Alors que la France était d'accord pour l'admission de la Palestine à l'Unesco, le pays de Paul Biya a joué la carte de la «neutralité». Afin d'éviter les foudres des Etats-Unis qui tardent à reconnaître sa victoire et pour ne pas frustrer Israël?
C'est un choix et un jour historiques. L'Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco) a décidé, lundi 31 octobre 2011 à Paris, d'admettre la Palestine comme un de ses membres à part entière. Dans le détail, la Palestine accède à cette première reconnaissance internationale comme «Etat» avec une confortable majorité. «La Conférence générale (qui réunit l'ensemble des Etats membres, ndlr) décide de l'admission de la Palestine comme membre de l'Unesco», selon la résolution prise. Pour adopter cette résolutions, 107 pays ont voté pour, 14 étaient contre et 52 se sont abstenus de voter.
Les pays africains ont massivement soutenu la Palestine. Même si plusieurs d'entre eux n'ont pas voulu donner une position claire. Le Cameroun fait partie des pays qui ont joué la carte de la «neutralité». Une décision quelque peu étonnante. Surtout quand on sait qu'entre temps, la France a voté «oui» pour que la Palestine soit admise à l'Unesco. Parmi les autres pays africains qui se sont abstenus, on peut citer la Côte d'Ivoire, le Libéria, le Togo, l'Ouganda et le Rwanda. En soutenant la Palestine, les pays arabes ont quant à eux voulu donner un signal fort au monde.
Ne pas frustrer Israël
Doit-on donc comprendre que le Cameroun a évité de mener une action diplomatique forte dans un monde en mutation? Pour certains experts des questions internationales, il n'y a point de doute. Joint sur son téléphone portable alors qu'il se trouvait à Paris, le Pr. Messanga Nyamding donne les trois raisons qui, selon lui, ont poussé le Cameroun sur la voie de l'abstention. D'abord, «nous sommes dans une situation où le pays achève son élection. Et au regard des mutations qui s'opèrent dans le monde, il n'était pas conseillé de mener une action diplomatique forte», explique le politologue. En filigrane, on peut comprendre que le pays a choisi la neutralité pour ne pas attirer les foudres de la communauté internationale, notamment celles des Etats-Unis. Deuxièmement, il se pourrait que le Cameroun ait voulu éviter de «frustrer» un pays ami. Là, le professeur parle d'Israël, qui était formellement opposé à l'admission de la Palestine à l'Unesco. «Le Cameroun a de très bonnes relations avec Israël, sur les plans économique et militaire. C'est un partenaire privilégié que nous n'avons pas voulu frustrer», argue-t-il. Enfin, et c'est la troisième raison, la position du Cameroun tient lieu du fait que c'est un pays très attaché aux groupes du tiers monde et des non alignés. «Nous avons donc choisi la voie du milieu, en attendant qu'il y ait visibilité. Et c'est d'ailleurs ce que le chef de l'Etat a toujours prôné», appuie-t-il.
Quant à dire que le Cameroun n'a pas suivi cette fois la France, pour Pr. Messanga Nyamding, ce n'est pas le cas. Il explique que le Cameroun et l'Hexagone ont souvent des points de vue communs quand les intérêts du premier l'exigent, et divergents quand ces intérêts ne sont pas les mêmes. «Les choix diplomatiques de notre pays ont un lien fort avec ses intérêts. Et il faut se rendre compte que face à certains conflits africains (crise ivoirienne et guerre en Lybie, ndlr), le président de la République a souhaité que les Africains règlent eux-mêmes leurs problèmes», souligne le politologue.