Jean-Claude Ottou (MTN Cameroon): "Nous travaillons pour le développement de l’Internet"

Par | Cameroon Tribune
- 01-Nov-2005 - 08h30   60321                      
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Jean-Claude Ottou, directeur général adjoint en charge de la Communication de MTN Cameroon.
Avez-vous racheté Globalnet ? Le fournisseur d’accès Internet Globalnet a été effectivement racheté par MTN Cameroon. Les accords de fusion ont été signés le 17 octobre dernier par les directeurs généraux respectifs de MTN Cameroon et de Globalnet. MTN au regard de la réglementation en vigueur et du contenu de sa licence d’opérateur GSM a-t-elle le droit d’investir dans le segment Internet au Cameroun ? Dans le cadre de notre licence d’opérateur de téléphonie mobile, nous ne disposons pas d’une autorisation d’exercer dans la fourniture d’accès Internet. C’est pourquoi, nous avons demandé à l’Agence de régulation des télécommunications (ART) de nous octroyer une licence pour que nous puissions exercer cette activité. La structure devant exercer dans la fourniture d’accès Internet étant différente de MTN Cameroon, opérateur GSM. Elle s’appellera MTN Networks solutions. C’est dans ce sens que nous avons introduit un dossier auprès de l’ART qui, par une correspondance, nous a donné son accord pour que nous puissions exercer en tant que fournisseur d’accès Internet. Par la même correspondance, l’ART nous a donné son aval pour le rachat de Globalnet dont la licence de fournisseur d’accès Internet devrait être transférée à MTN Networks Solutions. Quels sont les objectifs visés par MTN en étendant ses activités à Internet ? Premièrement, il s’agit pour nous d’investir lourdement dans des technologies performantes grâce auxquelles les particuliers et les entreprises pourront accéder à Internet à moindre coût et de manière plus fiable. Ce qui devrait entraîner une baisse des coûts d’accès et par extension de plus grandes possibilités d’accès pour tous les Camerounais. Deuxièmement, il s’agit pour nous de développer l’accès des services Internet à travers tout le Cameroun, partout où notre réseau mobile est présent. Ce qui devrait conduire à une vulgarisation de l’outil Internet. Troisièmement, il s’agit de permettre à tous les acteurs du secteur d’accéder à nos ressources dans la limite de ce que nos licences nous permettront. Nous tenons à souligner que tous les autres fournisseurs d’accès Internet pourront bénéficier des nouvelles possibilités offertes par l’infrastructure que nous mettrons en place. Les opérateurs locaux du segment Internet pensent que votre entrée sur le marché de l’Internet va conduire à la mort de nombreuses PME locales. Que leur répondez-vous ? Vu sous cet angle, le débat perd tout son intérêt. La question qui s’impose à tous est celle-ci : comment faire pour permettre l’accès des services Internet au plus grand nombre de Camerounais ? Le développement doit-il se faire à plusieurs vitesses ? Tout pour les villes et rien pour les zones rurales. S’il est évident que nous disposons de moyens financiers plus importants que les autres fournisseurs d’accès Internet, il est clair que nos ambitions ne sont pas de contrôler tout le marché. Notre ambition est d’ici cinq ans de couvrir 30 % de la demande. Vous comprenez bien, qu’il y a bien de la place pour tout le monde ou du moins pour tous ceux qui veulent effectivement travailler au développement du Cameroun. Savez vous par exemple que le taux de pénétration de l’Internet au Cameroun est inférieur à 0,1 % alors qu’au Sénégal il est de 0,28 % et en Tanzanie de 0,34 %. Nous comprenons l’inquiétude des PME du secteur, mais ce qu’elles doivent savoir c’est que l’investissement que nous allons consentir leur permettra aussi de se développer. Nous leur permettrons de pouvoir intervenir sur la totalité du territoire avec les mêmes armes que MTN Networks Solutions. De toutes les façons, l’ART sera toujours là pour veiller à ce que les acteurs du secteur déploient leurs activités dans le cadre de la loi. On est tous égaux devant la loi. A MTN, nous ne pensons pas être plus égaux que les autres opérateurs. Ce que je souhaite préciser enfin, c’est que notre objectif premier est de permettre le développement du marché de l’Internet au Cameroun. Pour vous faire une idée de nos ambitions, vous pouvez tracer un parallèle avec la situation qui existait en 2000 avant l’arrivée des opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun. On comptait à peine 100.000 lignes de téléphone. Cinq ans plus tard, on est à plus de 2 millions. Voilà comment il faut voir la question et non pas la limiter à des considérations