Des concours viennent d’être lancés pour les cycles A et B, réservés exclusivement aux titulaires des diplômes en informatique et en mathématiques.
Trois arrêtés du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Benjamin Amama Amama, signés le 11 mai dernier portent ouverture de concours aux cycles A et B, ainsi qu’à la division judiciaire de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) au titre de l’année académique 2005/2006. Au cycle A, seule la division des régies financières est concernée et 75 places sont disponibles, réparties équitablement entre les douanes, les impôts et le trésor. Tandis qu’au cycle B, toutes les divisions sont concernées pour un total de 280 places : 80 pour l’administration générale et les 200 places restantes sont réparties entre la comptabilité-matières, les douanes, les impôts, le travail et le trésor, à raison de 40 places pour chaque filière. Enfin, 40 candidats méritants seront admis à la division judiciaire comme greffiers.
Mais, la grande nouveauté de ces concours, dont les épreuves écrites auront lieu entre le 26 et le 29 juillet prochains, c’est qu’ils sont exclusivement réservés aux candidats titulaires de diplômes en informatique et en mathématiques. Ainsi, peuvent faire acte de candidature au cycle A, division des régies financières, les jeunes camerounais remplissant les conditions d’accès à la fonction publique, ingénieurs informaticiens ou titulaires d’une licence en mathématique ou en informatique ou de tout autre titre équivalent dans les domaines susvisés. Au cycle B, les candidats doivent être titulaires d’un DEUG (diplôme d’études universitaires générales) en mathématiques ou en informatique, d’un DUT (diplôme universitaire de technologie) en informatique, d’un BTS (brevet de technicien supérieur) en informatique ou de tout autre titre équivalent dans ces domaines. Les mêmes conditions sont requises pour les candidats greffiers.
Assurément, cette condition limitative fera grincer les dents parmi ceux qui attendaient depuis le début de l’année l’ouverture de ces concours et au sein de l’opinion en général. Mais, comme l’explique si bien le ministre Amama Amama, " l’administration recrute en fonction de ses besoins et non ceux des citoyens ". Et en suivant le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (MINFOPRA), il apparaît qu’il y a aujourd’hui une nécessité à renforcer la qualité de la ressource humaine au sein de l’administration camerounaise en la dotant des personnels qualifiés à la base. C’est aussi de cette manière-là que l’on pourra arriver à relever le défi de la modernisation. Le MINFOPRA, chargé, aux termes du décret du 8 décembre 2004 portant organisation du gouvernement, de toutes les études relatives à l’évolution des besoins et ressources en agents de l’Etat et assurant la tutelle de l’ENAM, a donc courageusement décidé d’ouvrir l’ENAM aux scientifiques. Ce faisant, il n’exclut pas les candidats traditionnels de cette école qui auront la possibilité de concourir dans les différentes filières d’ici la fin de l’année.
L’administration, faut-il le souligner, est le bras séculier du pouvoir politique, un instrument qui doit lui permettre de réaliser ses engagements vis-à-vis du peuple. Par conséquent, si l’administration manque de performance, l’on trouvera que c’est le pouvoir politique lui-même qui n’est pas performant. L’administration doit donc être capable de résoudre les problèmes qui se posent à la collectivité toute entière et pour cela, elle doit se donner les moyens qui dépendent aussi largement de la qualité des hommes.
Benjamin Amama Amama: "Un besoin réel de personnels plus performants"
Benjamin Amama Amama, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative.
Vous avez lancé une série de concours de recrutement à l’ENAM réservés exclusivement aux mathématiciens et aux informaticiens. Qu’est-ce qui justifie cette décision ?
Permettez- moi d’entrée de jeu de souligner que l’administration recrute en fonction de ses besoins. Un besoin réel s’est fait donc sentir et qui a amené le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative que je suis à procéder au lancement de ces concours. Pour être clair, cette décision découle d’un certain nombre de constat. En effet, jusque-là, nous avons continué à recruter à l’ENAM essentiellement des licenciés en droit, en sciences économiques ou en littérature. Mais nous nous sommes rendus compte que la plupart de ces élèves ne parvenaient pas à suivre et à maîtriser les programmes de formation, notamment en ce qui concerne les enseignements sur l’économie, les statistiques et autres analyses financières. Certains élèves sont tellement allergiques aux formules mathématiques à tel point que, pour éviter de créer des tensions au sein de l’établissement, nous avons été obligés bien souvent, malgré nous, à leur décerner le diplôme de sortie de l’ENAM. Le résultat évidemment c’est qu’une fois sur le terrain, ces diplômés n’arrivent pas à se mettre à la hauteur du travail qui est attendu d’eux.
