Le Cameroun pour une meilleure conquête des transferts des migrants

Par Alain NOAH AWANA | Le Messager
- 03-Oct-2013 - 19h14   50757                      
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Le ministre des Postes et télécommunications du Cameroun, Jean-Pierre Biyiti bi Essam, a procédé mercredi 2 octobre 2013 à Yaoundé, au lancement officiel du concept dénommé « Initiative postale d’amélioration des transferts d’argent des migrants en Afrique ».
Un marché important Le ministre des Postes et télécommunications du Cameroun, Jean-Pierre Biyiti bi Essam, a procédé mercredi 2 octobre 2013 à Yaoundé, au lancement officiel du concept dénommé « Initiative postale d’amélioration des transferts d’argent des migrants en Afrique ». Le projet, dont la période d’implémentation est prévue sur trois années, compte valoriser les transferts d’argent des migrants africains – et donc camerounais – en les orientant vers des produits et services financiers d’épargne, susceptibles d’accompagner le développement de l’Afrique. L’initiative est portée par l’Organisation non gouvernementale PlaNet Finance, et va coûter un peu plus de 1,3 milliards Fcfa avec un appui financier de l’Union européenne de près d’un milliard Fcfa. Le Cameroun fait désormais partie des pays africains concernés par ce projet pilote. Les activités qui sont prévues dans la mise en œuvre de l’initiative sont, entre autres : l’amélioration de la qualité du service mandat express international (Mei), la fourniture d’une éducation financière aux populations migrantes et leurs familles dans les pays cibles ; la densification du réseau de distribution Mei au sein des agences postales et d’un réseau de commerçants relais ; le développement d’une offre de produits/services financiers des postes partenaires adaptée aux besoins des migrants et favorisant le développement économique mondial ; et enfin, l’organisation d’ateliers régionaux pour mutualiser les expériences de chaque poste et sensibiliser les postes des pays voisins. Vu sous cet angle, on pourrait penser que les partenaires se sont mis ensemble pour dépenser de l’argent inutilement. Pourtant, les enjeux sont grands. Comme le souligne Raul Mateus Paula, ambassadeur et chef de la délégation de l’Union européenne au Cameroun, ce projet constitue une réponse concrète à une stratégie globale qui vise à renforcer les liens entre le développement et les flux migratoires. En fait, il s’agit de renforcer l’inclusion financière postale dans les pays concernés à savoir le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. Des pays qui ont une forte proportion de migrants. Seulement, ces derniers effectuent souvent des transferts d’argent par des voies informelles. Surtout parce que, contrairement à d’autres régions du monde, les coûts des transferts sont assez élevés : 9% du montant transféré comme moyenne dans le monde, entre 12 et 20% lorsqu’il s’agit des transferts vers l’Afrique ou intra-africains. L’objectif global est donc de permettre aux migrants d’effectuer des transferts vers leurs pays d’origine à moindres coûts, par des voies formelles, ce qui aurait un impact considérable sur le développement des populations et donc de l’économie des pays concernés. Alain NOAH AWANA Transferts des migrants: Un vivier pour le développement économique des pays En introduisant les transferts d’argent des migrants en Afrique dans le circuit formel, cela aiderait à booster les économies des pays d’origine. Les transferts des migrants africains vers leurs pays d’origine ne sont pas nouveaux. Leur argent constitue pour la majorité des pays d’Afrique une source essentielle. En effet, comme l’indique le ministre des Postes et télécommunications, les envois annuels moyens par migrant atteignent près de 700 000 Fcfa. Citant les statistiques du Fonds international pour le développement agricole (Fida), Jean Pierre Biyiti bi Essam indique que ces transferts représentent en moyenne, et par pays, 5% du produit intérieur brut et 27% des exportations. C’est dire l’importance que pourrait représenter ces flux financiers. Malheureusement, les bénéficiaires d’envois de fonds, qui mettent effectivement de l’argent de côté, ont trop souvent peu recourt aux canaux officiels. « Ramener ces fonds dans le système financier officiel pourrait accroître leur impact d’une manière spectaculaire », souligne encore une fois le Minpostel. C’est en somme l’objectif que se fixe l’Initiative postale d’amélioration des transferts d’argent des migrants en Afrique. Mais, cela va plus loin. Selon Adrien Champey, directeur du développement et du réseau international de PlaNet Finance, cela va démontrer que la poste a un rôle important à jouer dans le transfert d’argent. Mais, bien plus, on devrait pouvoir assister à une baisse significative des coûts des transferts. Au Mali ou au Burkina Faso où le système est déjà mis en place, cette baisse est de l’ordre de 25 à 30%. « Dans un monde en mouvement, la poste devra se positionner comme un des partenaires financiers fiables des institutions bancaires traditionnelles tout en redonnant entière confiance aux populations », conclut Adrien Champey. Fort