Il s’agit d’au moins 6 hectares de terrain au lieu-dit Ebome, dans l’arrondissement de Kribi 1er, département de l’Océan, région du Sud, avec façade maritime, qui est objet depuis une décennie maintenant, de toute sorte de convoitise de la part des élites de la localité qui tentent vainement d’en déchoir les propriétaires véritables, avec le concours désormais des pouvoirs publics. Le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, Henri Eyebe Ayissi, vient en effet d’autoriser la ré-immatriculation de ces parcelles au bénéfice de la collectivité «Moudjibouri», alors que celles-ci appartiennent à des tiers, et avaient été préalablement immatriculées il y a une cinquantaine d’années.
Le patron du domaine foncier de l’Etat a en effet adressée une lettre le 22 avril 2021 au délégué départemental de son ministère dans le département de l’Océan, dans laquelle il ordonne de «poursuivre les procédures d’immatriculation initiées par ladite collectivité, sur six dépendances du domaine national de contenances superficielles globale de 06ha 89ca, au lieu-dit Ebome, dans l’arrondissement de Kribi 1er, dans le strict respect de la réglementation en vigueur».
Cette démarche vise clairement à déchoir les premiers propriétaires de la parcelle querellée de leurs lots respectifs, conformément à une décision administrative prise le 4 octobre 2016 par l’ancien ministre des Domaines, Jacqueline Koung A Bessiké, de regrettée mémoire. Or dans la foulée de cette décision prise à l’époque et visant à annuler le titre foncier N°361/O, l’un des propriétaires, le nommé Pierre Orly Tantchou, détenteur du titre foncier N°1043 issu du morcellement du titre-mère, avait saisi les tribunaux et avait obtenu gain de cause.
Le jugement N°201/2018/TA-Ydé du 1er août 2018 rendu par le Tribunal administratif du Centre était favorable à ce Camerounais vivant aux Etats-Unis. La Chambre administrative de la Cour Suprême allait confirmer cette décision par une sentence du 12 juin 2019, celle de réhabiliter le titre foncier N°361/O et de rétablir la quarantaine de propriétaires qui y figurent dans leurs droits.
«J'ai déjà une décision de la Cour suprême (celle de 2019) qui m'est favorable, mais je ne comprends pas l'entêtement des ministres en charge du domaine, à refuser de se soumettre à la décision de la justice camerounaise», s’est épanché Pierre Orly Tantchou dans le quotidien La Nouvelle Expression de ce jeudi 10 juin 2021, convoquant ainsi le principe de l’autorité de la chose jugée. Les travaux de construction d’un hôtel engagés par cet entrepreneur sur sa parcelle sont depuis à l’abandon, en raison d’interminables procédures devant les tribunaux.
Une affaire qui devra sans nul doute faire l’objet d’audit, tant il est vrai que le Conseil Supérieur de l’Etat est en passe d’entreprendre un audit foncier du domaine de l’Etat, prisonnier à certains endroits des calculs égoïstes de l’élite politico-administrative.