Corruption: Le Cameroun perd la médaille du pays le plus corrompu du monde !

Par | Cameroon-Info.Net
Bruxelles - 24-Sep-2000 - 08h30   49407                      
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Dans le classement peu enviable de pays le plus corrompu dans le monde, le Nigeria voisin (est-ce un hasard ou un présage ?) détrône le Cameroun qui rétrograde à la 7ème place mondiale. On Peut s'en féliciter mais surtout ne pas perdre de vue que ce fléau, largement et profondément enraciné dans nos mentalités, hypothèque durablement nos chances de développement.
La nouvelle est passée presque inaperçue, dans l'euphorie générale de la rentrée scolaire et surtout des Jeux Olympiques de Sydney en Australie: depuis quelques jours donc, "officiellement", le Cameroun n'est plus présenté comme le pays le plus corrompu dans le monde. Pour une fois, il vaut mieux être dernier que premier de la classe. Pour l'instant, on rétrograde à la 7e place mondiale, encore un effort et on occupera la dernière place. On avait même douté de la rigueur méthodologique de l'étude de l'Organisation non gouvernementale allemande Transparency international, auteur du classement sur l'indice de perception de la corruption dans le monde. Le phénomène de corruption étant en effet difficile à quantifier et à mesurer, on était quelques-uns, surpris de voir le Cameroun devant le Nigéria (doit-on pour autant croire que la vérité vient d'être rétablie ?) ou certains pays d'Amérique latine. Mais ce classement n'est rien d'autre qu'un indicateur, un symptôme de ce mal qui semble toucher tous les pays de la planète. Avec cependant des accents et des formes différents. La question que tout le monde peut se poser est claire: le Cameroun serait-il devenu un pays plus propre, transparent ? Après avoir occupé cette peu enviée et enviable première place mondiale, de rétrograder en 7e place ne peut que nous réjouir. Ne boudons pas ce plaisir. Indéniablement, les autorités ont été sensibles à ce classement dont elles ont pourtant critiqué le sérieux et la rigueur, preuve aussi qu'avec un peu de volonté, on peut arriver à vaincre moult maux qui minent notre société. Mais il ne faudrait pas se réjouir trop vite. Le Cameroun reste et demeure gravement malade: malade de sa classe dirigeante qui vit au-dessus des lois, malade de sa société qui a fini par comprendre que la corruption était finalement le plus court chemin pour tout obtenir, malade de ses hommes d'affaires qui entretiennent le système informel et ralentissent ainsi nos chances de développement, en toute impunité, malade de son corps enseignant qui continue à entretenir des pratiques peu recommandables, malade de ses forces de l'ordre, de son corps médical… qui continuent a monnayer ce qui ne devrait pas l'être. Ainsi, au Cameroun de l'heure, il est toujours plus facile d'entrer dans telle grande Ecole moyennant la fameuse enveloppe plutôt que par la voie officielle, le concours. Il est plus facile d'obtenir un (vrai-faux) permis de conduire, un (vrai-faux) acte de naissance, de vrais-faux bulletins scolaires voire de vrais-faux diplômes, sans être passe par l'examen du permis de conduire, la mairie ou… par l'examen officiel. Dans ce pays, tout s'achète et tout est possible, a condition de mettre la main a la poche. Ne dit-on pas souvent qu'impossible n'est pas camerounais ? Le Cameroun manque toujours de transparence dans l'attribution et la gestion des marchés publics. Nous devrions être sinon le seul pays, du moins l'un des rares dans le monde où de hauts dirigeants répondent aux appels d'offres publics et gagnent des marchés publics! Cette confusion d'intérêts est nuisible a l'image du pays et aux efforts d'assainissement mis en place. Le Camerounais a fini par intégrer que seul le système parallèle était plus sûr, plus rapide et forcément plus efficace, puisqu'il parvient toujours a ses fins: s'enrichir. Une journée passée au port de Douala, et vous mesurerez l'ampleur de la corruption au Cameroun. Quel Cameroun voulons-nous pour nos enfants ? Le président Paul Biya avait posé la question, mais y a-t-il apporte réellement une réponse ? Dans le fond, on peut dire qu'il y a deux types de corruption, semblables à la peste et au choléra. La première, celle que l'on pratique pour compte de tiers. Elle est collective et vise le bien d'une communauté, d'un village ou d'une région. Ainsi, obtenir qu'une adduction d'eau soit érigée en tel lieu alors que rien n'était prévu peut être excusable. Tout comme obtenir la construction d'une route ou d'un hôpital pour son village ou son département, au moins, c'est l'ensemble de la population qui en profite. Elle est condamnable mais pardonnable. Puis, la pire des corruptions, la seconde forme, celle qui ne vise qu'un seul but, l'enrichissement personnel au détriment du groupe. Malheureusement, cette dernière forme de corruption passe pour être la plus pratiquée chez nous, un sport national. Du policier qui rançonne le transporteur d'autobus ou taximan, en passant par le proviseur ou censeur qui gonfle les effectifs des classes parce que de la sorte, il se "remplit les poches", de l'homme d'affaires qui "oublie" de dédouaner la moitié de ses marchandises, de l'officier d'état-civil qui prend des enveloppes pour accepter de faux actes de naissances, du commis du Ministère des Transports qui arrondit ses fins du mois en vendant de faux permis de conduire, c'est chacun qui "broute là ou il est attaché", comme la chèvre, et comme le disent les Camerounais. Non, le pays n'est pas devenu ce que nous aurions souhaité qu'il fût, c'est-à-dire transparent, où la seule règle qui vaille est celle du droit, de la méritocratie aussi. Beaucoup semble avoir été fait en ce sens si l'on en juge par cette rétrogradation de 7 places dans le concert des nations les plus corrompues, mais beaucoup reste encore à faire. Ceci est un chantier national qui devrait faire partie des priorités du gouvernement. Car c'est notre avenir qui en dépend.




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