C'est à la faveur d'un Centre culturel que les enfants de l'ancien homme politique ont ouvert et mis à la disposition des artistes et chercheurs de tous les horizons.
Sur les visages de la foule massée à la Rue Narvick, en face de la Direction générale des Impôts, hier à Yaoundé, on pouvait lire comme une espèce de surprise. Surprise d'abord du fait que la cérémonie qui y avait lieu a intégré l'agenda des Yaoundéens bien tardivement. Surprise aussi parce que, comme souvent chez les Muna, on a préféré laisser la place aux actes plutôt qu'à la parole. Et pourtant, il s'est joué en ce jour mémorable pour cette famille célèbre une partition qui va au-delà de l'artistique pour simplement épouser des contours plus historiques.
C'est sans doute fort de tout cela que le parterre d'invités fut prestigieux à l'occasion. Dévoilant tantôt de diplomates à la poigne et à la hargne légendaires en ces cieux camerounais comme l'Américaine Frances Cook ; ou des sommités de la société civile internationale comme Peter Eigen, le fondateur de Transparency international que nombre de Camerounais ne connaissent que trop bien ; voire de nombreuses figures continentales du barreau. Des amis et des connaissances venus des quatre coins du monde et qui tenaient à être présents à ce moment singulier. Il en est même jusqu'au président de la République qui, devant cette initiative des plus hardies, y a dépêché un représentant personnel en la personne de son ministre de l'Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo.
Tout ce beau monde a donc pu ainsi parcourir presque en exclusivité, comme auraient dit les journalistes, le Centre de Yaoundé de la " Solomon Tandeng Muna Foundation " (Stmf). Un espace qui frappe par sa coloration culturelle et dont les citadins ne manqueront pas d'apprécier les œuvres et services, eux qui étaient jusque-là habitués à des centres culturels étrangers. Et comme pour éviter toute confusion dans l'esprit de ceux qui avaient tendance à prendre ce Centre pour le siège de la Stmf, Daniel Muna, l'aîné des enfants de l'ancien président de l'Assemblée nationale, a rappelé : " Nous invitons tout le monde à cette cérémonie d'inauguration, pas pour simplement rendre hommage à ceux-là mêmes dont le Centre porte le nom, mais surtout avec le vif espoir qu'il sera un véritable outil de diffusion des idées et des vertus qu'ils incarnaient ".
Ce faisant, il rentrait en droite ligne de ce que la Stmf a configuré comme étant sa " feuille de route ". En effet, on peut y lire que " La Stmf est une initiative de la famille Muna en reconnaissance entre autres, des œuvres et des réalisations de leurs parents, mais surtout pour promouvoir les idéaux et les principes prônés par S.T. Muna. Le rôle de la Fondation est de promouvoir, perpétuer, pérenniser et encourager les cultures et les arts indigènes, l'histoire et la philanthropie locales, comme axe principal vers la promotion des valeurs et de la qualité de la vie ".
Vaste programme s'il en est, et que les initiateurs sont déterminés à mener jusqu'au bout. Et pour ce faire, ils n'ont pas lésiné sur les moyens. Cela en droite ligne des centres d'intérêt de la Fondation que sont la " création des bourses pour la recherche de l'excellence ; la promotion, le renforcement et le développement de l'industrie des arts en Afrique ; la promotion de la culture camerounaise et africaine ; la création des centres d'assistance en faveur des handicapés ; la promotion d'un nouvel " esprit philanthropique " entre les Africains et la diaspora ".
C'est pourquoi le nouveau Centre s'est doté d'une infrastructure des plus modernes. Il y a là un musée au rez-de-chaussée à la gauche de l'entrée et occupant une surface de 200 m2. S'y retrouvent des pièces de la collection des Muna. Des objets qui proviennent, selon le conservateur Germain Loumpet, aussi bien de la région des Grasslands (les provinces anglophones et de l'Ouest du Cameroun), que du Nigeria et même de l'Afrique de l'Ouest.
