Le marché du téléphone bouillonne de plus en plus au Cameroun. L’arrivée du CT-Phone, un produit de la société à capitaux publics Camtel, a apporté du sang neuf dans le secteur. L’opérateur historique du téléphone au Cameroun a en effet baissé le prix d’une minute de communication en la ramenant à 50 Fcfa pour ses abonnés.
Au moment de son lancement il y a quelques mois, le CT-Phone donnait ainsi la possibilité aux usagers du téléphone de payer plus de quatre fois moins cher que les prix alors pratiqués chez Orange-Cameroun et Mtn-Cameroon, les deux opérateurs à capitaux privés présents sur le marché.
Les responsables de ces entreprises affirment qu’ils ne suivront pas Camtel dans son jeu de prix. Mais on remarque qu’elles ont toutes opéré une refonte de leurs offres aux demandeurs de services téléphoniques. De façon classique, Mtn-Cameroon qui facturait la minute de son offre “ Pay as you go ” à 240 Fcfa la concède aujourd’hui à 200 Fcfa. L’opérateur donne la possibilité aux utilisateurs de réaliser des économies d’échelle. Pour Freddy Tchala, directeur marketing à Mtn-Cameroon, les améliorations de l’offre “ Pay as you go ” porte sur trois points principaux : “ L’amélioration du service et son adaptation aux besoins des clients, la réduction des prix de la minute d’appel et la fidélisation des clients à haut potentiel ”. Orange-Cameroun a aussi révisé ses positions en proposant presque la même chose (200 Fcfa la minute d’appel au lieu de 240 comme avant), en plus de ses exclusivités : l’offre jeune et le numéro préféré.
Les deux entreprises ont lancé une vaste campagne pour faire connaître leurs nouvelles grilles tarifaires. Malgré la flexibilité d’utilisation en fonction du porte-monnaie du client, les citoyens trouvent que les offres de Orange et Mtn restent cher. On a l’impression que ces opérateurs se font du beurre sur le dos des Camerounais, surtout que Camtel montre qu’on peut vendre le service quatre fois moins cher et ne pas perdre. On se demande dès lors s’ils sont des racketteurs ou alors c’est Camtel qui abuse de ses positions pour fausser le jeu de la concurrence. La présente enquête s’intéresse à cette situation et tente de répondre aux inquiétudes des utilisateurs du téléphone, formulées en trois questions : quelle est la réalité des offres (en terme de prix) des trois opérateurs présents sur le marché ? Pourquoi Orange-Cameroun et Mtn-Cameroon ne baissent-ils pas leurs prix de manière à approcher ceux de Camtel ? L’opérateur Camtel oppose-t-il une concurrence déloyale à ses “ adversaires ” ?
Pour aborder ces questions, Le Messager s’est rapproché des instances dirigeantes des entreprises concernées, des grossistes (diffuseurs et call-box), des utilisateurs et bien sûr de l’Agence de régulation des télécommunications, instance en principe neutre qui assure l’équilibre pour une meilleure éclosion des télécommunications au Cameroun. Sous réserve du débat que peut soulever la question des coûts de télécommunications, votre journal fait des constats (Orange et Mtn résiste à la pression du CT-Phone ; les prix grimpent dans les call-box), laisse la parole aux acteurs pour donner un sens à l’évolution ou à la stagnation des prix (pourquoi Orange et Mtn ne “ baissent ” pas les prix…) et analyse le positionnement du CT-Phone (concurrence déloyale ?) par rapport aux autres produits.
Aussi, après avoir lu cette enquête, vous êtes invités à réagir pour enrichir le débat. Bonne lecture.
Face au CT-Phone,
Orange et Mtn résistent à la pression…
Le marché du téléphone bouillonne au Cameroun. Mais les prix n’ont pas beaucoup évolué.
Orange-Cameroun et Mtn-Cameroon, les deux opérateurs à capitaux privés du téléphone mobile au Cameroun, résistent à la pression du CT-Phone, le nouveau produit introduit dans le marché de la téléphonie au Cameroun par Camtel, l’opérateur à capitaux publics. La pression exercée par le CT-Phone sur les produits des opérateurs privés se traduit d’abord par une baisse drastique des coûts de communication, ensuite l’adhésion massive des utilisateurs au nouveau produit, et enfin les nouvelles commandes de matériels effectuées par l’opérateur historique du téléphone au Cameroun. A défaut d’être une petite révolution, il s’agit là d’un tournant significatif dans le développement de la téléphonie à l’intérieur du pays. Ce tournant touche le prix, c’est-à-dire la variable qui valide en dernier ressort la rencontre entre l’offre et la demande.
