Cameroun - Rappels historiques: Portrait assassin de Paul Biya par Ahmadou Ahidjo

Par BENJAMIN ZEBAZE | Ouest Littoral
Yaoundé - 27-Sep-2013 - 16h46   59928                      
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Les propos liminaires prononcés par Amadou Ahidjo lors d'une conférence de presse donnée le 05 mars 1984 à Paris et repris récemment par l'hebdomadaire «L’Oeil du Sahel» sont venus contredire tout ce qui avait été dit à son sujet par le pouvoir actuel.

Ahidjo-Biya
Photo: © Archives
L'arrivée fortement médiatisée d'Aminatou Ahidjo sous la camisole du nouveau joker du Renouveau a permis de réveiller les vieux démons pour rafraîchir la mémoire de tous ceux qui ont expressément choisi d'avoir la mémoire courte. Pour rester fidèle à l'histoire, un retour aux propos du principal concerné nous a paru nécessaire pour dissiper les zones d'ombre. D'emblée, pour qualifier ce qui avait été dit et entendu sur sa personne à l'époque, le Président Ahidjo avait déclaré que la mascarade en question s'articule autour d'un objectif principal et central: atteindre Ahidjo dans sa réputation, en son honneur, dans ses biens. Pour y parvenir et mobiliser l'opinion intérieure et inter¬nationale dans le sens souhaité, les apprentis-sorciers qui mènent la danse ont fait une trouvaille, malheureusement pour eux, vieille comme le monde: ils ont inventé un complot. Partant de certains faits vrais, absolument légaux et parfaitement justifiés tels que: réunion des ministres mécontents et pour cause, comme nous le verrons plus loin et réunion d'officiers du Nord-Cameroun» Selon ses propos, le pouvoir de son successeur Biya «avait préparé le terrain: insinuations, de rumeurs de toutes sortes, mensonges éhontés, ont été déversés à flots sur le peuple camerounais». Ahidjo a délibérément démissionné du pouvoir On se souvient qu'au lendemain de sa démission, des informations faisaient état de ce que son départ était le produit d'une supercherie savamment orchestrée depuis la France par des médecins qui l'auraient induit en erreur en agitantl'épouvantail d'une maladie extrêmement grave ne lui laissant aucun autre choix: «Je me serais aperçu par la suite, disait-on, que je n'étais nullement à l'article de la mort et du coup, j'aurais vivement regretté mon départ et nourri le projet de revenir au pouvoir». La vérité révélée par l'intéressé est une autre réalité: «Aucun médecin français ou étranger ne m'a proposé, ni suggéré, ni recommandé de démissionner, aucun. Il m'a été prescrit, c'est vrai, de modifier mon rythme de travail, de réduire celui-ci pendant quelques temps afin de prendre un repos nécessaire, réparateur du surmenage qui m'avait fatigué. J'ai pris moi-même et tout seul, la décision de démissionner parce que je crois que le pouvoir n'est pas un apanage personnel, mais un service de l'Etat et que l'on ne doit pas s'y accrocher envers et contre tout, alors même que l'on n'éprouve, du point de vue de la santé, des difficultés, celles-ci fussent-elles curables et passagères. Les miennes n'étaient pas insurmontables. Des nombreux chefs d'Etat sont encore en exercice dans le monde, sans préjudice pour leur pays, qui sont bien plus malades que moi. Je pensais simplement que 25 ans à la tête du Cameroun m'autorisaient à croire et à dire que j'avais fait de mon mieux, suffisamment servi mon pays, pour aspirer au repos». Une précision qui tranche avec tous ceux qui le disaient «pouvoiriste», incapable de qui quitter volontairement le pouvoir qu'il adorait tant. Comme pour illustrer davantage cette conviction, l'ex Président rappelait qu' «une délégation du comité central de l'Unc dont Monsieur Paul Biya faisait partie, est venue me supplier de revenir sur ma décision alors qu'elle n'était pas encore rendue publique. Cette délégation pensait que le travail du gouvernement pouvait être organisé de telle sorte que pendant le temps nécessaire, je puisse me reposer davantage, et refaire mes forces. Ce qui évidemment était tout à fait possible et ne faisait aucun problème. J'ai pris ma décision, comme le dictait ma conception du service de l'Etat au niveau où je l'exerçais». Les 900 milliards de FCFA en Suisse: une autre manipulation Pour montrer à quel degré Ahmadou Ahidjo avait pillé le Cameroun, une nouvelle sous fond de moquerie s'était répandue, faisant état de ce que celui-ci avait gardé un compte secret (on parlait de 900 milliards de FCFA) en Suisse qu'il avait malheureusement (à cause de son inconfort