Le Cameroun commémore ce 21 août, la catastrophe qui a fait 1746 morts en 1986.
21 août 1986-21 août 2007. Il y a exactement 21 ans, 1746 Camerounais ont été surpris dans leur sommeil par du gaz toxique sorti soudainement du lac de cratère du petit village de Nyos, dans le département de la Menchum. Aujourd’hui, le Cameroun tout entier se souvient de cette tragédie qui endeuilla de nombreuses familles. Depuis, les rescapés ont été recasés dans sept camps aménagés par le gouvernement qui, à l’époque, a réagi avec promptitude et efficacité pour faire face à ce drame. Avec le concours de la communauté nationale et internationale. 21 ans après, on peut observer un dispositif de sécurité sur le site. Sur le plan scientifique, le constat est clair : le lac contient de grandes quantités de gaz enfouies dans la terre. Evaluée à plus de 300 millions de m3 au départ, la quantité de gaz a été réduite à 230 millions de m3 aujourd’hui grâce à une colonne de dégazage installée au milieu du lac. Selon Jean Pierre Nana, directeur de la Protection civile au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd), lorsque le niveau de gaz carbonique dépasse la normale, le dispositif se déclenche automatiquement. L’alarme donnée, les populations sont tenues de s’éloigner et grimper les collines " ajoute-t-il. CT a rencontré le Minatd à l’occasion de ce douloureux anniversaire.
Marafa Hamidou Yaya:
"Le processus de dégazage se poursuit"
L’éclairage du ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya.
21 ans après, Nyos est-il entièrement sécurisé ?
Il convient de rappeler qu’au lendemain de cette catastrophe retentissante, le gouvernement avec l’appoint des pays amis a opté pour la mise en place d’un dispositif de dégazage de ce lac. Cette expérience inédite a été cristallisée par la création d’un comité interministériel de suivi du projet Dégazage des lacs Nyos et Monoun placé sous la présidence du Premier ministre, chef du gouvernement. Ce processus de dégazage se poursuit à la satisfaction du public avisé. Outre la colonne de dégazage installée sur le lac, un système d’alerte précoce équipé de phares et d’une sirène a été placé sur le site. Il est déclenché de manière automatique en cas de saturation du gaz toxique et alerte des populations riveraines qui peuvent rejoindre les zones de refuge. Par ailleurs, le site est entièrement sécurisé par des personnels chargés de la surveillance et du contrôle de l’accès au lac. Comme vous le voyez le lac Nyos est au cœur d’une intense et permanente action de prévention de la part du gouvernement. Toutefois, considérant qu’en matière de protection civile, le risque zéro n’existe pas, le gouvernement entend renforcer cet arsenal existant dans les prochains mois.
En faisant un tour dans l’un des campements des rescapés, on constate un manque d’eau, d’électricité et des problèmes d’hygiène et de salubrité…
Malgré les efforts substantiels en faveur des rescapés de Nyos, le gouvernement est conscient du gap qui continue d’exister entre leur confort actuel et leurs conditions de vie avant la catastrophe. En tout cas, les revers de fortune sont la première conséquence de toute catastrophe. A cet effet, tous les travaux de dégazage entrepris sur le Lac Nyos visent le retour à terme des sinistrés sur leur terre. Parallèlement, des études socio-économiques menées par le gouvernement avec le concours actif du PNUD militent pour un retour paisible des populations sur un site restructuré et nanti d’infrastructures sociales adéquates. En attendant la mise en œuvre de ces investissements sociaux, il est prévu dans le sillage de la présente commémoration, l’acquisition de nombreux équipements collectifs destinés à améliorer les conditions de vie de ces compatriotes.
Quelle est la stratégie du gouvernement pour que ces Camerounais trouvent un cadre de vie décent ?
Le gouvernement en rapport avec ses partenaires internationaux et notamment le PNUD et l’Union européenne, ont confectionné un programme national de sécurisation et de réhabilitation du Lac Nyos qui s’articule autour de quatre composantes complémentaires à savoir : la sécurisation du lac, la réinsertion des populations déplacées et l’appui au secteur productif, la gestion durable des ressources naturelles et la protection de l’environnement et l’amélioration et le développement des infrastructures structurantes. Le coût total du programme proposé se chiffre à près de 232 milliards de FCFA dont près de huit milliards de FCFA déjà mobilisés et près de 15 milliards à rechercher. C’est dire qu’un effort organisé et massif est en cours pour la viabilisation et la sécurisation de la zone du Lac Nyos.
Le problème de la route ne freine-t-il pas les équipes scientifiques qui doivent se relayer sur le site ?
Le gouvernement a fait du désenclavement de la zone un axe privilégié de son action. Les actions engagées au niveau national ont porté sur l’inscription dans le budget de l’Etat du reprofilage de toutes les voies menant au lac. Il s’agit notamment des travaux récents sur le tronçon Wum-Nyos par le ministère des Travaux publics. En outre la coopération internationale avec la Communauté européenne notamment projette dans les mois à venir le bitumage du tronçon Nyos village-Lac Nyos et de certaines zones critiques de la ring road. L’ouverture récente de la route Wum-Nyos à la circulation constitue une preuve éclatante de l’évolution positive de la situation sur le terrain.
Le Cameroun regorge de lacs et autres sites dangereux. Quelles leçons a pu inspirer la catastrophe du Lac Nyos à la politique gouvernementale en matière de prévention et de protection civile ?
Au lendemain du drame de Nyos, le gouvernement a commis un audit scientifique de tous les lacs à travers le ministère alors en charge de la Recherche scientifique. Il ressort de ces investigations que seuls les lacs Nyos et Monoun présentaient un risque avéré. Sauf évolution atypique ultérieure, il n’y a pas de raison de s’inquiéter outre mesure au sujet des autres lacs. S’agissant de la politique gouvernementale en matière de protection civile après la catastrophe du Lac Nyos, une stratégie multiforme a été mise en place. Cette stratégie comporte au plan endogène, le renforcement de l’arsenal juridique et institutionnel du secteur, et au plan de la prospective internationale la mobilisation du partenariat extérieur en faveur de la sécurité civile. Il en découle qu’aujourd’hui le Cameroun dispose au niveau de la prévention, d’un observatoire national des risques regroupant tous les partenaires du secteur au niveau de la réponse aux catastrophes, d’un plan national de contingence destiné à assurer la couverture efficiente des catastrophes au plan de la réhabilitation, le gouvernement a formulé de nombreux projets destinés à la restauration et la prise en charge des victimes à l’instar du projet IRCOSIF (Initiative pour la réhabilitation et la reconstruction des communes sinistrées et frontalières). En outre de nombreux projets intégrés ont vu le jour avec divers partenaires. Il s’agit sans être exhaustif, du projet GRINP (Gestion des risques naturels et protection civile) avec la France, du Programme national de prévention et de gestion des catastrophes (PNPGC) avec le PNUD, du projet de construction au Cameroun d’un centre sous-régional de la protection civile (CSRPC) sous l’égide de l’Organisation internationale de protection civile (OIPC).