C’est l’une des raisons qui expliquent nos difficultés lors des négociations avec les bailleurs de fonds multilatéraux. Des fonctionnaires sortis de l’ENAM ne sont même pas capables de remplir un tableau d’opérations financières ou d’interpréter les résultats de certains agrégats économiques, cela est très grave. La conséquence fâcheuse de cet état de choses que les Camerounais ne perçoivent pas toujours, c’est que qu’on est obligé au niveau du gouvernement de créer des administrations parallèles. A l’exemple du Comité technique de suivi des programmes économiques et de bien d’autres. Ces comités se substituent à l’administration, négocient avec les bailleurs de fonds, prennent des engagements à l’insu même des administrations ; tout cela n’est toujours facile à gérer. Il est donc désormais question que les administrations qui sont créées par le chef de l’Etat fassent effectivement leur travail et pour le faire, il faut mettre à leu disposition des fonctionnaires formés et compétents.
Un licencié en mathématiques ou en informatique a-t-il les aptitudes nécessaires pour suivre une formation dans les régies financières et être efficace sur le terrain ?
Un licencié en mathématiques ou en informatique peut suivre en six mois toute la formation qui est donnée à un licencié en économie en trois ans. La rédaction ou l’utilisation des modèles pour lui n’est pas un secret. L’apprentissage du droit ou de l’économie à l’ENAM ne devrait pas poser de difficulté pour un scientifique. Vous savez qu’avant la réforme de l’ENAM de 1980, le cycle A était réservé aux bacheliers et ceux-ci n’avaient aucun problème pendant la formation et même sur le terrain. On va à l’ENAM pour apprendre un métier et la formation de scientifique ne pose aucun problème majeur.
La décision d’ouvrir l’ENAM aux scientifiques serait-elle finalement dictée par les impératifs économiques de l’heure du gouvernement ?
Je le répète, l’administration recrute pour résoudre ses besoins et non ceux des autres. Si nous sommes d’accord sur ce principe, il faut donc trouver la meilleure solution pour le faire. Pour nous, cette solution c’est celle que nous avons adoptée. Outre les préoccupations d’ordre économique qui nous interpellent en ce moment, l’administration camerounaise s’est engagée depuis quelques années dans un processus de modernisation. Le socle de cette modernisation est l’informatisation. Nous utilisons dans ce processus des logiciels conçus par des cabinets privés. Or, nous avons constaté que nous ne réussissons pas à mieux les utiliser parce que les privés ne maîtrisent pas toujours les rouages de l’administration, tandis que les agents sont incapables de s’approprier totalement les éléments mis à leur utilisation. La solution est donc évidente : recruter des personnels qui maîtrisent déjà l’outil informatique et dont la formation en administration publique ne présente aucune difficulté.
N’a-t-on pas besoin d’informaticiens ou de mathématiciens au niveau de l’administration générale, le concours en cycle A ne concernant que les régies financières ?
Le recrutement des informaticiens et des scientifiques concerne aussi bien l’administration générale, les régies financières que les greffes. Mais pour recruter, nous devons tenir compte à la fois des capacités d’accueil de l’école et des disponibilités budgétaires. C’est pour cette raison qu’il a fallu opérer un choix. Je m’apprête d’ailleurs à organiser, en fonction des disponibilités budgétaires, un concours de recrutement au mois de septembre prochain dans toutes les filières. A ce moment, on va ouvrir le concours aux autres divisions et à tous les diplômés. La priorité a été donnée pour le moment aux régies financières, parce que nous avons un véritable problème pour gérer les interfaces entre les différents systèmes informatiques utilisés dans les différentes chaînes des régies financières. Ces chaînes fonctionnent encore de manière autonome et n’ont aucun lien avec la direction du budget. Il faut arriver à maîtriser tout ce que nous générons comme recettes de façon à faire un rapprochement de manière instantanée avec le budget. Ce qui permet d’améliorer la qualité de la dépense publique, principale préoccupation du chef de l’Etat et de son gouvernement.
Que répondez-vous à ceux qui pourraient penser que le ministre Amama est en train de dévoyer la notoriété de l’ENAM ?
Je sais que les habitudes ont la peau dure. Mais, si nous nous laissons emporter par ce genre de pensée, nous n’allons pas du tout avancer dans ce pays. L’administration camerounaise doit se moderniser, sinon le pays tout entier court le risque d’implosion, parce que l’administration ne pourra plus résoudre les problèmes qui l’interpellent.