Une partie de ping-pong ! C’est le jeu auquel se livrent le gouvernement camerounais et Amnesty International depuis la publication du dernier rapport de l’ONG qui épingle notre pays. Le 20 juillet 2017, Amnesty a publié un rapport intitulé « Chambres de torture secrètes au Cameroun : Violations des droits humains et crimes de guerre dans la lutte contre Boko Haram ».
Dans le document, l’ONG révèle l’existence de plusieurs lieux de violation des droits de l’homme en territoire camerounais dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse terroriste. Un rapport qui fortement déplu à Yaoundé. Dans une sortie musclée, Issa Tchiroma, le porte-parole du gouvernement, est allé jusqu’à dire qu’Amnesty joue le jeu des terroristes.
« Poursuivant dans sa logique protectrice des intérêts terroristes, Amnesty International entreprend de fustiger pour la décourager, la coopération que des armées de pays amis apportent à notre pays », a dit le ministre de la Communication. A ce niveau, Issa Tchiroma faisait allusion à la demande d’Amnesty faite à des gouvernements occidentaux parmi lesquels les Etats-Unis, d’enquêter sur des probables liens entre les tortures et leurs armées.
Accusé, Amnesty n’a pas tardé à réagir. Le directeur Afrique de l’Ouest et du Centre de l’ONG a accordé une interview au site Hurinews le 31 juillet 2017. Dans cet entretien dont des extraits sont publiés par La Nouvelle Expression parue le 1er août, Alioune Tine rejette les allégations du gouvernement camerounais et maintient la position de l’ONG.
Alioune Tine
« Je m’attendais à une réaction dans laquelle le gouvernement camerounais tenterait de réfuter les résultats de la recherche menée par Amnesty International sur la base de contre-arguments sérieux et de preuves solides et concrètes. Malheureusement cela n’a pas été le cas. J’ajoute qu’Amnesty International a plusieurs fois donné l’occasion au gouvernement de répondre à ses allégations. Mais les autorités n’ont jamais réagi.
Ensuite, du 20 au 26 mai 2017, j’ai moi-même conduit une délégation d’Amnesty International à Yaoundé pour recueillir le sentiment des pouvoirs publics concernant les conclusions de nos recherches qui, je le répète, n’étaient pas encore publiées. Mais aucun membre du gouvernement n’a accepté de nous rencontrer malgré les multiples demandes d’audience envoyées avant notre déplacement. Pire, les autorités ont interdit une conférence de presse prévue par Amnesty International à Yaoundé le 24 mai dernier, au cours de laquelle nous avions l’intention de présenter des lettres et des pétitions adressées par plus de 310 000 signataires du monde entier, demandant au président Paul Biya de libérer trois étudiants condamnés à 10 ans de prison, uniquement pour avoir échangé une plaisanterie sur Boko Haram par SMS.
Tout au long de notre travail de recherche, nous avons demandé à rencontrer le président de la République, le ministre de la Défense, le ministre de la Justice, le ministre de la Communication, le ministre des Relations extérieures et des membres des forces de sécurité. Seul le ministre de la Communication et le secrétaire général du ministère de la Défense ont accepté de nous recevoir, en février 2017. Confronté à une description détaillée des pratiques de torture en question, le représentant du ministère de la Défense a affirmé qu’elles ne relevaient pas de la torture, mais simplement d’une ‘‘exploitation approfondie’’ Nous ne sommes pas là pour démoraliser l’armée camerounaise. Les faits documentés par Amnesty International devraient plutôt engendrer des actions allant dans le sens d’améliorer le fonctionnement de l’armée. Une armée qui torture n’est pas une bonne armée ».