intellectuel) ouvert par naïveté au nom du Président de la République du Cameroun. C'est dans ses comptes, apprenait-on, qu'étaient versés les redevances et revenus provenant du pétrole de notre pays. Pourquoi un tel traitement réservé à ces recettes? Pour le premier «père de la nation» qui considère cela comme une calomnie, si un compte secret a été ouvert en Suisse au nom du Président de la République, il ne peut l’avoir été qu'après ma démission. D'ailleurs, Si c'était vrai, un compte ouvert au nom du Président de la République du Cameroun serait automatiquement tombé sous la responsabilité de mon successeur». Jusqu'à ce jour, les Camerounais ne savent pas quelle direction a été prise par cette forte somme d'argent qui n'est pas, sous réserve de preuves contraires, retournée dans les caisses du trésor public. Ce qui est vrai, poursuit Ahmadou Ahidjo, «c'est que les recettes pétrolières étaient pour partie budgétisées et pour partie hors budget, ce, conformément à une loi votée par l'Assemblée nationale. J'avais pris cette décision que tout le monde approuvait uniquement par souci d'éviter qu'au Cameroun, ne naissent un climat de faillite et de démobilisation préjudiciable au développement et de surprises dés-agréables que réservent parfois les fluctuations des prix, comme cela s'est vu dans la plupart des pays pétroliers. Les recettes pétrolières étaient alors gérées non pas par le Président de la République, mais par la société des Hydrocarbures dont le Directeur est à ma connaissance, toujours en place. Le Président du conseil d'administration de ladite société n'étant autre que le secrétaire général de la présidence de la République en l'occurrence M. Samuel Eboua de mon temps. Ce dernier, dont je connais l'intégrité morale, contrôlait régulière¬ment l'usage de ces recettes. Lesquelles étaient gérées en partie par la Banque Morgan aux Etats-Unis, en partie par la BNP en France et par la Bicic pour ce qui est au Cameroun. Tout cela était parfaitement connu de mes principaux collaborateurs, en particulier du premier d'entre eux, M. Paul Biya». Toujours s'agissant du pillage des caisses de l'Etat, il se racontait aussi que les hommes d'affaires peu scrupuleux avaient bénéficié de son «soutien pour de prêts bancaires importants qu'ils se sont peu souciés de rembourser». Sur ce sujet, le démenti d'Ahidjo était ferme: Tous mes anciens collaborateurs, à commencer par M. Paul Biya, savent qu'il n'en est rien. Ayant appris que des trafics malsains se développaient entre les banques et certains affairistes, j'avais convoqué plusieurs mois avant ma décision, une importante réunion regroupant autour de moi et en présence du ministre de la Justice, tous les responsables des banques établies au Cameroun... J'avais alors donné l'ordre à tous les banquiers présents de poursuivre les débiteurs auprès des tribunaux et j'avais dit au ministre de la Justice de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de faciliter l'action judiciaire contre tous les coupables. Et non pas seulement parmi les El Hadj du Nord comme on voudrait le faire croire...» La suprématie du parti sur l'Etat en question! Rumeurs et accusations se disputaient la vedette sur des sujets aussi divers que variés. C'est ainsi qu'on insinuait que les véritables rai¬sons ayant provoqué la rupture entre le Président Paul Biya et Ahidjo tenaient au fait que celui-ci aurait voulu mettre le Parti, l'Unc, au-dessus de l'Etat. Pour l'ancien Président, il s'agissait d'un projet qui devait être débattu au Comité central avant d'être présenté à l'Assemblée nationale. Ce qui n'était pas encore le cas. Car, précise-t-il «Si j'avais voulu que /e parti soit au-dessus du gouvernement, j'aurais pu entériner cette décision sans la moindre difficulté, avant ma décision de démissionner...Si j’ai voulu une démission par surprise avec installation de mon successeur dans les 48 heures, je l'ai fait au bénéfice exclusif de M. Paul Biya afin qu'aucune manœuvre, aucune intrigue, aucune compétition, rien, ne puisse gêner sa venue au pouvoir. Peut-être ne se souvient-il plus de l'état où il était quand je lui ai fait part de ma décision des déclarations de filial attachement et d'éternelle reconnaissance (et je ne dis que cela) dont il m'a gratifié. Usant des prérogatives que me reconnaissait, en tant que Président de l'Unc, les statuts et règlement intérieur du Parti, j'ai nommé M. Biya membre du comité central, dans le même temps, je lui ai donné tout pouvoir pour