Droit et Devoir patriotique de savoir plus sur ces hommes et femmes qui nous informent au quotidien. Une enquete-interview realisee par Lydie SEULEU
Motivations pour ce travail:
- Droit et Devoir patriotique de savoir plus sur ces hommes et femmes qui nous informent au quotidien.
- Pour comprendre le milieu spécifique des journalistes camerounais(e)s, des hommes et femmes nobles qui nous relatent au quotidien les faits de la nation et/ou de l'international.
Afin de mieux informer les internautes, nous nous sommes penchés sur leurs problèmes quotidiens et leur lutte; Pour mieux comprendre Mr.Dzudie Guy Modeste, journaliste, a accepté d'accorder une interview. Suivez…
Sur quelle base est recruté un journaliste, et pour quel salaire?

Les ressorts de l’univers médiatique camerounais sont bien singuliers. Surtout lorsque l’on se retrouve dans l’espace de la presse à capitaux privée distincte de celle à capitaux publics. L’un des éléments de cette singularité porte sur l’alea qui entoure le recrutement dans la profession ou l’embauche comme journaliste dans un organe de communication écrit ou audiovisuel. Car dans les médias privés Camerounais, le recrutement des journalistes ne repose généralement pas sur des critères préétablis. Dans 90% des cas les journalistes sont recrutés par des mécanismes de cooptation en fonction des affinités amicales, familiale, tribale, intellectuelle et même émotionnelle entre le postulant et le patron, sinon certains cadres de la maison. Les concours ou les tests de sélection des candidats à emploi ou à un poste vacant sont rares. En clair, les diplômes académiques ou professionnels ne constituent pas des exigences prééminentes pour les employeurs.
Reste que dans certains médias constitués sous forme d’entreprise de presse, le journaliste sorti de l’école de journalisme avec un Dstic (diplôme en science de l’information et de la communication) ou une licence professionnelle en journalisme commence avec une base de 100.000 Fcfa à titre de prime de stage. Une fois confirmé, son salaire oscille autour de 125 à 150.000 Fcfa.
Quelques fois, il existe des désagréments ou des manquements de la part des patrons de presse. C’est ainsi qu’un journaliste mis en stage pré emploi par une lettre d’engagement à l’essai pourrait toucher 70.000 Fcfa. Après, cette ? il connaît un contrat pré emploi avec 120 000 Fcfa. En bref, il faut souligner que la base salariale d’un journaliste confirmé dans certains quotidiens de la place est de 150.000 Fcfa. Leur prime de responsabilité varie entre 10 et 15.000 Fcfa. Reste que parfois la période d’essai peut durer plus de deux ans et demi alors que les délais légaux sont de six mois. Dans d’autres journaux, notamment les hebdomadaires, le salaire d’un journaliste confirmé est de oscille entre 30 et 45.000 Fcfa. Peu importe qu’il soit titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou pas. Dans les grands journaux, la pige est de 5000 Fcfa pour un article d’environ 3000 signes.
En conclusion, personne ne respecte la catégorisation prescrite par la convention collective signée le 12 novembre 2008.
Le salaire perçu permet-il de joindre tous les bouts chaque mois? Quelles sont les grandes dépenses personnelles?
Le salaire est très insuffisant et irrégulier. Prenons le cas d’une ville comme Douala ou Yaoundé ou des studios modernes coûtent 50 à 60.000 Fcfa. Comment peut se loger un journaliste qui touche 100.000 Fcfa, même s’il est célibataire sans enfant? Que fera alors celui qui est marié? Que dire des dépenses de taxi qui peuvent être de 2000 Fcfa par jour dans une ville comme Douala? Que Pourra-il faire s’il a besoin d’au moins 2500 Fcfa pour couvrir ses besoins journaliers de nutrition? Que dire des prévisions pour des cas de maladie?
Quelles sont les difficultés quotidiennes à aller à la source des informations?
D’emblée, faut-il dire que n’ayant pas de prime pour se vêtir, le journaliste se présentant devant une source avec des vêtements usés est perçu comme un drapeau de misère. Hormis les journaux comme Le Messager, La Nouvelle Expression, Le Jour et Mutations qui accordent des frais de reportage (transport et téléphone) à leurs journalistes, les autres journaux brillent par l’abandon du reporter. A Mutations par exemple, il y a une période où un journaliste confirmé avait droit à 7.500 Fcfa par semaine pour ses reportages dans la ville de Yaoundé. Dans un autre organe comme Le Messager, suivant l’appréciation du rédacteur-en-chef, les frais de reportage varie de 500 à 2000 Fcfa pour un papier travaillé dans la ville du siège du journal. Dans ce journal, un Correspondant régional a droit à un forfait oscillant entre 25 et 30.000 Fcfa pour ses reportages.