C’est ainsi que quelques mois après la claque de Camtel, Mtn et Orange ont modifié leurs offres. On assiste à une restructuration du marché. Il peut sans doute être précoce d’en percevoir les tendances actuellement, mais les différentes offres constituent des indicateurs irréfutables du changement. La confusion entretenue par certains messages mérite aujourd’hui que l’on s’y attarde. Qui propose quoi ? Y a-t-il une évolution dans les prix ? S’il peut être prématuré de répondre à cette deuxième interrogation par l’affirmative pour ce qui est de Camtel, il est en revanche difficile d’admettre que Mtn et Orange ont fondamentalement revus leurs prix à la baisse.
La percée du CT-Phone
C’est au quatrième trimestre 2005 que Camtel annonce avec persistance le lancement du CT-Phone. De nombreux observateurs voient très rapidement un nouvel échec de cette entreprise, surtout qu’elle n’annonce que 5.000 lignes expérimentales, alors que Mtn et Orange ont déjà chacun dépassé le million d’abonnés. A coup de publicité, Camtel dévoile les avantages de son offre. Le poste émetteur-récepteur est vendu à 36.000 Fcfa. Mais l’innovation majeure porte sur le prix des communications. De façon classique, la minute d’appel est facturée à 70 Fcfa (tarif jour : 7h-20h) ou 35 Fcfa (tarif nuit : 20h-7h). La différence entre les tarifs de nuit et ceux de jour est de 50%. Sensibles à l’élément prix, les populations se ruent sur le CT-Phone.
En deux mois, le capital des lignes expérimentales désormais porté à 10.000 est épuisé. Camtel doit désormais faire face à une demande qui ne cesse de s’accroître. Les plateformes Huawei – inventeur chinois de la technologie Cdma à partir de laquelle le CT-Phone est rendu opérationnel – superposées sur celles installées par Siemens à Douala et Yaoundé sont saturées. L’opérateur public entreprend donc de construire des plateformes spécialisées CT-Phone. Aujourd’hui, la vente du produit a officiellement repris et l’entreprise entend atteindre le cap de 160.000 lignes téléphoniques d’ici la fin de mai prochain. Avec cette nouvelle entrée, Camtel qui a le monopole du téléphone fixe dans le pays complète à dix la gamme des produits qu’elle offre sur le marché des télécommunications. Les possibilités de croissance induites par le comportement des utilisateurs vis-à-vis du CT-Phone inquiètent les opérateurs privés.
Mtn et l’économie d’échelle
Mobile telephone network (Mtn) est le premier à restructurer ses offres. Installé au Cameroun depuis le 15 février 2000, cette société qui selon ses dirigeants comptait au 31 décembre 1.248.000 abonnés, n’avait pas modifié ses prix depuis 4 ans. Mais elle offre actuellement ses packs (portable, chargeur, puce) à 40.000 Fcfa, avec 20.000 Fcfa de crédit de communication “ à l’intérieur ”. Pour son produit-phare, le “ Pay as you go ”, elle a cassé la facturation de la première minute d’appel qui était jusque-là indivisible. De façon classique, 30 secondes d’appel coûtent désormais 100 Fcfa, donc une minute à 200 Fcfa contre 240 Fcfa antérieurement en heures pleines (7h - 23h). Aux heures creuses (23h - 7h), 30 secondes d’appel sont facturés à 90 Fcfa, soit une diminution de 10%. A côté de la facturation à la minute, il y a la facturation à la seconde et la seconde d’appel est évaluée à 4 Fcfa (jour) et 3 Fcfa (nuit). Pour le “ Pay as you go – Pay back ”, la première minute coûte 180 Fcfa, la deuxième 160, la troisième 140 et la quatrième 100 Fcfa.