purement égoïstes. Rousseau-Joël FOUTE Clovis Tchokonté : "L’Internet est un alibi" Clovis Tchokonté, président du Collectif des opérateurs nationaux exerçant dans le secteur des télécommunications (CONESTEL). Quelle réflexion vous inspire le rachat de Global net par MTN C’est un événement qui a une importance capitale dans le secteur de l’Internet. Cela pose beaucoup de problèmes à notre sens. Notamment du point de vue des lois et des règlements. Les télécommunications sont organisées au Cameroun selon un schéma. Il y a plusieurs opérateurs qui interviennent chacun dans un secteur bien précis. En ce qui concerne MTN, nous estimons qu’ils ont reçu comme Orange d’ailleurs, une concession leur permettant d’offrir des services GSM au Cameroun. Il est bien précisé dans leur licence que cette concession ne leur accorde pas le droit de faire autre chose, sans une modification de la concession. A moins que ce ne soit le cas, jusqu’à ce jour, nous ne pensons pas que ce soit le cas. Aujourd’hui, ils rachètent une entreprise qui fournit des services à valeur ajoutée, dans un secteur où les licences accordées aux fournisseurs sont intuiti personnae. Elles ne peuvent donc être modifiées. Il faut une nouvelle licence signée par le ministre de Postes et Télécommunications. A ce jour, nous ne pensons pas que cette démarche ait eu lieu. De ce point de vue, il faut regarder les choses de près, pour qu’au moins, la réglementation soit respectée. Au-delà du règlement et de la loi, nous pensons que cette arrivée dans le secteur donnera à l’opérateur une position extra dominante. Il avait eu une autorisation lui permettant d’étendre ses infrastructures parce qu’elles étaient insuffisantes, pour développer leurs services. Les capacités qu’ils ont vont au-delà de ce dont ils ont besoin. Ils veulent les exploiter pour offrir des services Internet. Nous disons non. C e n’est pas équitable, parce que nous n’avons pas été mis dans les mêmes conditions. On ne nous a pas permis de mettre en place ces mêmes infrastructures. Les pouvoirs publics doivent prendre en compte l’émergence des entreprises nationales dans le secteur. Certains opérateurs, en dépit du règlement, se permettent de faire ce qu’ils veulent parce qu’ils ont de gros moyens. Quels sont concrètement les problèmes que l’arrivée de MTN dans le secteur de l’Internet peut poser aux entreprises qui opèrent dans ce créneau? Ces problèmes sont de plusieurs ordres. Au-delà de l’intérêt de nos entreprises, il faut regarder l’intrusion de ces opérateurs sous plusieurs angles. Aujourd’hui, ils avancent des arguments comme le développement de l’Internet sur toute l’étendue du territoire, ils évoquent le peu de fiabilité des services offerts et les coûts. Je peux leur renvoyer les mêmes arguments. Est-il normal par exemple qu’une minute de communication GSM coûte 275 F CFA, qu’un appel sur deux est perdu ? La vraie raison à notre sens c’est qu’Internet n’est qu’un alibi. L’un des enjeux majeurs pour ces opérateurs, c’est d’accéder aux services IP. Ce sont des technologies qui nous permettent de véhiculer sur un même support, la voix, la Data et la vidéo. Aujourd’hui, sur un appareil GSM, on ne peut pas le faire chez nous. L’arrivée de ces services est une bonne chose pour le développement du Cameroun, à travers cette occasion, ils veulent attaquer le marché qui est encore du domaine réservé de CAMTEL. Celui de permettre aux gens de faire la téléphonie fixe d’une ville à une autre. Contourner ce monopole, pour faire l’interconnexion. Tout le monde doit être placé dans les mêmes conditions pour l’accès à ces services et nous seront capables de le faire. Nous avons les moyens et la volonté de faire que l’Internet profite à tous les Camerounais. Ce n’est pas le rôle de MTN de se substituer à l’Etat. Dans l’organisation des télécommunications au Cameroun, il existe un Fonds de développement dans lequel 2 à 3 % du chiffre d’affaires des opérateurs sont versés pour permettre le développement des infrastructures. Les entreprises qui évoluent aujourd’hui dans le secteur de l’Internet sont-elles réellement en danger ? Au-delà de l’intérêt stratégique des télécommunications, qui exige qu’on ait des opérateurs nationaux dans ce secteur, cette arrivée non encadrée pose des problèmes. Aujourd’hui, MTN et Orange font à peu près 200 milliards de FCFA de chiffre d’affaires l’année. Ils ont cumulé comme employés, à peine 700 à 800. CAMTEL fait à peine 30 milliards de F CFA de chiffre d’affaires et a un personnel de plus de 2600 personnes. Les opérateurs nationaux pour un chiffre d’affaires cumulé de près de 10 milliards de F CFA, ont créé plus de 100 