Pour autant, le calme perçu ce vendredi 03 août 2012 à Lom Pangar n'était qu'apparent. Les ouvriers et les riverains ayant opté pour «la préservation de la paix sociale» et «la reprise de nos revendications dès le retour du chef de l'État».
Lom Pangar: Pose de la 1ere pierre - 03/08/2012
Photo: © PRC
Entre la polémique née de l’annonce de la probable double cérémonie d'inauguration officielle de la route Ayos-Bonis et les menaces qui pesaient sur celle de la pose de la première pierre du barrage hydroélectrique de Lom Pangar liée au manque de transparence dans les indemnisations des riverains, le Cabinet civil de la présidence de la République a vite fait le choix de sacrifier Ayos-Bonis. Pour autant, le calme perçu ce vendredi 03 août 2012 à Lom Pangar n'était qu'apparent. Les ouvriers et les riverains ayant opté pour «la préservation de la paix sociale» et «la reprise de nos revendications dès le retour du chef de l'État».
Lom 2, EDC rembourse les retenues des constructions
Une levée de bouclier a été observée à l’Edc après les révélations par la presse au sujet du flou qui entourait les indemnisations du village Lom 2, dans l'arrondissement de Bélabo, situé à 7 km en aval du site du projet. En effet, le principal grief des villageois de Lom 2 portait sur «des retenues opérées de façon disparate pour la construction des maisons pourtant uniformes comme vous avez pu l'observer au nouveau village de Lom Pangar dont le déménagement s'est déroulé le 24 mars 2012». Même la saisine de M. Thédore Nsangou par requête n'avait pas suffi à lui faire changer de position. A Edc, on justifiait ces retenues par le fait que «dans le cadre du plan d'indemnisation et de réinstallation (Pir), on ne va pas seulement construire les habitations des personnes déplacées mais également des salles de classe, des maisons communes, des cases de santé et des forages.» Et donc qu'il n'y avait plus rien à verser à ce village en plus de ce qu'il avait perçu.
Un mensonge au regard de ce qui s'est passé là-bas avant la visite du chef de l'État. Les déclarations, le 24 juillet 2012 au cours d'une des dernières réunions d'évaluation des préparatifs de cette visite présidentielle de M. Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, le gouverneur de l'Est, sur «de nouvelles indemnisations à Lom 2» sont confirmées par les riverains de ce village. Ces derniers précisent qu'«Edc nous a remis des chèques à toucher après le passage du président de la République. Ceux qui nous les remettaient disaient que ces chèques correspondaient aux sommes retenues lors des indemnisations pour, disaient-ils à l'époque, construire nos nouvelles maisons.»
Et au moment où nous écrivons ces lignes, ces villageois sont en route pour Bertoua où se trouvent leurs comptes. Les allégations de M. Nsangou face à M. Alain Belibi, lors de la rubrique «L'invité du 13 heures» du journal de la mi-journée de la Crtv de ce mercredi 1er août 2012 juste après l'annonce officielle de la visite de M. Paul Biya sont en contradiction avec les faits. «Nous avons réglé tous les problèmes sociaux et les rumeurs entretenues par une certaine presse sont fausses», a-t-il menti. Bien au contraire, à Lom 2, on affirme: «nous avons déjà pris les dimensions de nos futures cases et dès notre retour de Bertoua, si l'argent escompté est perçu, nous allons commencer nous-mêmes nos constructions. »
A Haman et Ouami, villages situés à une dizaine de km du site du projet, on se plaint toujours de «la non prise en compte de toutes nos revendications relatives au recasement de nos villages respectifs (...) déplacés précocement depuis 1995 du site de construction du barrage de Lom Pangar par la défunte Sonel pour les sites actuels sans mesures d'accompagnement malgré le fait que les travaux de la commission de constat et d'évaluation (Cce) ont montré que nos anciens villages sont à 04 mètres en-dessous de la côte minimale des eaux». On se souvient qu'en réclamant «le paiement des indemnisations liées de nos maisons abandonnées, nos sites sacrés et les tombes de nos parents», les chefs de Ouami et Haman fixaient l'échéance de «mars 2012 pour une solution à ce problème sinon une marche de protestation et d'autres manifestations seront organisées avant et pendant la cérémonie de pose de la première pierre pour nous faire entendre de la haute hiérarchie et que justice soit faite». En guise de réponse à leurs plaintes, les chefs de ces deux villages avaient été convoqués par le préfet du Lom-et-Djerem pour «nous intimider» comme le relatait Jean-Claude Fonti chef de Haman rencontré ce même 1er août 2012 à Bertoua. Joint au téléphone, M. Baba Mbom, le chef de Ouami, confirmait également que «rien n'a été résolu».
