Suite au transfèrement au Tcs, de l'affaire Frédéric Ekandé, expert judiciaire et ancien député, écroué à Kondengui depuis 2008, pour cause de détournent de l'argent de la liquidation du Crédit Agricole du Cameroun, de nouveaux rebondissements éclatent sur le scandale de la faillite de cette banque.
17 ans. Que le temps passe vite. Mais le plus gros scandale bancaire des années 1990, tarde à être élucidé. Pendant combien de temps encore, vont continuer à courir les auteurs de la forfaiture jusqu'ici impunie? En ce qui concerne les épargnants, la roue de l'histoire s’est arrêté de tourner. Les espoirs de recouvrement de leurs économies qu'ils croyaient être en sécurité dans cette institution financière, présentée comme la « banque de la différence » se sont transformés en désillusions. Le scandale de la banqueroute a été fatal pour beaucoup d’entre eux. Nombreux d'entre ces épargnants sont morts de chagrin, de mélancolie, d'amertume et d'indignation. 17 ans après, l’État du Cameroun, n'a toujours pas fait toute la lumière sur les responsables de la scandaleuse déroute.
Pour l'instant, le sort semble accabler un individu; Frédéric Ekandé, expert judiciaire, ancien député. Commis aux taches de la liquidation, ce dernier qui est écroué à la maison d'arrêt de Kodengui depuis 2008, a été jugé coupable des faits de détournement de la somme de sept cent quatre vingt dix neuf millions sept mille fcfa, qu'il aurait perçus pour la liquidation. Condamné par le tribunal de grande instance du Mfoundi à dix ans de prison fermes depuis le mois de juin 2012, Frédéric Ekandé, est en train de payer « seul » les pots cassés. Au fur et à mesure que le temps passe, l'affaire s'enlise, les autres coupables courent toujours. De son trou à rat de la prison de Kondengui, Frédéric Ekandé crie à l’injustice ; mais sa voix n'est pas entendue. A titre de curiosité, ce n'est que le 03 mai 2013, après une bataille féroce dans les couloirs et les cercles fermés du Tgi que la décision de sa condamnation, lui a été servie.
Les défis qui attendent le Tcs
En plus de ne pas se reconnaître dans certains propos que lui a attribué le rapport de la police judiciaire, l'accusé se plaint de la complaisance des enquêteurs et des magistrats de l'instruction. Il ne comprend pas pourquoi la procédure s'est embourbée, au moment où il fallait poursuivre avec les auditions, la plus importante étant celle de Noah Marie, juge commissaire de la faillite du Crédit agricole. Son nom revient plusieurs fois dans les transactions dont les montants sont fort élevés. Dans les différents rapports de la police judiciaire, les documents signés en juillet 2008, du commissaire divisionnaire Ateba Onguené, alors directeur de la Police judiciaire, relatifs au « détournement des derniers publics, intérêt dans un acte et abus de confiance aggravé » parlent bien de l'affaire Frédéric Ekandé et autres (liquidation du Crédit agricole du Cameroun). Les suggestions contenues dans l'abondante littérature policière sont restées lettre morte.
Outre les prévenus: Kaltjob Aron Raymond, Tchoquessi Édouard, directeur général de l'hôtel Makombé et El hadji Baba Ahmadou, les autres se sont évanouis dans la nature. Dans ses observations, le rapport de la police judiciaire souligne comment le Dg de la Société de recouvrement des créances du Cameroun, saisi le 20 novembre 2007, dans le but de communiquer à l'enquête les adresses des autres différents débiteurs ayant bénéficié des abandons de créances afin que ceux-ci soient entendus est resté muet. Plusieurs autres pontes et caciques du régime du Renouveau ont été convoqués mais ont refusé de déférer aux convocations de la police. Qui sert de parapluie à ces « intouchables » questionne un officier de police.
Le Tcs va-t-il procéder à l'analyse critique des ordonnances du juge commissaire sur l'état des recouvrements pendant les différentes périodes concernées par la liquidation? Des centaines de millions sont en fuite, éparpillés dans la nature. La banque est tombée en faillite, pillée par des hommes politiques et quelques hommes d'affaires sans foi, ni loi. Ce n'est pas de la seule responsabilité du liquidateur. Après 17 années de navigation à vue, le Tcs doit établir les responsabilités des principaux prévaricateurs ayant spolié les avoirs de nombreux épargnants.
