Réputé pour son professionnalisme, ce fils de pasteur a aussi fait découvrir sa casquette de mari jaloux.
Le chef d'escadron Joël Emile Bamkoui a été placé en détention préventive à la prison militaire de Yaoundé hier, jeudi 20 novembre 2008. Ce sont là, les derniers développements de ce qu'il convient désormais d'appeler " l'affaire Bamkoui ". Laquelle fait suite à l'assassinat de l'inspecteur de police Hervé Michel Mapouro Njifon survenu dans la nuit du 13 au 14 novembre dernier au domicile du commandant situé en plein camp des officiers de gendarmerie à Mboppi (Douala). Une brillante carrière de gendarme risque ainsi de prendre du plomb dans l'aile. Après avoir enchaîné plusieurs stages de recyclage successifs à Yaoundé et à l'étranger, le commandant Bamkoui devait, en effet, être promu au grade de lieutenant colonel dès le 1er janvier 2009. Une promotion plus que jamais hypothéquée, au vu du triste événement qui a marqué sa vie ces derniers jours.
Il ne faudrait cependant pas se méprendre. Joël Emile Bamkoui ne saurait être traumatisé pour avoir ôté la vie à un homme. Il en est habitué. Notamment dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme, qu'il semble avoir fait sienne. Des sources proches de la gendarmerie, celui qui était encore le commandant du groupement territorial de gendarmerie de Douala jusqu'à une date récente, revendique en effet un tableau de chasse impressionnant. Ses collègues parlent d'une vingtaine de gangsters tués au cours de son service. Un bilan qui lui vaut la confiance de sa hiérarchie, et lui confère également une réputation de gâchette facile.
Très caractériel, selon certains de ses collègues d'arme, les anecdotes sont nombreuses au sujet de Joël Emile Bamkoui. Illustration en 2006, à Douala. Au cours d'un bouclage du cimetière de Bonadibong, le commandant interpelle quatre présumés malfrats à qui il demande de s'en aller en courant. Au même moment, il ordonne à ses hommes de tout "nettoyer" en fusillant les suspects dans le dos. Lors d'une visite à Douala du Secrétaire d'Etat à la Défense chargé de la gendarmerie, Jean-Marie Aléokol, le commandant Bamkoui n'avait, en effet, pas eu besoin de mettre des gants pour affirmer qu'il est fatigué de traîner des bandits au parquet où ils sont par la suite remis en liberté. "J'ai dit à mes hommes d'en finir sur le champ des opérations", avait-il précisé.
Le passage de ce dernier au poste de commandant de l'unique compagnie de la gendarmerie qui existait à l'époque dans la Mifi, aura par ailleurs marqué les esprits. Notamment en mars 2002, lorsque Barthélemy Kengne, le neveu du promoteur de Congelcam, entreprise spécialisée dans la vente du poisson, est conduit dans le monde du silence éternel. Joël Emile Bamkoui n'y est pas directement impliqué, mais officie comme patron hiérarchique du commandant de brigade. Il peut donc donner des ordres à son subalterne. Barthélemy Kengne est froidement assassiné au fond d'une cellule de la brigade de gendarmerie à Bafoussam. Nul ne sait par qui, ni comment cela est arrivé.
Méthodes
Aussitôt, l'affaire est portée au-devant de la scène. Chacun veut percer le mystère qui entoure comme c'est le cas avec le cas de l'inspecteur Mapouro, deux versions s'affrontent : l'autorité de gendarmerie s'accroche sur la thèse de l'étranglement orchestré par l'un des locataires de la cellule ; tandis que la famille du défunt explore la voie d'une dérive. Sous les chaumières, il se raconte en effet que, pour extorquer des aveux à la victime, des gendarmes soumis à l'autorité de Joël Emile Bamkoui ont dû lui loger un plomb dans le pied. Barthélemy Kengne, 38 ans, avait été interpellé à la suite du démantèlement d'un redoutable gang de neuf personnes qui opéraient à Bafoussam sous la conduite d'un certain Jean Alain Kenfack. Le défunt avait été désigné comme l'un des receleurs des cinq microordinateurs arrachés à des missionnaires. Jusqu'à ce jour, les circonstances exactes de sa mort sont restées floues.
D'aucuns critiquent ainsi les méthodes de Joël Emile Bamkoui. Mais, ses proches disent de lui qu'il est simplement ferme dans ses décisions et particulièrement sérieux dans son travail. Que ce soit à Nkongsamba où il fut commandant de peloton, dans la province de l'Ouest où il a œuvré en tant que commandant de compagnie, et à Douala où il est tour à tour fait commandant de compagnie et commandant du groupement territorial de gendarmerie, le courage de Joël Emile Bamkoui, en tout cas, force l'admiration et le respect. Un véritable bosseur, dit-on, qui est sorti de la promotion "Ouverture" de l'Ecole militaire interarmes (Emia) en 1992.
Toutefois, si le commandant Bamkoui a régulièrement été félicité par sa hiérarchie pour ses faits d'arme contre des hors-la-loi, il est aujourd'hui appelé à s'expliquer devant la justice militaire pour avoir tiré et tué un inspecteur de police, qu'il présente comme un amant de son épouse Danielle. Fils d'un pasteur, le Révérend retraité nommé Songsaré, qui fut président de l'Eglise évangélique luthérienne au Cameroun (Eelc) pendant une dizaine d'années, Joël Emile Bamkoui est en effet, selon ceux qui croient bien le connaître, "fou amoureux" de sa femme.
Un mari irascible et particulièrement jaloux aussi. Un trait de caractère qui s'explique par toute la peine que semble, à écouter des témoignages, s'être donné cet homme qui tenait à mettre son épouse au petit soin. Au point ne pas imaginer qu'elle puisse le tromper avec un autre. Un caractère assez singulier pour un pratiquant d'arts martiaux, qui aspire à un troisième dan au karaté shotokan.
Eugène Dipanda
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