin d’énergies fossiles. Je crois que dans les 16-18 mois, j’aurai l’occasion de venir faire un premier test et bénéficier de cette richesse qu’est le soleil que vous avez», se vante le magnat français qui loue entre autres, la stabilité politique du Cameroun. «Cela fait trente ans que je dirige ce groupe au Cameroun. Nous avons aujourd’hui 7.000 collaborateurs, notre objectif est d’atteindre 10.000 emplois dans les cinq ans qui viennent. Donc il faut embaucher et créer des activités nouvelles», indique-t-il. Et comment Paul Biya a-t-il réagi à l’annonce de tous ces projets? Vincent Bolloré est sûr de son fait. «Le chef de l’Etat est attentif aux questions économiques et aux problèmes d’emploi. Et puis, c’est un homme qui juge la fidélité des investisseurs. Il sait que nous ne sommes pas qu’un ami des bons jours. Nous sommes là quelle que soit la conjoncture.» Biya est-il de cet avis? Vincent Bolloré en opération de charme? Le patron du groupe éponyme, séjourne depuis plusieurs jours au Cameroun dans un contexte où les intérêts de son entreprise sont de plus en plus mis en mal. Décryptage Au-delà de l’audience que lui a accordée le président de la République, hier lundi 14 mai, et de sa rencontre avec des cadres africains de son groupe au Hilton hôtel, dimanche 13, Vincent Bolloré le magnat de l’industrie française a non seulement, touché du doigt les avatars que vit son groupe depuis un bon laps de temps. Le plus significatif de ces avatars est la nomination à la tête du Port autonome de Douala (Pad), d’Emmanuel Etoundi Oyono. Quatre ans plus tôt, son groupe avait obtenu la tête du Dg du Pad. Le crime, il a eu l’audace de retirer le dragage du chenal au groupe Bolloré qui au demeurant contrôle les 85% des importations qui transitent par les structures appartenant à son conglomérat et disséminées sur la place portuaire. Malheureusement, depuis le 27 mars 2012, c’est justement Emmanuel Etoundi Oyono qui dirige une nouvelle fois le Pad. Et dès son arrivée, il a suspendu tout engagement qui liait le Pad avec ses prestataires. Bien plus, les prestations du dragage du fameux chenal ne sont désormais payées à la tâche. Les contrats exorbitants (ils sont partis de 3 à 11 milliards FCFA par mois pour la même distance), aux oubliettes. C’est dire si le groupe a bu la tasse ici! Développement durable Ce n’est pas tout, le 17 avril 2012, le groupe Bolloré avec plusieurs autres entreprises, ont été condamnées par le ministère de l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable «pour pollution des eaux du fleuve Wouri par déversement des hydrocarbures». Le groupe doit verser au trésor public 25 millions de FCFA. Bolloré Africa logistics, conteste et refuse de payer cette amende. Ce n’est pas la première fois que le groupe est épinglé par une question liée à la pollution de l’environnement. On se souvient sans doute des travaux menés par Sherpa, une association de juristes et d’avocats français qui ont pris faits et causes pour les «populations victimes de crimes économiques», du Centre pour l’environnement et le développement de Samuel Nguifo qui ont enquêté sur les conditions de travail des employés des plantations de la Socapalm qui ne gagneraient en moyenne 32.500 FCFA. La conclusion de leurs investigations est troublante: elles affirment des «atteintes à l’environnement, manquements aux normes fondamentales du travail». Une plainte a été déposée à cet effet en France contre le consortium. Même le chemin de fer où il a obtenu l’exploitation pour trente ans depuis 1999, les indemnités de 603 employés estimées à 26 milliards Fcfa, selon Hilaire Kamga, leur porte-parole, cité par San Finna (un portail d’informations) n’ont jamais été payées jusqu’ici. Mieux encore, les démêlés du feuilleton de l’affaire de la Pme camerounaise Sitrafer opposée à Camrail (Bolloré) sont autant d’affaires qui vont meubler le séjour camerounais de celui qui a le mérite d’avoir érigé une entreprise familiale créée en 1822, en un groupe qui figure parmi les 500 premières que compte le monde.




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