Souley ONOHIOLO
Focal: Histoire d'une faillite programmée
Alors que le Crédit Agricole du Cameroun a en ce moment-là, le tout puissant ministre Andze Tsoungui, comme président du conseil d'administration, comme Dg, Hubert Manfred Rauch mis en examen pour 57 milliards Fcfa, la banqueroute frappe de plein fouet la « banque de la différence ». Les clients sont dans le désarroi. La faillite apparait comme l'une de ces tragi-comédies politico-financières d'une post-colonie prise dans l'engrenage de la politique du ventre. Créé en 1990, le Crédit agricole du Cameroun, était promu à une fabuleuse aventure bancaire; son slogan: « la banque de la différence », lui allait bien. Après cinq années, la banque présentait déjà des signes de faillite. Et pourtant, l'Etat avait placé en cette nouvelle banque, tous les atouts et les espoirs pour remédier à la déroute du Cameroun en crise. L'Etat y avait canalisé ses grandes opérations bancaires (crédits internationaux; l'argent des élections, l'opération coup de cœur; même les fonctionnaires qui, après avoir sollicité le départ volontaire de la Fonction publique suite aux affres de la dévaluation, avaient été encouragés à y faire des dépôts. Ces stratégies étaient envisagées dans l'intention de garantir la liquidité de la banque et la confirmation de sa crédibilité).
De fil en aiguille, une défaillance managériale dont l'identification des responsabilités et des culpabilités reste attendue, a, à la 6ème année d'existence de la banque, fait que celle-ci rentre dans la spirale de cessation des payements. Au lieu de la « différence » promise, la banque s'est enlisée dans le bourbier de la gestion camerounaise.
En six ans, la banque n'a pu répondre pleinement à sa vocation de banque de développement du monde rural. Elle s'est plutôt affirmée comme un fonds de crédits destiné à alimenter et à ravitailler les comptes de quelques débiteurs véreux. Plus grave, la rocambolesque gestion et les chemins de la banqueroute, tout en brisant les espérances de plusieurs Camerounais, ont été le fait des malversations de certains dinosaures du régime. La mort lente du Crédit agricole du Cameroun a été observée devant le silence et l'indifférence des apparatchiks; lesquels se sont révélés être eux-mêmes les principaux fossoyeurs. Les pseudo-experts allemands, délégués à la direction générale du management de la banque, se sont eux aussi distingués par l'octroi des crédits de complaisance, à coloration politique; le tout dans une gestion dilettante. L'on a vu les dinosaures mis en cause dans la banqueroute du Crédit agricole du Cameroun, narguer la crise au détriment des épargnants indignés, noyés dans la galère; mais davantage excédés par les frasques impunies. La faillite du Crédit agricole, sans qu'on en mesure certainement l'ampleur, aura été un suicide collectif; et même un désastre sans nom. Près de 400 familles en chômage; 57 milliards Fcfa en fumée; supposés ou non, faire partie des créances douteuses.
Sous l’ère de la liquidation
Alors que sa situation financière est profondément compromise et déséquilibrée en fin mars 1997, le crédit agricole du Cameroun est mis en liquidation le 12 juin de la même année. Le total des crédits bruts à la clientèle se chiffre à 56 milliards, dont 68%, largement compromis; tandis que la part des crédits considérés comme sains et facilement recouvrables atteignaient à peine 18 milliards. Devant l'incapacité des actionnaires à réagir face à cette situation de faillite, la commission bancaire, qui avait placé la banque sous administration provisoire le 21 novembre 1996, a retiré son agrément et nommé Claude Tournaire en qualité de liquidateur du Crédit agricole du Cameroun à partir du 12 juin 1997. De même Frédéric Ekandé a été nommé co-liquidateur le 24 juin 1997. Depuis la fin du mandat de Claude Tournaire le 30 août 1997, Frédéric Ekandé sur qui reposent seul tous les malheurs ce jour, après s'être fait également nommé syndic de faillite par le tribunal de grande instance du Mfoundi a dirigé la liquidation de la banque. Dans le même cadre, dame Noah, née Ebella Marie, a été nommée, le 02 octobre 1997, juge commissaire de la liquidation. Sa déposition comme celle de bien d'autres personnes ayant signé des actes ou pris des engagements de quelque nature, restent attendues tant à la police judiciaire que devant les magistrats instructeurs. Pourront-ils échapper à la vigilance du tribunal criminel spécial? Wait and see.
Souley ONOHIOLO