Le pape Jean Paul II est mort

Par | AFP
CITE DU VATICAN (AFP) - 3 Avril 2005 - 03-Apr-2005 - 08h30   62683                      
160
Charismatique et médiatique, le pape Jean Paul II, décédé samedi soir à l'âge de 84 ans, était un homme de fer qui avait décidé de tout au cours d'un pontificat étroitement lié à la marche du monde.
Orphelin de mère très jeune et élevé par un père officier de carrière dans l'armée prussienne, Karol Wojtyla a été marqué par son enfance sans présence féminine. "Le pape polonais" a dédié toute sa vie à la Vierge Marie, modèle de la mère et de l'épouse. "Déterminé et tenace", ces deux traits de caractère, liés à sa foi profonde, ont guidé son action pendant son pontificat, l'un des plus longs et des plus inclassables, car balancé entre ouvertures visionnaires sur le dialogue entre les religions et replis conservateurs sur la morale. Jean Paul II a dirigé l'Eglise catholique pendant plus d'un quart de siècle, la faisant entrer dans le troisième millénaire, et les jeunes générations n'ont connu que lui. Ses détracteurs, comme le théologien suisse Hans Kueng et l'écrivain italien Giancarlo Zizola, l'accusent de laisser une Eglise "en crise", dans laquelle "toute vie a été tuée". Ces dernières années ont été un long combat contre la maladie et les souffrances. Mais le vieillard impotent a été un homme vigoureux, un sportif aimant le contact. Jean Paul II a imprimé sa marque dès le début de son pontificat. Lorsqu'il est élu le 16 octobre 1978, Karol Wojtyla est âgé de 58 ans. Très vite, il affronte la Curie romaine, renvoyant au musée la chaise à porteurs utilisée par ses prédécesseurs pour se montrer, et descend au milieu de la foule, souriant, se laissant toucher, prenant les enfants dans ses bras. La place Saint-Pierre et l'Etat du Vatican deviennent trop petits pour lui. Il va aller au devant des fidèles, multipliant les voyages et les médiatisant à l'extrême. Son charisme est évident. Jeune homme, il était passionné de théâtre. De cette période, il a conservé le sens de l'auditoire et lorsqu'il s'adresse aux foules, chacun a le sentiment que le pape s'adresse à lui. Le succès est immédiat, notamment en Amérique Latine où les media, particulièrement inventifs, le surnomment "le globe-trotter de l'Evangile", "l'athlète de Dieu". Jean Paul II n'était pourtant pas très grand: 1,76 mètre. Mais les photographes l'avaient transformé en géant pendant les premières années de son règne, et l'image a tenu jusqu'à l'attentat du 13 mai 1981. Le début de sa déchéance physique a commencé le jour où il s'est fracturé le fémur, le 29 avril 1994. Mais déjà la maladie de Parkinson faisait son lent travail de sape. Le monde entier a suivi la lente dégradation de sa santé, scrutée par les caméras de télévision. Car Jean Paul II s'est toujours refusé à céder à la maladie et à la cacher. Et il a décidé de tout, même de ses funérailles et de sa succession, avec la constitution apostolique "Universi dominici gregis" du 22 février 1996. Sa vie et son pontificat ont épousé les grands soubresauts de l'Histoire. Jean Paul II a vécu la Seconde Guerre mondiale, résisté à deux totalitarismes -- le nazisme et le stalinisme --, et contribué à la chute du Mur de Berlin, marquant l'écroulement du communisme sur le Vieux Continent et sa réunification. Homme de Dieu et de paix, ses engagements n'ont pas tous été couronnés de succès. Il a ainsi vu le Proche-Orient s'embraser, rêver de paix, puis sombrer dans les guerres. Il a dû combattre l'islam extrémiste, les sectes évangéliques et le terrorisme religieux. Il n'a pu empêcher l'Afrique de se perdre dans les conflits et n'a pas su l'aider à combattre le fléau du sida. Pape politique, Jean Paul II a également été un chef spirituel, ni de droite, ni de gauche. En plus de 10.000 discours et 14 encycliques, il a amené l'Eglise à traiter de presque tous les sujets: idéologies, modèles économiques, questions de société, racisme, environnement, révoltes de masse et guérillas, sous-développement, dette du Tiers-Monde, sécurité et désarmement. Il est inclassable, car s'il est toujours apparu ouvert aux problèmes du monde et au dialogue avec l'islam et avec les autres religions non-chrétiennes, il a en revanche conservé une ligne très conservatrice sur les questions de la famille et de la morale. Et pour mettre au pas les théologiens contestataires, il s'est appuyé sur les mouvements les plus zélés ou mystiques, constituant pour certains de véritables lobbies de la foi, comme les charismatiques ou l'Opus Dei, qui donnent à l'Eglise une image réactionnaire. CITE DU VATICAN (AFP) - Premier pape slave de l'Histoire, Jean Paul II, 84 ans dirige l'Eglise depuis plus d'un quart de siècle, l'un des plus longs pontificats, dont les dernières années ont