Pour Freddy Tchala, directeur marketing à Mtn-Cameroon, cette restructuration s’explique par le fait que “ les abonnés ont longtemps été cantonnés à des plans tarifaires rigides tandis que la nature de leurs appels dépend de circonstances, de leurs revenus et bien d’autres facteurs. ” Mais globalement, il s’agit d’une première réponse à la requête des utilisateurs du téléphone qui demandaient une baisse substantielle des coûts. Mtn-Cameroon qui, selon Bouba Kaelé, Corporate communications coordinator, “ a déjà investi plus de 200 milliards de Fcfa dans le développement d’un réseau de grande qualité ” comporte actuellement “ 294 sites qui lui assurent une présence dans les dix provinces du pays, avec un taux de couverture de plus de 77% de la population. ” Ce qui ne fait pas pâlir d’envie Orange qui revendique aussi une place de leader.
Orange, le vœu de proximité
Orange, premier opérateur de téléphonie mobile à s’installer au Cameroun en 1999, a pour ambition d’être le plus proche possible de ses clients pour répondre à leurs besoins spécifiques. Le 30 mars dernier, son directeur général, Philippe Luxcey, a animé une conférence de presse au siège pour présenter la nouvelle dynamique de cette entreprise. C’est au cours de cette rencontre que le nouveau téléphone à deux puces “ dualsim ”, le nouveau visuel, et la carte internationale (roaming) de Orange ont été présentés. Aujourd’hui, l’entreprise cède son pack people à 22.500 Fcfa, avec 2.000 Fcfa de crédit de communication.
Dans quelques jours, de nouvelles annonces vont vulgariser les nouveaux prix. La nouvelle tarification, de façon classique, indique pour le produit-phare “ Orange Joker ” 200 Fcfa la première minute indivisible et 60 Fcfa toutes les 20 secondes à partir de la deuxième minute en tarif de jour (6h - 23h) ; 120 Fcfa la première minute et 40 Fcfa toutes les 20 secondes pour le tarif de nuit (23h – 6h). Pour la tarification à la seconde, la seconde est facturée à 4 Fcfa (jour) et 2,5 Fcfa (nuit). Le directeur de la communication Samuel Ngondi Eboua affirme que “ l’ensemble des offres constitue une réponse adéquate aux besoins spécifiques de la clientèle. ” Orange-Cameroun qui revendique “ 1,5 millions de clients actifs ” aura investi, selon son directeur général, 182 milliards de Fcfa en fin 2006. A ce jour, l’entreprise possède “ 304 sites opérationnels ” dans les dix provinces, pour une “ couverture de 72,3% de la population ”.
Baisse ou stagnation des prix ?
S’il est vrai qu’en valeur absolue le CT-Phone est moins cher par rapport aux autres, il faut dire que la technologie utilisée est calquée sur celle du fixe qui, dans le monde entier, pratique les prix les plus bas. Or le fixe au Cameroun coûte par exemple 100 Fcfa pour 3 min à l’intérieur de la ville, soit environ 33 Fcfa par minute en tarif jour. On devrait alors s’attendre à ce que Camtel baisse davantage les prix du CT-Phone.
Pour ce qui est de Orange et de Mtn, la baisse est significative au niveau des postes portables. Mais elle est homéopathique à défaut d’être nulle pour ce qui est des coûts de communication. Si la première minute coûte 200 Fcfa (une baisse de 40 Fcfa par rapport à l’ancien tarif), la deuxième minute, si elle est entièrement consommée, revient à 240 Fcfa comme avant. Pour la tarification à la seconde, une minute entièrement consommée coûtera aussi 240 Fcfa. En analysant minutieusement les différentes grilles, on découvre les astuces des opérateurs pour maintenir leurs “ bénéfices ”. Mais quoique très prisé en ce moment, le CT-Phone offre moins de services à valeur ajoutée que les autres. Pour le moment, on ne peut par exemple pas y opérer avec des Sms. Toutefois, les utilisateurs semblent avoir déjà manifesté leurs préférences.
Chez Orange et Mtn: Pourquoi les coûts “ stagnent ”
Les opérateurs et le régulateur estiment que les prix pratiqués sont justes. Mais jusqu’où ?
