Nécrologie: La dernière chronique de Jean Mboudou

Par Xavier Luc Deutchoua | Mutations
- 15-Jun-2005 - 08h30   55299                      
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Le premier directeur de la rédaction de Cameroon-Tribune est décédé.
Le premier directeur de la rédaction de Cameroon-Tribune est décédé. "Ils étaient tous là, au lancement du numéro zéro de Cameroon-Tribune, en 1975. Jacques Fame Ndongo, Alexandre Owona, Jean Ngandjeu, Joseph Bella Nga, René Claude Mve Minsta, Jean Mboudou...". L'énumération est incomplète. D'ordinaire, Martin Soua Ntyam qui étéia au départ le l'aventure, se sent flatté à l'évocation des premières heures du quotidien gouvernemental. Dimanche dernier, il avait la mémoire plutôt vacillante et s'étouffait de douleur à l'évocation du décès de Jean Mboudou, survenu le 5 mai 2005 à Yaoundé. Les deux amis se sont vus, la dernière fois à Yaoundé, au lieu dit Montée Jouvence, il y a deux mois. Il lui a dit: "J'ai un petit diabète". Ils ne se reverront plus. Jamais. Jean Mboudou est né en 1948 dans l'actuel Nyong-et-Soo, plus précisément dans l'arrondissement de Ngomedzap, à Nkolbewa, un village auquel il est resté très attaché, comme en témoigne une récente polémique au sujet de son feu oncle, le patriarche Jean Mboudou Ngambong. Après des études secondaires au Cameroun, il poursuit des études de journalisme à l'Université de Tunis. Son diplôme en poche, il se fait recruter au Ministère de l'Information et de la culture. Il est chef de bureau, depuis deux ans, quand naît le quotidien gouvernemental. Pour avoir collaboré à Cameroun- Dimanche, "il avait déjà la plume affûtée", affirme Martin Soua Ntyam. Florent Ely Etoga, le tout premier directeur de Cameroon-Tribune, en fait donc son rédacteur spécialisé dans les informations nationales, alors qu'il voulait être secrétaire de rédaction. A son poste, il anime la rubrique "Nation", couvre les informations politiques, multiplie les reportages à l'étranger, côtoie les "grands". Est-ce en raison de cette familiarité avec le pouvoir politique? Est-ce par ambition? Au début des années 80, son entregent aidant, le ministère des Affaires étrangères ouvre ses portes à Jean Mboudou. Il se retrouve secrétaire d'ambassade à Lagos, au Nigeria, où, vraisemblablement, il s'occupe de la presse et d'autres choses. Malgré l'amitié de l'ambassadeur Mohaman Lamine, il regagne le ministère de l'Information et de la Culture en 1984. Il revient à pic: Cameroon-Tribune est en pleine restructuration; le nouvel organigramme prévoit un poste de directeur pour coiffer les rédactions en anglais et en français. Son professionnalisme et son bilinguisme le destinent à cette fonction. Nous sommes en 1985. Deux ans après, il est au centre de l'affaire dite de "délégation de signature" qui l'emportera, en même temps que le directeur général de la Sopecam d'alors, Joseph Zambou Zoleko et le secrétaire général du gouvernement, Jean Kuete. Polémiste Il quitte alors le métier, pour la Direction générale des renseignements généraux, en laissant le souvenir impérissable de sa "Chronique du vendredi", qui alliait un art inégalé de la formule et une langue flamboyante, servie par une plume chaude. De son génie, Patrice Etoundi Mballa témoigne: "Très brillant journaliste, mais qui était porté sur la polémique". Polémiste, mais pas fielleux. Pour Herman Njipgang, qui l'a connu sur le tard, "il était de "cette race de journalistes soucieux de loyalisme, d'ordre et de respect de la hiérarchie". Par ces temps d'engouement pour le journalisme et de dépréciation de la qualité de la formation, qui veut assurer son professionnalisme sur un sol ferme, devrait revisiter les enseignements dispensés par Jean Mboudou à l'Ecole supérieure des sciences et techniques de l'information (Essti) en 1987-1988. Adieu prof.




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