diriger le parti pendant mes absences ou empêchements. Tout cela, le jour même de ma démission et avant celle-ci». Ahidjo se confesse aux Camerounais pour s'être trompé sur l'homme Biya «J'aurais pu, si je l'avais voulu, ne rien dire, rester encore quelques temps à la tête du pays, procéder à un remaniement ou à la constitution d'un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre et ne démissionner qu'après. M. Biya serait rentré dans l'anonymat d'où je l'ai sorti pour le conduire à la tête de l'Etat, sans conquérir, lui qui était inconnu de l'immense majorité ou de la quasi- totalité des Camerounais, y compris ceux de son village, lui qui n'avait jamais reçu aucun mandat du peuple, pas même celui de conseiller municipal. Le Cameroun au¬rait continué son chemin. M. Biya et ses amis qui se comportent et parlent comme s'ils avaient été de tout temps des opposants déclarés et déterminés du régime que je présidais et qu'ils avaient triomphé et m'avaient chassé du pou¬voir! Je reconnais humblement m'être trompé sur la personne que j'avais estimée, protégée, comblée et portée tout seul à la tête de l'Etat. Mais cela est une autre histoire que mon propos n'est pas d'approfondir aujourd'hui. Je tiens quand même à remercier les Camerounais de s'y être trompés également en l'élisant, à ce qu'on dit avec 99,98% des voix. S'il est vrai qu'il en a été ainsi, ils me libèrent moralement de la culpabilité que je ressentais en me considérant comme le seul responsable. Il est vrai que beau¬coup disent, avec raison, que si M. Biya n'avait pas été en position de me remplacer constitutionnellement et si je ne l'avais pas installé en vertu des dispositions constitutionnelles que j'avais moi-même fait adopter, il n'aurait jamais eu la moindre chance de devenir Président de la République». Il s'agit d'une déclaration qui ne vient qu'à la suite d'autres révélations antérieures, notamment lors de sa démission lorsqu'il subissait des pressions sur le choix de son successeur. «Vous le savez aussi bien que mon successeur ne pouvait être que du sud, j’ai choisi le plus posé» il était loin de savoir qu’il s’est trompé sur la personnalité de Biya qui lui a été fidèle pendant plus de 20 ans. «Je l'avais pris, à la fin de ses études auprès de moi, dans l'équipe de mon cabinet. Je l'avais confié à un moment donné à M. Eteki Mbou¬moua, alors ministre de l'Education nationale, pour être son Directeur de cabinet. Puis je l'avais repris à mon cabinet, où il devait faire toute sa carrière. Quoi que je pense aujourd'hui de l'homme et de la grave erreur d'appréciation que j'ai commise le concernant, rien ne m'empêche de dire qu'il était sérieux, travailleur, pondéré et, selon toute apparence, dévoué. Je n'ignore pas que ses camarades du séminaire l'appelaient «Mademoiselle», ni que les ministres se plaignaient souvent de ce qu'il ne tranchait jamais un problème de quelque importance, si cela impliquait de prendre une responsabilité. Je me disais que, mis en situation et la fonction aidant, il, je le croyais sincèrement, pourrait devenir un Président conformément aux espoirs que je mettais en lui pour le plus grand bien du Cameroun. Comme il n'était pas du Nord, qu'il était chrétien, qu'il descendait d'une petite ethnie du Centre-Sud, il m'a semblé qu'il pouvait, plus facilement que d'autres, être un trait-d’union dans le pays que l'on ne m'accuserait pas de privilégier le Nord, de confisquer le pouvoir aux mains des hommes du Nord et de ma religion. Arrivé au poste suprême, l'homme ne mit pas longtemps à se dé¬couvrir, tel qu'en lui-même il était vraiment». La fameuse réunion du lac: l'entrée en matière pour le coup d'Etat? L'affaire commence comme une mauvaise blague «Mr Paul Biya, Président de la République, reçoit son Premier ministre M. Bello Bouba Maïgari. Ils s'entretiennent de tous les problèmes de leurs charges. Ils se quittent apparemment en confiance et bonne harmonie, Et c'est environ deux heures après cet entretien que le Premier ministre, à sa grande surprise, apprend par la radio nationale, l'émission de la mi-journée, qu'il venait d'être procédé à un remaniement». Pourtant ce sujet n'avait pas été effleuré pendant leur entretien. «Ce remanie¬ment touchait notamment le ministre secrétaire général de la Présidence dont les bureaux se trouvent à la Présidence de la République même. Il y avait travaillé toute la matinée jusqu'à 13 heures avec le Président et, c'est quelques minutes après, en arrivant à son domicile, qu'il