L’introduction du CT-Phone dans le marché du téléphone au Cameroun a assurément modifié la perception que les utilisateurs avaient des prix auxquels Orange et Mtn leur concédaient la minute d’appel. En diminuant le prix au quart de ce que les autres proposaient, Camtel a conforté les citoyens dans l’idée qu’ils avaient depuis un certain temps, à savoir que Orange et Mtn gagnent trop. A défaut de les obliger à suivre la courbe de la baisse, on voudrait bien comprendre ce qui les empêche de modifier leurs offres, de façon à approcher au moins les prix de leur concurrent commun.
D’une manière générale, les responsables de Orange et Mtn affirment qu’ils ne joueront pas le jeu (des prix) de Camtel. C’est pourquoi Samuel Ngondi Eboua, directeur de la communication d’Orange-Cameroun, affirme : “ Nous tenons compte de la concurrence certes, mais nous nous attelons surtout à combler les attentes de la clientèle. Nous avons une stratégie propre qui prévoyait la refonte des offres : ce qui a été fait et nous avons un feedback plutôt satisfaisant. ” Par ailleurs, ajoute-t-il, “ il y a des niveaux de prix en deçà desquels on ne peut pas aller. Nous tenons compte de nos charges et nos contraintes, qui ne sont pas celles des autres. ”
Contraintes
A la vérité, Orange et Mtn n’ont pas les mêmes contraintes que Camtel. “ Les technologies sont par exemple différentes. Le Gsm utilisé par les opérateurs privés est considéré comme du ‘haut de gamme’ alors que le CT-Phone utilise le Cdma, une technologie d’origine chinoise qui s’aligne sur les modalités d’exploitation du téléphone fixe ”, explique Pierre Abolo, ingénieur des télécommunications. En outre, relève Mme Ba née Ada Mvé, chef d’antenne de l’Agence de régulation des télécommunications (Art) à Douala, “ Camtel travaille sur des équipements presque déjà amortis alors que les autres investissent encore. Ils doivent prendre du temps pour amortir les leurs. Orange ou Mtn ne sont pas là en effet pour la philanthropie ; ils doivent faire des gains […]”
Selon ces spécialistes donc, les coûts des communications téléphoniques à l’intérieur du pays respectent les charges respectives de chaque opérateur. Sauf que dans les pays de l’Afrique de l’Ouest d’une façon générale, les coûts du téléphone sont plus bas qu’au Cameroun. Bouba Kaelé, Corporate Communications Coordinator à Mtn-Cameroon l’explique par le fait qu’on doive, dans l’analyse, prendre en compte “ la qualité et l’existence des infrastructures. Certains pays d’Afrique de l’Ouest disposaient d’une infrastructure de départ assez importante. Ce qui a réduit les coûts d’investissement. Ce n’était pas le cas pour le Cameroun où l’infrastructure existante a nécessité que l’on investisse lourdement. On peut prendre pour exemple les pylônes qui portent nos équipements. Avec un coût moyen qui varie entre 100 et 200 millions de Fcfa l’unité, on se fait rapidement une idée de l’investissement qu’il a fallu pour déployer notre réseau. ”
Equité ?
Cet argumentaire ne convainc pas une bonne partie des utilisateurs du téléphone au Cameroun. Ces derniers pensent qu’en Afrique de l’Ouest, les opérateurs ont dû investir autant sinon plus qu’au Cameroun. L’exemple de Mtn-Nigeria est révélateur. Mais pour Joël Edimo, spécialiste de marketing, “ il faut percevoir la chose en terme de marché. Le Nigeria représente 10 fois le marché camerounais et les opérateurs peuvent se permettre d’y investir d’énormes sous sans s’inquiéter du retour d’investissement. ” Au-delà, des sources bien introduites à la direction générale de l’Art à Yaoundé indiquent que pour empêcher les abus possibles des opérateurs, une fourchette des prix a ainsi été arrêtée. Mais “ ces opérateurs, affirment nos sources, sont nettement en deçà de ce que le régulateur a prévu. Mtn et Orange font des efforts pour baisser les prix à travers des bonus, des options d’appels, etc.”
