Joël Emile Bamkoui : Un "Terminator" à la prison militaire de Yaoundé

Par | Mutations
- 21-Nov-2008 - 08h30   71610                      
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Réputé pour son professionnalisme, ce fils de pasteur a aussi fait découvrir sa casquette de mari jaloux.
Le chef d'escadron Joël Emile Bamkoui a été placé en détention préventive à la prison militaire de Yaoundé hier, jeudi 20 novembre 2008. Ce sont là, les derniers développements de ce qu'il convient désormais d'appeler " l'affaire Bamkoui ". Laquelle fait suite à l'assassinat de l'inspecteur de police Hervé Michel Mapouro Njifon survenu dans la nuit du 13 au 14 novembre dernier au domicile du commandant situé en plein camp des officiers de gendarmerie à Mboppi (Douala). Une brillante carrière de gendarme risque ainsi de prendre du plomb dans l'aile. Après avoir enchaîné plusieurs stages de recyclage successifs à Yaoundé et à l'étranger, le commandant Bamkoui devait, en effet, être promu au grade de lieutenant colonel dès le 1er janvier 2009. Une promotion plus que jamais hypothéquée, au vu du triste événement qui a marqué sa vie ces derniers jours. Il ne faudrait cependant pas se méprendre. Joël Emile Bamkoui ne saurait être traumatisé pour avoir ôté la vie à un homme. Il en est habitué. Notamment dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme, qu'il semble avoir fait sienne. Des sources proches de la gendarmerie, celui qui était encore le commandant du groupement territorial de gendarmerie de Douala jusqu'à une date récente, revendique en effet un tableau de chasse impressionnant. Ses collègues parlent d'une vingtaine de gangsters tués au cours de son service. Un bilan qui lui vaut la confiance de sa hiérarchie, et lui confère également une réputation de gâchette facile. Très caractériel, selon certains de ses collègues d'arme, les anecdotes sont nombreuses au sujet de Joël Emile Bamkoui. Illustration en 2006, à Douala. Au cours d'un bouclage du cimetière de Bonadibong, le commandant interpelle quatre présumés malfrats à qui il demande de s'en aller en courant. Au même moment, il ordonne à ses hommes de tout "nettoyer" en fusillant les suspects dans le dos. Lors d'une visite à Douala du Secrétaire d'Etat à la Défense chargé de la gendarmerie, Jean-Marie Aléokol, le commandant Bamkoui n'avait, en effet, pas eu besoin de mettre des gants pour affirmer qu'il est fatigué de traîner des bandits au parquet où ils sont par la suite remis en liberté. "J'ai dit à mes hommes d'en finir sur le champ des opérations", avait-il précisé. Le passage de ce dernier au poste de commandant de l'unique compagnie de la gendarmerie qui existait à l'époque dans la Mifi, aura par ailleurs marqué les esprits. Notamment en mars 2002, lorsque Barthélemy Kengne, le neveu du promoteur de Congelcam, entreprise spécialisée dans la vente du poisson, est conduit dans le monde du silence éternel. Joël Emile Bamkoui n'y est pas directement impliqué, mais officie comme patron hiérarchique du commandant de brigade. Il peut donc donner des ordres à son subalterne. Barthélemy Kengne est froidement assassiné au fond d'une cellule de la brigade de gendarmerie à Bafoussam. Nul ne sait par qui, ni comment cela est arrivé. Méthodes Aussitôt, l'affaire est portée au-devant de la scène. Chacun veut percer le mystère qui entoure comme c'est le cas avec le cas de l'inspecteur Mapouro, deux versions s'affrontent : l'autorité de gendarmerie s'accroche sur la thèse de l'étranglement orchestré par l'un des locataires de la cellule ; tandis que la famille du défunt explore la voie d'une dérive. Sous les chaumières, il se raconte en effet que, pour extorquer des aveux à la victime, des gendarmes soumis à l'autorité de Joël Emile Bamkoui ont dû lui loger un plomb dans le pied. Barthélemy Kengne, 38 ans, avait été interpellé à la suite du démantèlement d'un redoutable gang de neuf personnes qui opéraient à Bafoussam sous la conduite d'un certain Jean Alain Kenfack. Le défunt avait été désigné comme l'un des receleurs des cinq microordinateurs arrachés à des missionnaires. Jusqu'à ce jour, les circonstances exactes de sa mort sont restées floues. D'aucuns critiquent ainsi les méthodes de Joël Emile Bamkoui. Mais, ses proches disent de lui qu'il est simplement ferme dans ses décisions et particulièrement sérieux dans son travail. Que ce soit à Nkongsamba où il fut commandant de peloton, dans la province de l'Ouest où il a œuvré en tant que commandant de compagnie, et à Douala où il est tour à tour fait commandant de compagnie et commandant du groupement territorial de gendarmerie, le courage de Joël Emile Bamkoui, en tout cas, force l'admiration et le respect. Un véritable bosseur, dit-on, qui est sorti de la promotion "Ouverture" de l'Ecole militaire interarmes (Emia) en 1992. Toutefois, si le commandant Bamkoui a régulièrement été félicité par sa hiérarchie pour ses faits d'arme contre des hors-la-loi, il est aujourd'hui appelé à s'expliquer devant la justice militaire pour avoir tiré et tué un inspecteur de police, qu'il présente comme un amant de son épouse Danielle. Fils d'un pasteur, le Révérend retraité nommé Songsaré, qui fut président de l'Eglise évangélique luthérienne au Cameroun (Eelc) pendant une dizaine d'années, Joël Emile Bamkoui est en effet, selon ceux qui croient bien le connaître, "fou amoureux" de sa femme. Un mari irascible et particulièrement jaloux aussi. Un trait de caractère qui s'explique par toute la peine que semble, à écouter des témoignages, s'être donné cet homme qui tenait à mettre son épouse au petit soin. Au point ne pas imaginer qu'elle puisse le tromper avec un autre. Un caractère assez singulier pour un pratiquant d'arts martiaux, qui aspire à un troisième dan au karaté shotokan. Eugène Dipanda