apprenait par la radio la nouvelle de son départ du gouvernement». Un acte que Bello Bouba, en tant Chef de gouvernement avait considéré comme étant la preuve d'une absence totale de la confiance et d'estime du Président à son en¬droit. Par conséquent, il a «estimé que sa dignité lui recommandait de rendre son tablier. D'autres ministres qui avaient aussi des raisons de penser qu'ils ne bénéficiaient eux non plus de l'estime, ni de la confiance du Président, voulaient également démissionner. D'où leur décision de se concerter avant de mettre leur projet à exécution, de venir m'en parler en tant que président de l'Unc». Après réflexion, Ahidjo dit avoir «envoyé un message au Premier ministre leur recommandant de ne pas démissionner pour éviter d'ouvrir une crise qui aurait pu être préjudiciable aux intérêts du Cameroun». A côté de la réunion à laquelle ont participé certains officiers du Nord qu'on qualifiait à cette époque de subversion, on semble oublier que le commandant Abdoulaye avait rappelé «devant le tribunal sans qu'on lui ait opposé le moindre démenti, que deux réunions similaires regroupant des officiers de l'ancienne province du Centre-Sud (province dont M. Biya est originaire) s'étaient tenues au bureau et au domicile du général Semengue sans qu'on y ait trouvé à redire(... ) Le cas du général Pierre Semengue mérite qu'on s'y arrête un peu, car il est éclairant. Le général Semengue avait ordonné, alors qu'aucune circonstance ni aucune raison ne le justifiait, une marche des troupes de différentes garnisons du territoire sur Yaoundé. Et cela, non seulement sans l'autorisation du ministre des Forces armées, mais à l'insu de ce dernier, en violation flagrante des règles impérieuses régis¬sant tout déplacement de troupes au Came¬roun... » Ahidjo n'a jamais été en fuite «C'est le tribunal spécial qui l'affirme, sans craindre, semble-t-il, de sombrer dans le ridi¬cule. J'ai en effet quitté le Cameroun le 19 juil¬let (1984) dernier pour venir en France suivre un traitement médical et me reposer. M. Biya savait si bien où j'étais et comment me trouver qu'il m'a dépêché, pendant que j'étais encore à la cli¬nique, dans le Midi, un membre de son cabinet, chargé de mission à la présidence de la Répu-blique, pour m'apporter une lettre. Je suis en fuite et j'ai quitté le Cameroun normalement avec un passeport diplomatique et des visas en règle, ainsi qu'une partie du personnel civil et militaire à mon service, personnel payé par le gouvernement camerounais. Depuis que je suis en France, certains d'entre eux sont rentrés au Cameroun, d'autres sont venus les remplacer, ils ont été mis en route par le gouvernement ca-merounais avec feuille de route officielle, visas.., et leurs salaires régulièrement payés par le Cameroun. Je suis en fuite, mais l'am-bassade du Cameroun en France sait où me joindre. Je suis en fuite et ai cependant, de Dakar où j'étais, envoyé au mois de janvier 1984 un télégramme à M. Paul Biya pour protester contre la violation de mon domicile de Garoua sans aucun mandat l'autorisant. Je suis en fuite et le président Abdou Diouf a eu l'occasion de dire à Biya que j'étais à Dakar depuis le 1er novembre 1983. Vous le voyez, la stupidité le dis¬pute au grotesque. M. Paul Biya lui, après avoir monté son affaire, quitte subrepticement le Ca¬meroun quelques jours avant l'ouverture du pro¬cès pour se réfugier dans les montagnes de Suisse et attendre en Europe, le déroulement des choses. On peut poser la question: qui de nous deux a fui»? «Faire assassiner Biya! Plus j'y réfléchis et plus je découvre à quelles aberrations le dé¬sarroi et la peur peuvent conduire. M. Biya croit-il seulement à cette ineptie» ? A en croire les propos d'Ahidjo, en faisant de M. Paul Biya membre du comité central et vice-pré¬sident du parti, il lui avait donné tout pouvoir pour le remplacer et diriger le Parti en cas d'ab¬sence ou d'empêchement. «Je lui avais dit que le Président, étant élu par le congrès, je quitte¬rais la présidence à son profit avant le congrès prochain. Ma surprise a été grande, dans ces conditions, de recevoir de M. Biya, alors que j'étais à la clinique à Nice et qu'il avait tous les pouvoirs, une lettre par laquelle il me demandait de lui abandonner la présidence de l'Unc. Je lui répondis que ce problème qui n'en était pas un en réalité si l'on veut bien se reporter à ce que je viens de répéter ne concernait pas que moi et que, aucun péril ne menaçant, nous en déci¬derons ensemble dès mon