Des manifestations de protestation sont annoncées pour le 19 décembre.
La publication samedi dernier des résultats du concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure de Maroua a suscité une vive émotion chez les élites des régions du Grand nord Cameroun. Un sentiment de désapprobation consécutif au ratio accordé par le jury de ce concours à la partie septentrionale du Cameroun. Selon l'hebdomadaire régional L'œil du Sahel, 23% des 2200 places ont été accordées aux régions du Nord, de l'Extrême Nord et de l'Adamaoua. Au ministère de l'Enseignement supérieur, un cadre révèle que 31% des candidats admis au cycle A sont originaires du Grand nord, alors que 36% d'entre eux ont été admis au cycle B.
Le chef de Cellule de Communication du Minesup, Jean Paul Mbia, indique que "828 places sur 2200, soit 37% des résultats reviennent au Grand nord. Dans les détails, on note 490 candidats retenus sur 1300 au 1er cycle, et 338 candidats sur 900 au second cycle". Des résultats que contestent les élites pour qui, " le jury s'est basé sur le lieu de dépôt des candidatures et non sur les origines des candidats. " Ce qui leur fait dire que " le septentrion a été lésé dans le cadre de la sélection des candidats appelés à faire partie de la 1ère cuvée de cet établissement dont la vocation est de former les enseignants. "
Cet état de choses a mis en branle l'establishment politique de la région. Des rencontres ont ainsi été engagées au niveau de l'Assemblée nationale. Des députés qui ont requis l'anonymat nous ont confié que, " des démarches internes menées par les députés ressortissants du Grand Nord sont en cours. Nous avons tenu de nombreuses réunions. Le moment venu, nous porterons le fruit de nos démarches à l'attention de la communauté nationale et internationale. " Un autre député du Diamaré va plus loin en indiquant : " nous allons rédiger une lettre que nous allons adresser au Président de la République pour lui rendre compte de ce que son vœu d'offrir une université aux fils du septentrion a été dévoyé. " De sources internes à ces assises, des députés laissent entendre que les parlementaires du Grand nord, toutes obédiences politiques confondues, envisagent de boycotter la plénière de clôture de la session en cours. Ce, si des solutions ne sont pas apportées à leurs revendications.
Equilibre régional
Dans le même temps, une réunion des leaders des partis politiques a été organisée hier sous l'égide du député du Diamaré Centre, Amadou Adji. Les responsables de toutes les formations politiques présentes dans la ville de Maroua ont assisté à cette rencontre, affirment nos sources. De ce qu'on a pu apprendre, il ressort qu'au cours de cette réunion, une déclaration de marche pacifique devrait être déposée auprès des autorités administratives de la province de l'Extrême-Nord. Un comité de rédaction de la déclaration a été mis sur pied et devrait se retrouver demain pour finaliser les documents y afférents. Des lignes directrices arrêtées par les chefs des partis politiques, la marche est programmée pour le 19 décembre prochain. Une date qui coïncide avec la cérémonie d'ouverture du Festival national des arts et de la culture.
Sur les motivations de cette démarche des élites du septentrion, un député à l'Assemblée nationale originaire du Grand nord confie, "l'Ecole normale supérieure de Maroua a été mise sur pied pour résorber le problème du déficit d'enseignant dans la région. Surtout que les enseignants des autres régions désertent leurs postes de travail lorsqu'ils sont affectés chez nous. Aussi, nous n'avons pas des quotas favorables à notre région à l'Ens de Yaoundé, où nous avons 3% des élèves de cette école. A Bambili, nous n'avons aucun étudiant."
Cette attitude a tout de même de quoi susciter des interrogations. Si toutes les régions du pays engagent des protestations du genre, ne risque-t-on pas d'avoir des scènes revendications similaires à travers le pays ? Doit-on, sous le bénéfice de l'équilibre régional, faire émerger des candidats dont le niveau intellectuel laissera pantois. A ce propos un député du Mayo Tsanaga Nord explique que, " dans le cas du dernier concours, c'était sur étude de dossier. Cela suppose que tous les candidats qui ont présenté leurs dossiers ont au moins un diplôme reconnu. Donc, des connaissances avérées. D'où vient-il donc que pour un concours comme celui-là, on édulcore les règles de l'équilibre régional ? "
Un autre argument balayé par le ministère de l'Enseignement supérieur, organisateur du concours. Le chef de cellule de Communication, qui dit répercuter les informations transmises par le ministre Jacques Fame Ndongo, indique que " la composition du jury, qui a permis la publication des résultats, a obéit au triple principe de l'objectivité, de la légalité et de la scientificité.
" Il explique en effet que, selon les termes d'un arrêté pris en son temps par le ministre de la Fonction publique de l'époque, Garga Haman Adji, les résultats des concours administratifs obéissent à des quotas qui ont été respectés, en suivant toutes les procédures d'urgence. " Le jury du 1er cycle avait pour président le Pr. Maurice Sosso, et celui du 2nd cycle le Pr. Minyono Nkodo, et tous avaient en leur sein des représentants de toutes les administrations concernées, ainsi que de nombreux enseignants d'université originaires du Grand nord. Par exemple, le représentant de la présidence de la République était Mme Babale, épouse d'un ancien ministre de l'Enseignement supérieur, qui s'est ouvertement félicitée de la qualité des résultats et de la représentativité du Grand nord. Le ministre pense que le Cameroun est un et indivisible, et qu'il ne peut pas gérer des intérêts partisans qui ne sont pas ceux de la République ".