000 emplois. Il ne faut donc pas nous faire croire qu’ils vont contribuer à la création des emplois. Martin ZAMBO MTN-Globalnet: controverse autour d’une fusion Le rapprochement provoque une levée de boucliers au sein du Collectif des opérateurs nationaux exerçant dans le secteur des télécommunications. Les technologies modernes de l’information et de la communication dont l’Internet fait partie, constituent un moyen efficace pour améliorer la santé et l’éducation dans un pays. Le développement de ces deux secteurs représente avec ses infrastructures, un atout important pour la lutte contre la pauvreté. Ces secteurs ouvrent de nouvelles voies pour la diffusion du savoir et créent des espaces matériels et virtuels pour la communication sociale. Des universités virtuelles ont déjà vu le jour au Nord et même en Afrique, avec l’ Université virtuelle africaine. Dans le domaine de la santé, les médecins peuvent aussi accéder aux informations de première main sur les médicaments et les découvertes, grâce à Internet. Selon la théorie du " saut de grenouille ", les pays africains devraient, grâce aux NTIC, " sauter " une étape dans leur développement pour rejoindre les pays développés. C’est dans cette perspective que le Cameroun a entrepris il y a quelques années une vaste réforme de ce secteur. C’est dans ce cadre que la société Mobile Telephone Network (MTN) d’origine sud-africaine et la Société Camerounaise des Mobiles (SCM) devenue Orange, d’origine française, ont acquis les droits de s’installer au Cameroun. c’est dans le même sens que Cameroon Télécommunications (Camtel) a succédé à Intelcam (Société des Télécommunications internationales). C’est enfin dans le même sens que l’Agence de régulations des télécommunications (ART) a été mise en place comme gendarme du secteur, autrement dit, pour s’assurer que les différents opérateurs respectent la loi. En transférant aux sociétés privées la charge des télécommunications et en y installant la concurrence, l’Etat espère faire rattraper au pays son retard dans ce secteur. Si à l’heure actuelle le Cameroun a enregistré une grande satisfaction dans le domaine du téléphone mobile, il n’en va pas de même pour Internet qui reste confiné dans quelques grandes villes du pays. Selon les statistiques, le taux de pénétration de l’Internet au Cameroun est inférieur à 0,1%, alors qu’au Sénégal, il est de 0,28%. C’est dans ce contexte que des informations dignes de foi font état du rachat de Global net S.A., un fournisseur d’accès à Internet, par MTN Network Solutions, le 17 octobre dernier. " Cette fusion vise à créer une entité entière intégrée au sein de MTN-Cameroon qui sera chargée de la fourniture de l’accès et des services Internet ", apprend-on de source bien informée. Le Collectif des opérateurs nationaux exploitants dans le secteur des télécommunications (CONESTEL) voit cette fusion d’un très mauvais œil, estimant que MTN Cameroon " abuse de sa position dominante ". C’est pourquoi le CONESTEL a saisi le 3 octobre dernier le directeur général de l’ART et le Premier ministre, chef du gouvernement, pour leur faire part " des conséquences néfastes pour notre pays " que pourrait créer cette situation. A leurs yeux, " un seul opérateur intégrant la voix, la data et Internet est stratégiquement dangereux pour la sécurité de notre pays… On ne trouve aucun pays au monde qui autorise un opérateur privé à réunir entre ses mains ces trois dimensions des technologies de l’information et la communication ". La conséquence de cette situation selon le CONESTEL est qu’elle " va provoquer la mort certaine des PME nationales exerçant dans le secteur des télécommunications et entraîner la perte de quelques milliers d’emplois parmi les jeunes Camerounais… On (y) dénombre plus de 5000 cybercafés, 100 providers nationaux pour environ 100.000 emplois créés, avec un chiffre d’affaires d’un milliard à peine ". Réagissant aux démarches de MTN, le DG de l’ART a fait dire hier qu’il ne peut pas se prononcer pour le moment. Du côté de MTN Cameroon, on affirme que dans six ou sept mois, les Camerounais pourront accéder facilement à un service Internet de qualité et à un " prix agressif ", à travers le réseau MTN qui couvre déjà les dix provinces du Cameroun. Le souci de MTN Network Solutions est de faire entrer le pays dans l’ère du numérique. Selon les responsables de MTN Cameroon, les grandes entreprises du mobile installées aux Etats-Unis, au Japon, en Europe ou en Chine, embrassent actuellement en même temps que la téléphonie mobile, Internet et les autres services médias. Jean Ngandjeu




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