potentiel Le potentiel est en effet fort, si l’on s’en tient aux statistiques données par Nils Clotteau de l’Union postale universelle (Upu). Avec plus de 600 000 établissements postaux dans le monde, la présence de la poste dans les milieux ruraux dépasse de loin celle des autres réseaux. C’est donc dire que même pour les populations vivant dans les zones les plus reculées du pays, l’inclusion financière postale aura un impact significatif. En fait, si l’on encourage les migrants à recourir à des moyens formels de transferts d’argent, la microfinance va participer fortement au renforcement de l’inclusion financière. Toutefois, les opérateurs postaux doivent relever de nombreux défis. Il s’agit d’améliorer les structures d’organisation, les ressources humaines et les procédures financières qui sont parfois inefficaces pour développer et distribuer des produits adaptés de microfinance. Pour mieux comprendre l’importance de cette inclusion financière postale, il faut noter qu’elle vise à intégrer les gens – très nombreux d’ailleurs – qui sont exclus du secteur financier formel. La poste, dans ce sens, propose elle-même ces services financiers ou alors s’associe à une institution financière pour donner l’accès à de tels services. En définitive, les migrants sont incités à orienter vers l’économie formelle, les flux envoyés à la fois par les actions de sensibilisation à l’éducation financière, mais aussi par de nouveaux produits financiers qui seront réinjectés dans l’économie locale des pays concernés par l’Initiative. Alain NOAH AWANA Focal: Les bénéficiaires de l’initiative Migrants utilisateurs : 27 500 migrants du Mei voient leur offre de services financiers améliorés Populations : 50 000 personnes sont sensibilisées à l’éducation financière Migrants et familles : 4 000 migrants et membres de leurs familles sont formés sur la thématique de l’éducation financière Associations : au moins quatre associations de migrants sont renforcées Initiative: L’arrimage du Cameroun : un espoir ? Les conclusions sont claires : par rapport à d’autres régions du monde, les transferts d’argent vers l’Afrique sont ceux qui présentent le « degré le plus élevé d’informalité ». Entre temps, le marché formel sur le continent noir présente un « degré faible de compétition », quand on sait que deux principales sociétés de transferts d’argent contrôlent 65% des lieux de réceptions, alors qu’elles sont très peu présentes dans les zones rurales. En Afrique centrale et de l’Ouest, l’accès aux services financiers reste très problématique sur l’ensemble des pays ; le taux de bancarisation y est en moyenne de 6,25%. Evidemment, les données ne changent pas beaucoup au Cameroun. D’où la volonté du pays à s’arrimer à cette nouvelle donne. La poste camerounaise, représentée par la Cameroon postal services (Campost) effectue des transferts d’argent depuis qu’elle a été relancée vers un meilleur avenir. Elle réalise en moyenne 10% de son chiffre d’affaires grâce à ces transferts d’argent. Et dans cette réalisation, on note que les transferts domestiques occupent une place prépondérante, soit 75%. Le directeur général de la Campost, Hervé Béril, souligne que les transferts des migrants sont importants aussi. L’arrimage du Cameroun à l’Initiative postale d’amélioration des transferts d’argent en Afrique n’est donc qu’un acte de plus pour mieux servir les populations. Avec 900 000 comptes d’épargne à gérer et 232 points de contact, la Campost pourrait donc très bien développer cette initiative. Ne plus payer des sommes faramineuses A l’heure actuelle, rassure l’entreprise, la technologie utilisée dans certaines zones où l’accès à l’énergie électrique ainsi qu’à l’Internet est quasi-nulle, la technologie utilisée permet d’effectuer ces transferts en quelques temps, que l’on soit au Cameroun, dans un pays européen, ou en Afrique. C’est un ensemble de technologies qui devrait permettre aux migrants de ne plus payer des sommes faramineuses à chaque fois qu’ils transfèrent de l’argent à leurs proches alors que d’autres, bien mieux dotés, le font virtuellement sans payer un seul franc. D’où le rappel de l’ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne au Cameroun qui explique que le projet mis en œuvre vient à point nommé pour trouver une solution à ce problème. La Campost, comme de nombreuses autres postes, ont déjà conduit des processus de transformation, partant d’une organisation bureaucratique centrée sur le courrier pour aboutir à une entreprise commerciale moderne et diversifiée avec une mission sociale de service public pour l’ensemble de la population. Ce qui devrait permettre d’augmenter l’offre de services financiers dans le pays aux personnes non bancarisées. Et partant, conduire à une réduction de la pauvreté et à une participation accrue des populations au développement économique. Sur le plan général, l’Initiative postale d’amélioration des transferts d’argent des migrants en Afrique dans les quatre pays concernés va bénéficier à 215 000 migrants de la zone en France et aux 2,8 millions de migrants-intra-zone. Alain NOAH AWANA




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