Cette ligne de défense renforce l’idée – très répandue aujourd’hui dans certains milieux – que le régulateur subit la pression des opérateurs. Il en résulte l’appauvrissement du citoyen par l’application des prix qui, au regard des indicateurs de l’enquête sur les ménages (Ecam 2002), se situent nettement au-dessus de son pouvoir d’achat. S’il est difficile de démontrer cette pression, on peut tout au moins observer cette tendance des utilisateurs à croire que Orange et Mtn gagnent un peu plus que ce à quoi ils ont droit. Si l’Art est confiante dans le fait que les prix que proposent les opérateurs privés sont justes, il faudrait peut-être, pour apaiser les inquiétudes des utilisateurs, que la société civile entre dans le “ jeu ” à travers les associations de défense des consommateurs. Celles-ci pourraient, par exemple, demander un audit de ces opérateurs afin d’établir l’équité que chacun d’eux revendique. Et si cette équité se prouvait, on devra alors s’interroger sur la loyauté de la concurrence que leur oppose Camtel avec son CT-Phone.
Concurrence: Le CT-Phone est-il déloyal ?
A écouter les responsables de Orange et Mtn, il ne fait point de doute que la concurrence que leur oppose Camtel à travers son CT-Phone est déloyale. Ces derniers n’ont pas toléré que Camtel offre sa minute de communication téléphonique à 50 Fcfa, c’est-à-dire quatre fois moins cher. Ils ont ainsi saisi l’Agence de régulation des télécommunications (Art) pour arbitrer. De par ce rôle d’arbitre, l’Art intervient aussi dans la fixation des prix de télécommunications pour assurer les grands équilibres du marché. Sinon, certains opérateurs peuvent se retirer et là, le régulateur n’aurait pas rempli sa mission qui est de développer les télécoms au Cameroun.
C’est à ce titre que l’Art a réagi aux plaintes d’Orange et Mtn il y a environ deux semaines en interpellant des responsables de Camtel pour une séance de travail. La marmite est en ébullition et les responsables de l’Art observent encore les tendances. En attendant, les techniciens de Camtel expliquent que leur entreprise n’est pas en concurrence avec Mtn et Orange. Rencontré à la direction régionale de Camtel à Douala, un ingénieur maison confie : “ Nous avons voulu varier nos offres et devenir plus compétitif. Les utilisateurs sont fascinés par le portable. Quand nous vendions les services du fixe cinq fois moins cher que ce que proposaient les autres, personne ne nous regardait. Nous nous adaptons donc aux conditions du marché en donnant aux clients le portable qu’ils préfèrent, mais au prix du fixe qui est notre domaine d’opération. ”
Cela étant, le spécialiste relativise le terme “ concurrence ” utilisé pour présenter la situation. “ Nous ne sommes pas en concurrence directe avec Orange et Mtn. Les deux utilisent le Gsm et nous le Cdma qui n’est en fait que le prolongement technologique du fixe”, précise-t-il. En effet, au niveau international, on distingue deux marchés pertinents de la téléphonie : celui du fixe et celui du mobile. Mais avec le développement de la technologie, on assiste aujourd’hui à une imbrication des deux marchés. L’exploit du CT Phone en est un exemple ; on ne sait plus si on a affaire à un fixe ou à un mobile. Mais les responsables de Camtel sont tranchés sur la question : “ Nous, c’est du fixe ! ” clament-ils. “ C’est comme deux vendeurs sur le marché : l’un vend les œufs de poule et l’autre les œufs de dindon. Vous ne pouvez pas dire que c’est la même chose”, ironise Pierre Abolo, ingénieur des télécommunications.
Avec un peu de recul, Joël Edimo, spécialiste de marketing, estime que Mtn et Orange ne doivent pas avoir autant peur. Car, démontre-t-il, “ il faut tenir compte de la situation oligopolistique (trois offreurs seulement pour une multitude de demandeurs) du marché. En lançant le CT-Phone, Camtel qui est en voie de privatisation voulait montrer à ses potentiels repreneurs qu’elle est plus rentable qu’on ne le croit. Il est difficile de croire que cette société à capitaux publics peut avoir des visées expansionnistes qui changent le visage du marché. Il y a cette ombre de privatisation qui plane et il ne faut surtout pas oublier que la société est pleine de fonctionnaires... Dans cette logique, il est normal que Orange et Mtn ne suivent pas Camtel dans la baisse des prix de communications. ”
Toutefois, en termes de prospectives, le meilleur reste à venir. Mme Ba, chef d’antenne de l’Art à Douala, illustre : “ Les appels en direction de l’étranger coûtent moins cher parce que c’est la téléphonie sur internet. Cette pratique n’est pas encore réglementée au Cameroun mais on y travaille. Quand tout sera prêt, les coûts vont sans doute connaître une dégringolade. Il y a également la mise en exploitation du câble à fibre optique qui pourra aussi participer à cette réduction des coûts. ” Quoi qu’il en soit, le marché de la téléphonie au Cameroun reste ouvert pour l’avenir. Des innovations techniques et commerciales vont booster les produits et s’adapter aux caractéristiques du marché.