prochain retour au pays. C'est après la réception de ma réponse que mon aide de camp, Salatou, a été arrêté. Quant au commandant Ibrahim, il fut inquiété et se vit retirer son passeport. Quelques jours après,il est arrêté. «C'est 'ainsi que tout avait déjà été préparé. Avant même qu'ils aient été in¬terrogés, un document qu'ils n'avaient plus qu’à signer était déjà établi» (...) Quant à moi c’est par la presse intemationale.et par des témoins qui me l’ont rapporté que j’ai appris que j’étais l'objet, comme inculpé, du procès qui se dérou¬lait à Yaoundé. Je n'ai jamais été avisé de l'ouverture d'une information me concernant. Je n'ai non plus jamais reçu, notification de la moindre citation à comparaître (...) et l'on prétend me juger en arguant que je suis en fuite! Mieux en¬core, l'avocat commis d'office pour assurer ma défense, le bâtonnier Black Yondo, a reçu l'avis de sa désignation le 22 février, veille de l'ouver¬ture du procès! (Le Monde 29/02/84). Et «Le Monde» qui relate ces faits ajoute: «Etant dans l'impossibilité de vérifier les conditions de la contumace, il a demandé - sans succès -le ren¬voi du procès». Tout est clair. Qu’il y a eu un complot, un complot contre Ahidjo et probable¬ment aussi contre le Nord Cameroun » Comment est-on arriva là ? Pour Ahidjo, le cli¬mat s'était bien détérioré entre M. Biya et lui à la suite de plusieurs frictions. Il était question pour son successeur qui avait peur de son pouvoir de le sauvegarder pour ne pas le perdre. «II lui fal¬lait, a-t-il cru, coûte que coûte, trouver quelque chose d'assez énorme pour provoquer un choc, soulever le peuple d'indignation et le mobiliser son profit en le faisant apparaître comme l'inno¬cente victime d'une monstrueuse machination. L'opération, du même coup, grâce au choc et à l'ambiance ainsi créés, lui permettait de se sai¬sir complètement du parti et d'asseoir son pou¬voir en m'éliminant, comme lui recommandaient sans cesse certains de ses conseillers politiques et occultes. Faire assassiner Biya ! Plus j'y ré¬fléchis et plus je découvre à quelles aberrations le désarroi et la peur peuvent conduire. M. Biya croit-il seulement à cette ineptie ? Admettre que je sois l'homme à vouloir cela est une injure quelconque. Même en admettant cette hypo¬thèse, comment expliquer qu'un homme, qui n'est peut-être pas plus intelligent qu'un autre, mais qui n'est pas habituellement tenu pour un parfait idiot, qui connaît un peu le Cameroun, son pays, et l'a gouverné pendant 25 ans, s'y prenne de façon aussi enfantine, improvisée ri¬dicule? La véritable raison selon Ahidjo et que a par¬venu au pouvoir, M. Biya ne courait pas d'autres risques que ceux inhérents à sa charge et n'était pas plus menacé que les autres chefs d'Etat, ses pairs. La vérité, je l'avais dite dans la seule déclaration que j'ai faite depuis le début de la rupture entre M. Biya et moi. Certains ont trouvé mon propos excessif J'ai parlé des phobies des complots et d'assassinats. J'aurais dû dire han¬tise. Mais depuis, les choses n'ont fait que croître. Tout le monde reconnaîtra que nous sommes maintenant réellement en pleine phobie pour employer un euphémisme. Une véritable psychose en tout cas. M. Paul Biya est littéralement tenaillé par la peur morbide de perdre le pouvoir et, depuis qu'il a monté son coup, par celle d'être assassiné. C'est dommage, car chacun sait à quels actes irresponsables sont conduites les personnes atteintes de ce mal. Une preuve supplémentaire de la panique dans laquelle vit M. Biya, je l’ai trouvé dans la réforme constitutionnelle à laquelle il vient de procéder quant aux modalités de remplacement du président de la République en cas- de vacance sur-venant en cours de mandat. Comment quelqu'un qui vient de se faire élire, étant déjà président et exerçant pleinement la fonction avant et pendant les élections, peut-il trouver la chose inacceptable quand il s'agit d'un autre ? Pourquoi ce qui est bon pour lui ne le serait-il pas pour un autre, notamment pour le président de l'Assemblée nationale assurant l'intérim pendant la vacance, interdit lui, de candidature ! Parce qu'il croit s'être ainsi protégé contre la perte du pouvoir et la perte de la vie. » Voilà autant d’éléments qui viennent apporter la lumière sur ce qui a alimenté les ragots dans les chaumières pendant des années. Il s'agit bien d'un retour sur l’histoire du Cameroun qui mérite d’être connu afin que nul n'en ignore.




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