Du sens des valeurs

"La question que monsieur le journaliste omet de poser, mais qui est accablante, reste pourquoi et comment le Commandant Bamkoui est encore en liberté alors qu'il a abattu quelqu'un de sang froid? (…)" Car, même s'il y a un motif, il n y a point de doute qu'il a commis un crime fatal. (…) Drôle de pays, drôle de Justice!". Voilà une réaction parmi les centaines qui accompagnent tous les articles des journaux camerounais repris par divers sites internet et relatifs à l'affaire qui défraie la chronique depuis une semaine au pays des Lions indomptables. Il s'agit du meurtre de l'inspecteur de police Hervé Mapouro Njifon par le chef d'escadron Emile Joël Bamkoui, commandant du groupement territorial de gendarmerie de Douala. Ce dernier soutient avoir trouvé son épouse en flagrant délit d'adultère avec la victime dans le domicile conjugal. L'officier de gendarmerie a transpercé de plusieurs balles le policier, collègue de sa femme au commissariat de l'aéroport international de Douala. Depuis lors, différentes versions se télescopent sur le film des évènements. Mais deux faits demeurent constants. Il y a sur le carreau un mort par balles. L'auteur du meurtre est bel et bien Emile Joël Bamkoui qui reconnait avoir vidé le chargeur de son pistolet sur la victime. Un acte qui en théorie doit entraîner, ne serait-ce qu'à titre de mesure conservatoire, l'interpellation illico-presto de l'homme qui a appuyé sur la gâchette pour faucher la vie à un autre. Quitte à aller faire valoir par la suite son bon droit devant les juridictions compétentes qui ont la latitude de lui trouver des circonstances atténuantes. C'est ce qu'on observe dans tous les pays normaux. Et nous avons la faiblesse de penser que le Cameroun en est un. Puisque l'attachement à l'état droit est bien un point récurrent des discours du président de la République. Ne pas respecter cette démarche suppose un retour à l'état de nature où le plus fort dicte sa loi et où les acteurs sociaux s'en remettent à la loi du talion pour réguler leurs rapports. Mais jusque dans la nuit de mercredi dernier, le commandant Bamkoui, comme il est connu dans la ville de Douala, restait libre de ses mouvements, recevant amis, connaissances et journalistes à son domicile de fonction, théâtre supposé du crime. L'officier s'étonnait même de ce que des médias l'annonce en résidence surveillée à la requête du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Douala, alors qu'il jouit d'un congé de 10 jours qui lui a été octroyé le jour même du crime par le commandant de la légion de gendarmerie du Littoral. Tout se passait jusqu'alors comme si aucune infraction n'avait été commise, le chef d'escadron bénéficiant même toujours des honneurs dus à son rang puisqu'un gendarme faisait encore office d'huissier à son domicile mardi dernier, tel que rapporté par La Nouvelle Expression. Et on en est à se demander si tel que prescrit dans le préambule de la Constitution du Cameroun, tous les citoyens de ce pays naissent véritablement égaux en droits et devoirs. Surtout quand sont signalées des attitudes au moins controversés, pour ne pas dire plus, de personnalités supposées être garantes de la préservation, de la promotion de certaines valeurs et du respect des normes et principes. Celles-ci, répertoriées pour l'essentiel dans la hiérarchie de la Défense nationale, n'ont pas hésité, à user de leurs positions, on ne sait pour quel dessein, pour réduire au silence quelques médias d'Etat dont les journalistes ont cru nécessaire de faire simplement leur travail en relatant également le drame qui s'est noué en principe dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 mars au camp des officiers au quartier Mboppi à Douala. Quelles sont les valeurs défendues par ces personnalités en essayant de faire barrage à la relation des faits, au respect scrupuleux de la loi qui est en théorie la codification et l'élément de coercition opposable à tous pour l'observance de valeurs communes ? Face à cette situation, on imagine d'ici l'embarras d'un parent interpellé par son enfant de moins de 10 ans à qui il a toujours dit que, donner la mort à quelqu'un pour quelque raison que ce soit était mal, répréhensible et sévèrement réprimé par la loi. Surtout si le bambin est moulé dans la tradition judéo-chrétienne, et qu'il lui a été martelé au cours de catéchèse que l'un des dix commandements est: "tu ne tueras point". Une entorse à ce principe amenant le contrevenant à s'exposer à la colère divine. De façon ingénue, au regard de tous les atermoiements dont a fait montre la justice militaire et les services de sécurité avant de procéder à l'arrestation d'Emile Joël Bamkoui, cet enfant aura beau jeu d'accorder désormais peu de crédit aux mises en garde de son père, convaincu que dans son pays, le Cameroun, on peut tuer et aller et venir en toute impunité. Et si c'était dans des faits comme ceux-ci qu'il faut aller chercher la fascination des enfants pour les métiers des armes qui leur laissent l'impression d'être invulnérables?




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