En zone provinciale et en zone rurale, quels sont les outils de travail? L'accès à Internet, y a-t-il possibilité de l'avoir au lieu du travail et/ou à domicile?
Il n’y a ? de spécifié. Comme son confrère qui exerce en ville, il se déplace à l’aide d’un mototaxi ou d’un moyen de transport commun. En zone rurale, il n y a pas de connexion sinon à fort prix. Les agences des grands quotidiens n’ont pas de connexion. Les journalistes doivent se rendre dans les cybers pour expédier leurs papiers. Reste que certains journalistes disposent, à titre personnel des Laptops avec connexion Internet.
Au siège du journal Ouest-Echos basé à Bafoussam, il existe une connexion Internet comme dans celui des grands quotidiens de Douala et de Yaoundé.
Y a-t-il un syndicat pour les journalistes du secteur privé? Si oui comment gère-t-il le problème de ceux/celles-ci?
Il existe au moins quatre syndicats pour les journalistes, qu’il soit du secteur privé ou public. Les deux les plus actifs sont le Snjc (Syndicat national des journalistes du Cameroun) et le Sjec ( Syndicat des journalistes employé du Cameroun). C’est grâce au déploiement desdits syndicats qu’on aboutit à l’élaboration et la signature de la Convention collective des journalistes et métiers connexes au Cameroun.
Quelle est la forme de communication entre les journalistes et leur représentant syndical?
L’usage des Sms et mailing lists constituent les principaux modes de communication des journalistes syndiqués (ils sont très peu). Parfois, des réunions sont programmées.
Le nombre de journalistes est-il connu par tous?
Il existe des estimations. En mai 2005, l’Union des journalistes du Cameroun (la plus grande association des journalistes du pays) a produit un répertoire dans lequel est recensé environ 800 journalistes du privé comme du public et « auxiliaire de la profession ».
Quelles sont les grandes revendications du syndicat?
Elles portent principalement sur l’application des salaires adoptées dans la Convention collective, le payement réguliers desdits salaires, l’accord des possibilités de formation de perfectionnement des recyclages aux journalistes formés généralement sur le tas.
Au cas où il n'y aurait pas de syndicat, comment les journalistes s'organisent-ils?
Avec le travail fait par les syndicats les journalistes entrent en grève ou saisissent les juges et les autorités administratives compétentes en cas de conflit professionnel individuel ou collectif.
Quelle relation y a-t-il entre les journalistes du secteur privé et ceux/celles du public?
Elles de deviennent de plus en plus bonnes et cordiales. Au fil des temps, les clivages des années 1990 s’estompent. La diversité et la différence des contenus éditoriaux ne sont plus des champs d’affrontement. Les journalistes «sérieux» se connaissent et se fréquentent qu’ils soient du privé ou du public. Surtout que depuis le début des années 2000, certains journalistes formés à l’Esstic ( Ecole supérieur des sciences et techniques de l’information et de la communication), une structure qui appartient à l’ETAT et où l’on entre sur concours, travaillent aussi pour certains médias privés, notamment Mutations.
Pour terminer, être journaliste dans le secteur privé, est-il bien à conseiller aux jeunes?
Si c’est pour l’épanouissement intellectuel, oui. Mais matériel, non. Cependant, il ne faudrait pas être fataliste. Dans la vie rien n’est statique. Tout est dynamique. Et petitement des entreprises de presse se construisent au Cameroun. Il faut juste un peu de génie et beaucoup de témérité pour faire changer positivement la donne.
Est-ce que les raisons sont connues des journalistes? si oui lesquelles? Que vous disent les agences de presse?
Les patrons des organes ou des groupes de presse expliquent que l’univers médiatique est frappé par une crise globale. A les en croire, même les grands groupes de presse basée en Occident sont en proie à des difficultés d’ordre économique. Et comme témoin, l’on brandit les grèves récurrentes du personnel de Radio France International (Rfi).
Au Cameroun, les agences de presse ne font pas partie du paysage médiatique. Même l’agence gouvernementale Camnews parait anachronique et obsolète dans son fonctionnement.
Le journaliste se présentant devant une source avec des vêtements usés est perçu comme un drapeau de misère. Est-ce un sentiment chez tous les journalistes ou sont-ils indexés ainsi par les camerounais(e)s ?
