A quelques semaines de la rentrée scolaire 2015/2016, l’épineuse question des manuels scolaires était au centre d’un forum tenu à Yaoundé ce lundi août 2015 et réunissant autour d’une même table les éditeurs, libraires et les pouvoirs publics. La sélection des ouvrages et les prix pratiqués étaient au menu de ces échanges nourris entre professionnels et acteurs du livre scolaire au Cameroun ainsi réunis pour la première fois d’après la Crtv.
« La filière scolaire« plus proche du fric que de l’éthique », pour reprendre l’expression du reporter de la radio nationale, la Crtv qui a pris part à ces travaux au terme desquels les acteurs majeurs de la filière du livre scolaire n’ont pas caché leur mécontentement et leur indignation face au laissé-allé qui règne dans ce secteur pourtant à la base du « système éducatif » camerounais… s’il existe.
Ainsi, pour le Prof. Marcelin Mvounda Etoa, enseignant d’université, éditeur et patron des éditions Clé au Cameroun, « Il y a des gens qui écrivent des livres, le lendemain, le livre est dans les salles de classe avant d’avoir atteint les librairies. », sous entendant que ces ouvrages par une alchimie quelconque, réussissent à atterrir dans les cartables des élèves et le paquets minimum des établissements scolaires à travers le pays sans passer devant une commission pour appréciation avant validation.
Pour madame Yéné Monique, expert au sein de la commission nationale de validation des manuels scolaires, les éditeurs véreux usent au quotidien de ruses pour contourner la loi. « Les éditeurs nous présentent des livres très bien faits. Mais il semble qu’avant de venir nous présenter le livre, ils l’ont fait tirer en plusieurs copies, au point ou les sept exemplaires qu’ils nous présentent sont très bons, alors que ce qui est sur le marché se révèle être … les mots me manquent. »
« Le verre est dans le fruit, et je crois qu’il l’a suffisamment rongé. Il faut que le livre scolaire puisse être véritablement un livre qui est expurgé de tous ces éléments qui le dégradent dans notre environnement. », a pour sa part déclaré Jean Claude Awono, éditeur et président de "la ronde des poètes du Cameroun".
Les participants au terme du forum ont recommandé au gouvernement, la mise hors-jeu des « libraires de saisons » pour la rentrée scolaire au Cameroun, mais surtout un suivi rigoureux des prix sur le terrain afin d’éviter les surenchères.
Un marché très juteux mais sinueux
134 milliards de FCFA, c’est le montant que représente en moyenne le marché du livre scolaire chaque année au Cameroun. On comprend donc aisément que dans ce milieu, la corruption, les coups bas, la tricherie, la mafia et ses pratiques peu orthodoxes aient été érigés en règle ; tandis que l’éthique, la déontologie et le respect des lois sont inscrits dans le registre des exceptions parfois au choix des uns et des autres.
Autrefois dominé par les multinationales du livres comme l’éditeur Mac Millan qui à durant presque une décennie réussi à imposer comme seul livre d’anglais au secondaire son fameux best-seller « Go for English », le gouvernement a fini par tendre une oreille attentive aux éditeurs locaux à qui la chance a été donné de produire des manuels scolaires de qualité.
Mais à l’observation, quasiment aucun livre scolaire produit au Cameroun, à l’exception de ceux de l’éditeur Afredit, ne rivalisent en qualité voir en contenu avec les livres venus d’outre-mer. Corrompus dans l’âme, les éditeurs camerounais, réunis au sein d’associations ou de groupuscules comme ASVA Education qui a réussi à se tailler une part importante du gâteau sans forcément donner satisfaction.
Dans les livres au programme proposés par certains éditeurs, on remarque des fautes à n’en plus finir, l’usage de la bichromie pour imprimer les livres scolaire avec l’usage du noir et des variantes de Cyan, de magenta, de violet, de bleu, etc ; une qualité d’impression brouillon, des dessins ou images difformes et pas du tout réalistes sans la moindre notion de proportions ou de symétrie, voire des inepties comme une exercice du livre dit « cahier d’activité » renvoyant pour la correction à une page du livre y relatif mais qui ne correspond pas une fois à l’intérieur. Que dire des incongruités comme le choix par des éditeurs camerounais, ASVA Education par exemple ‘Cf. image de l’article), de mettre en couverture de « Les MAJORS en Mathématiques » pour la maternelle (Grande section, 5/6 ans) un chat et un singe en train d’effectuer des calculs. Il est vrai une certaine théorie tend à rapprocher l’homme de la bête… mais quand même !
Difficile en effet de croire qu’à 5/6 ans, un enfant puisse s’expliquer la présence sur la couverture principale de son livre, de deux animaux en train de faire de la mathématique, en lieu et place de deux jeunes et beaux enfants bien souriants, par exemple. Et il ne s’agit là que de la partie visible d’un iceberg dénommé livres scolaires made in Cameroon.
Patrick Dongo