Il y a ensuite l'amphithéâtre contigu au musée et qui dispose d'une capacité de 80 places. Il est équipé d'une cabine de synchronisation, de sonorisation et de lumières, un podium de 12 x 3m. L'ensemble tient sur deux étages et est pourvu de deux cabines de traduction et d'interprétation ayant une possibilité d'opérer jusqu'à six langues à la fois. Le troisième segment qui complète ce compartiment qui s'offre au visiteur est la bibliothèque virtuelle avec une capacité de 20 ordinateurs. C'est ici que les jeunes chercheurs trouveront moyen de rentrer en connaissance des dernières évolutions de leur secteur d'étude à travers la magie de l'Internet. Car, a indiqué Akere Muna, le maître d'œuvre de cette imposante structure, " au moment où les billets d'avions et les chambres d'hôtel coûtent de plus en plus cher en Europe et en Amérique, au moment surtout où l'obtention d'un visa n'est une garantie pour personne, les jeunes chercheurs auront là une possibilité et une occasion de travailler comme s'ils se retrouvaient en Occident. "
Services
Au centre de l'édifice, en plein cœur de la ale d'accueil se dresse deux bustes qui en imposent par leur qualité : le regretté Solomon Tandeng Muna et à sa femme Elisabeh Fri. Deux butes pesant chacun pas moins de 150 Kg. Une œuvre réalisée en Chine et taillée ans de la pierre qu'une heureuse peinture blanche a fini d sacraliser. Cette oeuvre rappelle aussi que dans les travaux de mise en œuvre du Centre sont intervenus des techniciens chinois qui, s'associant aux techniciens camerounais, ont donné une touche internationale à cette oeuvre. Le décorateur, Su Juyong, et ses deux compatriotes ont travaillé à cet effet durant 9 mois. Période à la fin de laquelle il a dit, avec un clin d'œil malicieux, que " la technologie n'a pas de frontières. Ce fut un plaisir de travailler avec des Camerounais. Nous avons beaucoup appris à leur contact. Et le fait que ce fut à l'occasion d'un projet culturel est bien la preuve que où que l'on soit, la technique peut se mouvoir. "
A l'arrière du bâtiment est logé le studio de musique tout en numérique. Sur cette surface de 48 m2 repose une cabine d'enregistrement, un studio d'enregistrement. Le Centre a aussi prévu la possibilité de produire des artistes, de réaliser et de produire des films. Tous ces différents services sont reliés et administrés par un compartiment administratif. Situé au premier étage, il comprend six bureaux et une salle de conférence de 20 places avec cabine de traduction. Un ensemble artistique impressionnant et qui respire la célébration " de la pensée humaine, ainsi que la vision et le mérite d'une culture de la volonté qui continue de repousser les frontières de l'humanité, et parfois même jusque dans les territoires inexplorés ", pour reprendre Daniel Muna.
Car comme l'a rappelé le Pr Jacques Fame Ndongo, " Toute sa vie, à force de travail, d'opiniâtreté et de perspicacité, M. Solomon Tandeng Muna aura été, non pas un vulgaire grain de sable sur la plage d'une mer tantôt tumultueuse tantôt calme, mais un splendide et majestueux navire rempli d'amour, de spiritualité et de patriotisme, un navire bercé par les eaux parfois agitées, souvent sereines et toujours marquées du sceau de l'unité, de la solidarité et de la fraternité ". Une telle œuvre, prolongement de ce qui existe déjà dans son village natal ne peut que permettre, selon le vœu de Ama Tutu Muna, la ministre de la Culture et digne fille de Solomon Tandeng Muna, à de nombreux jeunes artistes en mal de moyens de faire bon usage de ce bien dont on n'a pas fini de parler et qui ne tardera pas à devenir une référence dans cette cité capitale.
Le représentant personnel du chef de l'Etat, qui a voulu ajouter un autre symbole à cette rencontre d'inauguration, est également revenu dans un anglais remarquable sur la vie discrète mais si efficace de Elisabeth Fri Muna, l'épouse de toujours de l'ancien président de l'Assemblée nationale, dont le rôle aura été important aux côtés de son époux. D'ailleurs, les premiers à s'en être rendus compte étaient bien ses enfants, qui n'ont pas arrêté la date de l'inauguration de ce centre culturel par hasard. Le 26 juin 1983 en effet, disparaissait à jamais Elisabeth Fri Muna. C'était il y a exactement 25 ans. La plaque inaugurale s'est découverte sur cette date historique qu'aucun des enfants n'a voulu oublier.