C’est par tous les journalistes qui affichent cette mine de misérable. Et dans l’opinion, il faut le reconnaître, il y a des gens qui en dépit de la précarité dans laquelle ils vivent et exercent leur métier, respectent le journaliste. Surtout ceux qui savent faire montre de rigueur professionnelle et de probité morale.
Les agences des grands quotidiens n’ont pas de connexion. Est-ce une crainte pour ces agences ou un manque de moyen vue le prix élevé de la connexion Internet?
Cela ne dépend pas de l’absence des moyens. Mais de la négligence des patrons qui considèrent les Deks régionaux comme des démembrements peu rentables. Parce que les journaux y sont moins achetés et que le marché de la publicité y est quasi inexistant. Etant donné que les principales entités industrielles et commerciales du Cameroun sont concentrées à Douala a et Yaoundé.
Snjc (Syndicat national des journalistes du Cameroun) et le Sjec (Syndicat des journalistes employés du Cameroun). Quelles sont les différences entres ces deux grands syndicats? Pourquoi cette Pléthorique et pourtant tous les journalistes luttent pour les mêmes causes?
Au plan idéologique, ou mieux dans la manière de formuler les revendications, il n’existe aucune différence entre les deux syndicats. La séparation viendrait -apprend-on de certaines langues- d’une incompatibilité d’humeur entre Jean Marc Soboth (1er secrétaire du Snjc) et Norbas Tchana Nganté (Président du Sjec). Les deux ayant travaillé à l’époque à La Nouvelle Expression auraient transporté les bagarres de positionnement en entreprise dans le champ social et syndical. Cependant faut-il reconnaître que cette diversité a été bénéfique pour les journalistes. Car il existe comme une concurrence et une émulation dans l’action entre les deux syndicats. D’où la signature de la Convention collective grâce aux actions conjuguées de lobbying menée par les deux syndicats auprès des différentes instances internationales et même des dignitaires du régime de Yaoundé.
Vous dites qu'il y a très peu de journalistes syndiqués, peut-on comprendre par-là que beaucoup ont baissé les bras et qu'ils savent qu'il n'y aura plus d'issue à leurs problèmes?
Globalement, au Cameroun la culture syndicale, la culture de revendication est érodée. Les gens ont peur de militer. Le syndicaliste, même en entreprise, est perçu comme un potentiel fossoyeur de l’ordre établi. Il est en bref regardé comme un potentiel opposant au pouvoir de Yaoundé. C’est pour cela que les gens se comportent en victimes résignées. Ils ne croient pas en la lutte. C’est comme si le culte de la négation de soi était devenu pour eux un credo de vie.
Il faut juste un peu de génie et beaucoup de témérité pour faire changer positivement la donne. De quel génie est-il question? Pouvez-vous être plus explicite?
Parlant de génie, je fais allusion l’accroissement de la créativité des journalistes. Les camerounais ont besoin de s’informer. Mais en même temps, ils en ont marre des formules et modèles monotones. C’est pourquoi les journalistes doivent briller par l’originalité de leur article. Ce n’est pas facile dans un contexte de précarité. Mais la crise doit nous imposer à créer. La survie de notre profession et la notre en dépend.
Pour terminer, on peut très bien constater qu'à cause des moyens très limités de différentes formes, le journaliste ne peut véritablement pas très bien couvrir les faits dans les zones éloignées et reculées?
C’est vrai. Mais faut-il souligner que de temps en temps les efforts sont faits. L’essentiel des quotidiens privés ont des correspondants ou des bureaux dans toutes les régions ou les grands ensembles géographique du pays.
Quel appel aux camerounais(e)s de l'extérieur?
Un appel? Ce sont des camerounais comme nous autres. Se trouvent-ils en position de privilégiés? Je ne le sais pas. S’ils peuvent prendre des abonnements dans les principaux organes de presse c’est bon. S’ils peuvent payer par je ne sais quel mécanisme-nos journaux qu’ils consomment gratuitement en ligne, tant mieux. Cette diaspora pourra aussi, dans la mesure de son organisation et des possibilités, créér un fonds de solidarité pour venir en aide aux syndicats et à de nombreux organes en proie à des tensions de trésorerie.
Interview concue et réalisée par Lydie Seuleu, Patriote Africaine
Le journaliste Guy Modeste DZUDIE répond au numéro téléphonique suivant:
+237 99 03 79 71

Guy Modeste Dzudie
Photo: © Lydie SEULEU
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