Lom Pangar, les ouvriers se plaignent toujours
C'est au moment de quitter le site de la cérémonie de pose de la première pierre de la construction du barrage de Lom Pangar le vendredi 03 août 2012 que nous sommes interpellés par un groupe d'ouvriers de la Cwe sur «les mensonges racontés par le Dg d'Edc sur la résolution de nos problèmes à 70%». En effet, selon M. Charles Avom Mbézock, soudeur, qui se présente comme «l'un des représentants du personnel ayant signé le communiqué lu sur les ondes à ce propos», «c'est Mme le délégué régional du travail et de la Sécurité sociale de l'Est qui nous avait intimidé et nous avons signé ce document». Une version balayée d'un revers de la main par Mme Delphine Nanga épouse Mvoto, la concernée que nous avons rencontré le lundi 06 août 2012 en matinée dans son bureau à Bertoua. Pour elle, «c'est vrai que je suis sorti de mes gongs ce jour-là mais ce sont eux-mêmes qui m'ont proposé ce document».
Pour cette dame, «mes multiples descentes et rencontres avec les différentes parties (Ouvriers, Cwe et la mission de contrôle (Coyne et Bellier/Isl, ndlr), il m'est revenu qu'aucun des ouvriers n'avait de contrat sous la forme que prescrit la législation camerounaise». Plus grave, sur ces contrats dont nous avons pu voir des copies, la partie concernant les salaires est écrite en chinois et les employés remplissent en français. D'où la colère de Mme Nanga qui a ramassé toute cette paperasse pour revenir à Bertoua, alors qu'elle devait être entrain de se soumettre à une cérémonie de veuvage, a travaillé au reclassement de ces ouvriers et conçu un spécimens de contrat de travail. «C'est pendant qu'on m'enlevait les habits de veuvage que les responsables de la Cwe sont arrivés. Le document que je leur ai remis était une base de discussion mais ils l'ont affiché à Lom Pangar. Ce qui a énervé les ouvriers qui, avec raison, se sont sentis trahis par moi.» D'où le blocage d'aujourd'hui et les mensonges qui ont entouré la visite de M. Paul Biya pour faire croire à l'opinion publique que tout était rentré dans I ’ordre.
Au sujet du sursis de la marche de protestation annoncée, M. Mbézock avance que, «C'est M. Théodore Nsangou, le directeur de Edc, qui était venu nous demander de sursoir à notre projet de marche de protestation. Il justifiait sa démarche par le fait que le chef de l'État n'a rien à voir avec nos problèmes et proposait alors que nous le laissions partir pour qu'après, la négociation continue en précisant que nous pouvions mettre en œuvre tous nos projets de grève afin d'aboutir à la résolution de nos problèmes.» La colère des ouvriers envers Edc est d'autant plus grande qu'ils se plaignent de ce que «la ration alimentaire, les soins hospitaliers, de l'eau potable et bien d'autres choses promises par cette entreprise ne sont jamais arrivées». Sur la suite, les ouvriers déclarent que «Nous n'allons pas attendre indéfiniment la résolution de nos problèmes. Si rien ne marche dans une semaine, nous allons entamer une deuxième grève jusqu'à ce que des solutions soient trouvées à toutes nos doléances.»
La question GBAYA demeure
La visite du président de la République à l'Est, comme partout ailleurs, est toujours ponctuée d'audiences. Celle de Bertoua n'a pas dérogé à cet usage. Seulement, selon des informations proches de l'organisation, «le chef de l'État a à chaque fois repoussé ces audiences». Et pour cause, soutient-on, «les informations sur les polémiques autour de la constitution des groupes amenés à le rencontrer plombaient ces entrevues».
En premier lieu, on a évoqué la question de la répartition des orateurs à Lom Pangar maintenant que l'inauguration de la route Ayos-Bonis était annulée. Une source proche de l'organisation locale ayant requis l'anonymat affirme que «normalement, puisque c'est la Kadéy qui a la direction de notre organisation à travers le ministre Emmanuel Bondé et le Lom-et-Djerem, la lourde tache de lire le discours de bienvenue par Essouka Gamone, le maire de la commune de Bélabo, la Boumba-et-Ngoko devra être porte-parole des élites et le Haut-Nyong pour les chefs traditionnels ».
Ce brusque changement dans la désignation du porte-parole de ces derniers qui aurait dû être Sa Majesté Aïba Ngari le chef de canton Gbaya de Bertoua a provoqué un véritable schisme dans une organisation qui se voulait uniforme. Même si le tort a été réparé au cours des audiences du lendemain, reste que les Gbaya, n'ont pas toujours avalé le fait que le porte-parole des chefs traditionnels, Sa Majesté Jean Claude Bala 1er, ait esquivé de traduire le mot «chef» en Gbaya et que «le cheval blanc que nous donné au chef de l'État soit présenté comme un cadeau préparé en commun avec la Kadéy». Cet «oubli» n'a pas été digéré par des populations qui estiment que «parce que nous sommes présents sur trois départements sur les quatre de la région de l'Est, nous formons un groupe non négligeable. En plus, sur le plan politique, nous avons trois des neuf députés qui nous restent.» Des arguments qui ne semblent pas avoir pesé lourd dans la balance au moment de la constitution des délégations qui devaient rencontrer M. Biya ce samedi 04 août 2012 à sa résidence du quartier Mokolo I à Bertoua.