été obscurcies par les ravages de la maladie. Elu le 16 octobre 1978, il a succédé à Jean Paul Ier, pape éphémère décédé après 33 jours de pontificat, devenant le premier pape polonais. Depuis quatre siècles et demi, il n'y avait eu que des Italiens sur le trône de Pierre. Né à Wadowice, près de Cracovie (Pologne), le 18 mai 1920, Karol Wojtyla est issu d'une famille modeste. Son père Karol, apprenti-tailleur chez son propre père, fut enrôlé en 1900 par l'armée d'occupation autrichienne et y devint officier en 1915. Le futur pape a perdu sa mère à l'âge de neuf ans et trois ans plus tard, c'est son frère aimé, médecin, qui mourait, lors d'une épidémie de scarlatine en 1932. Le jeune Karol travailla dans une mine de soude, tout en poursuivant ses études secondaires et universitaires. Pendant la guerre, il animait un groupe de théâtre clandestin tout en achevant ses études de séminariste. Il fut ordonné prêtre en 1946. Après avoir été professeur de théologie, il devint évêque à Cracovie en 1964, participa au concile Vatican II et fut élevé au cardinalat en 1967. Jean Paul II a consacré une grande partie de son pontificat aux voyages apostoliques dans le monde entier, parcourant plus d'un million de kilomètres, soit 29 fois le tour de la Terre. Il a passé un dixième de son temps hors de Rome, et des centaines de millions de personnes se sont déplacées pour le voir personnellement. Son regret sera de n'avoir jamais pu aller en Russie et en Chine. Victime d'un attentat sur la place Saint-Pierre à Rome le 13 mai 1981, le pape a été blessé de trois balles par un extrémiste de droite turc, Mehmed Ali Agca. Depuis cette date, il a été hospitalisé à plusieurs reprises, subissant six interventions chirurgicales. Mais surtout, Jean Paul II souffre depuis le début des années 1990 de la maladie de Parkinson, dont les symptômes sont devenus de plus en plus apparents ces dernières années, malgré son courage et sa détermination, maintes fois réitérée, à poursuivre sa mission jusqu'au bout. Le pape est devenu incapable de se déplacer et souffre de difficultés d'élocution de plus en plus handicapantes, jusqu'à ne plus pouvoir parler en public. La terrible détérioration de son état de santé, visible de tous, surtout après la trachéotomie subie le 24 février, a donné un aspect crépusculaire à la fin de son règne et altéré l'image d'un pape qui avait surpris le monde, au début de son pontificat, par son énergie et sa forme physique. La paix et l'entente internationales ont figuré parmi les thèmes principaux de ses nombreux discours et documents, et il s'est notamment opposé avec vigueur à l'intervention militaire américaine en Irak au début de 2003, mobilisant une énergie qui lui faisait déjà défaut. On attribue en partie à son action et à son influence les bouleversements qui se sont produits à la fin des années 1980 en URSS et dans les pays de l'Est, à commencer par la Pologne. Jean Paul II a écrit quatorze encycliques, dont trois sur les questions socio-économiques, et est l'auteur de plusieurs livres à succès, dont une "Lettre aux familles" et un livre de réflexions sur le monde moderne, "Entrez dans l'espérance". En 2004, il a encore publié un livre de souvenirs et de réflexions. Sur le plan économique et social, Jean Paul II est souvent intervenu sur les droits des travailleurs et l'évolution des différents systèmes économiques, critiquant fréquemment le capitalisme sauvage. Enfin sur le plan moral, la protection de la vie humaine dès la conception et les principes traditionnels de l'Eglise catholique dans le domaine de la morale sexuelle ont été sans cesse réaffirmés avec vigueur, soulevant maintes critiques dans les milieux intellectuels occidentaux. Sous son pontificat, une trentaine de pays ont établi des rapports officiels avec le Saint-Siège, dont l'URSS - et ensuite la Russie -, les Etats-Unis, le Mexique, tous les anciens pays communistes de l'Europe de l'Est, Israël, la Jordanie et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Jean Paul II a été le premier pape à présider une rencontre des dirigeants de toutes les grandes religions, à Assise (Italie) en 1986 et en 2002. L'Eglise catholique a été accusée de "prosélytisme agressif" par les chefs des Eglises orthodoxes. Jean Paul II a travaillé sans relâche à la réconciliation avec les Juifs. Premier pape à aller prier dans une synagogue - à Rome, en 1986 -, son pèlerinage en Terre Sainte en mars 2000 a marqué un tournant dans les relations entre les deux religions. Après avoir demandé pardon à Dieu pour les fautes et les erreurs passées de l'Eglise, notamment à l'encontre des Juifs, le pape a renouvelé cette demande en Israël même, au mur des Lamentations à Jérusalem, le lieu le plus sacré du judaïsme.




Dans la même Rubrique