Tendance: Les prix grimpent au call-box
La minute d’appel revient dans certains quartiers à 150 ou 125 Fcfa dans les call-box, comme avant l’introduction du CT-Phone sur le marché.
Janvier raccroche le téléphone et tend avec dédain une pièce de 100 Fcfa à la jeune gérante du call-box. Son appel a duré 46 minutes. A sa surprise, la demoiselle lui annonce que le prix de la minute a augmenté depuis deux semaines : 125 Fcfa au lieu des 100 Fcfa pratiqués depuis plusieurs mois. Convaincu que la “ call-boxeuse ” voulait la flouer, Janvier refuse de payer et lui crache des invectives. On passe à côté d’une bagarre cet après-midi pluvieux du 9 avril. Plus loin, au “ carrefour Andem ” à Logpom, il se renseigne. L’homme est presque snobé par les propriétaires de call-box installées aux abords des lieux. Ici, l’affichage est plutôt ostentatoire : “ 150 Fcfa, de 0 à 59 secondes. ”
En réalité, les usagers des call-box sont surpris par cette hausse subite des prix. Elle intervient au moment où on attendait plutôt une baisse continue. Avant l’entrée du CT-Phone sur le marché, le coût de la minute d’appel dans les call-box était facturé aux clients à 150 ou 200 Fcfa selon les lieux. Mais dès janvier 2006, on a assisté à une certaine dégringolade des prix, un peu comme en réaction à la percée du CT-Phone dont la minute est facturée à 50 Fcfa. Les call-box affichaient alors fièrement 100 Fcfa la minute. “ On achetait une carte de crédit à 30.000 Fcfa et on avait jusqu’à 15.000 Fcfa de bonus. La minute était normalement facturée par Orange ou Mtn, mais on récupérait avec le bonus. A la fin, on se retrouvait avec un bénéfice d’environ 6.000 Fcfa ”, explique Clarisse Ngo Oum, gérante de call-box.
Encourager l’ouverture de nouvelles lignes
Approchés, les responsables d’Orange-Cameroun et de Mtn-Cameroon se montrent réservés sur la question. Mais sur le terrain, les gérants de call-box affirment que ces opérateurs leur ont retiré les bonus qu’ils accordaient à l’achat de la carte. “ Ce mois, je ne sais pas si je vais perdre ou gagner ”, déclare, anxieuse, Clarisse, près de son comptoir à Akwa. L’inquiétude est à son comble et les recettes baissent. “ Je faisais un chiffre d’affaires quotidien d’environ 15.000 Fcfa mais j’atteins difficilement 10.000 Fcfa ces derniers jours ”, témoigne la jeune femme.
Certains observateurs avancent qu’avec la baisse des prix au call-box, les utilisateurs ne trouvaient plus utile de recharger leur téléphone puisque la minute d’appel va leur coûter 240 Fcfa alors qu’au call-box ils ne dépenseront que 100 Fcfa – moins de la moitié – pour le même temps d’appel. Au-delà, le transfert de crédit faisait que les abonnés n’achetaient plus de carte de recharge puisqu’il était plus avantageux (bonus et augmentation du temps de réception) de demander un transfert. A cette allure, l’ouverture de nouvelles lignes devait être freinée. Or les opérateurs font la course au leadership. Celui-ci se mesure aussi au nombre d’abonnés. C’est pourquoi, explique un abonné Mtn, “ quand vous perdez une puce, on vous demande 10.000 Fcfa pour conserver le même numéro alors que pour prendre une nouvelle ligne, vous dépensez moins de 5.000 Fcfa. ”
On encourage donc les utilisateurs à ouvrir de nouvelles lignes et à acheter plus de cartes de recharge pour mieux revendiquer sa place de leader.