Cameroun - Pr Albert Mbida: «Toute la génération androïde doit aller en prison»

Par Pierre Arnaud NTCHAPDA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 29-Nov-2017 - 12h22   11924                      
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Albert Mbida Archives
Le spécialiste des questions en rapport avec le droit des médias était l’invité du journal de 13 heures du Poste national de la CRTV le 28 novembre 2017. L’ancien journaliste de la CRTV se montre alarmé par le phénomène des fuites de documents confidentiels qui se retrouvent sur les réseaux sociaux et dans la presse. Dans l’interview qui suit, l’ex inspecteur général du ministère de la communication s’emploie à identifier l’origine des fuites et suggère des solutions pour les enrayer.

Des textes officiels et confidentiels dans les réseaux sociaux, le secret d’Etat est dans la rue…

Oui effectivement le secret d’Etat est dans la rue. Cela est dû à la pauvreté ambiante. Parce qu’il y a un certain nombre de personnes qui vendent ces informations à des journalistes ou à des personnes qui ne devaient pas en avoir connaissance. Mais cela et aussi dû à un manque de conscience professionnelle. Je pourrais même dire à l’inconscience professionnelle. Il y a une absence de formation des fonctionnaires à la déontologie administrative et à la méconnaissance des droits et obligations qui sont contenus dans le statut général de la fonction publique. Pour le cas d’espèce il s’agit tout simplement des gens qui violent l’article 41 du statut général de la fonction publique qui dit exactement que tout fonctionnaire doit faire preuve de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits, information ou documents  dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Le fonctionnaire ne peut  être délié de cette obligation que par une décision de l’autorité dont il relève. Par ailleurs tout  détournement, toute soustraction de pièces ou documents de services sont formellement interdits. Il en est de même de leur communication ou de leur reproduction. Je suis sûr que les ¾ des fonctionnaires ne savent pas qu’il existe cet article 41 du statut général  de la fonction publique et peut-être aussi l’article 310 du code pénal.

Au rythme où décrets, arrêtés, décisions et autres documents sont piratés les  patrons doivent-ils désormais se méfier  de leur entourage ?

Il faut se méfier de tout le monde, même de soi même ! Parce qu’on ne sait jamais d’où la fuite peut provenir. Vous vous souvenez qu’il y a des gens qui ont été trahis par leur entourage comme on dit. Comment pouvez-vous imaginer que le discours du président de la République se retrouve sur les réseaux sociaux avant qu’ils ne soient lus ? Non ça veut dire qu’il y a quelqu’un qui a mal utilisé les nouvelles technologies que nous avons actuellement pour copier et pour balancer ça sur les réseaux sociaux. Et ce n’est même pas tout ! Vous vous souvenez de cette instruction du ministre délégué à la présidence chargé de la défense donnant des orientations pour protéger la capitale Yaoundé. Une femme, capitaine de son état, a osé balancer ça dans la presse. Non ! Quand ça va déjà chez les militaires ça commence à être inquiétant. Partager un document publié sur Internet c’est aussi violer la loi. Si ce document était confidentiel, il faut qu’on sache qui a mis ce document sur le net. Nos ingénieurs de Camtel, du ministère des télécommunications, nos ingénieurs de l’ANTIC, sont capables de nous dire qui a mis le document sur le net. Quand il se trouve donc publié il y a  violation de la loi. Vous appliquez les dispositions de l’article 152 du Code pénal parce que vous avez déjà fait acte de publicité et ensuite on peut également vous poursuivre soit pour violation du secret professionnel pour la fonction publique soit alors vous appliquer les dispositions plus rigoureuses de l’article 310 du code pénal. Mais vous aussi journalistes, directeurs de publication qui l’avez rendu encore public aux yeux de tout le monde vous courez aussi un risque en vertu des dispositions de l’article 74 de la loi sur la communication sociale puisque l’auteur et le directeur de publication sont considérés comme auteurs principaux des infractions de communication sociale.

A cette allure toute la génération androïde finira en prison !

Entre deux maux on choisit le moindre. Je crois que toute la génération androïde doit aller en prison. Je suggèrerais modestement que : 1) dès qu’il y a une fuite d’information comme celle-là qu’on essaie de retrouver les auteurs dans l’administration. Deuxième chose si ces informations ont été publiées par  la presse, qu’on poursuive ces journaux pour non pas violation de secret professionnel, mais complicité de violation de secret professionnel soit alors pour complicité de recel de violation de secret professionnel. Et là on leur applique les dispositions de l’article 310 du Code pénal qui punit d’un emprisonnement de 3 mois à 3 ans et d’une amende de 20 000 (vingt mille) à 100 000 (cent mille) Francs celui qui révèle sans l’autorisation à qui il appartient un fait confidentiel qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de sa fonction.

A l’heure de l’économie du partage et  de la fuite des données que peut le Cameroun là où les grandes puissances sont quasiment dans le blackout ?

Le Cameroun a des ingénieurs qui sont formés, qui peuvent donc prendre toutes les mesures qui s’imposent pour être à la hauteur des grandes puissances sur ce plan-là.

Propos recueillis par

la CRTV Poste national

Retranscrits par Pierre Arnaud Ntchapda     

 

Auteur:
Pierre Arnaud NTCHAPDA
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