Dans un document confidentiel qui a fuité sur les réseaux sociaux, Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République, répercute les hautes directives du Chef de l’Etat, au ministre de la Justice, Garde des Sceaux, pour l’arrêt des poursuites judiciaires engagées contre Basile Atanga Kouna, ancien ministre de l’Eau et de l’Energie.
Dans ce document signé le 2 décembre 2020, il est indiqué au Garde des Sceaux, d’en informer le président du Tribunal criminel spécial, le Procureur général près dudit tribunal, et le ministre des Finances, en vue de la mise en œuvre des modalités pratiques de reversement au Trésor public du corps du délit, cantonné dans les comptes bancaire de Basile Atangana Kouna.
Cette décision du Président Paul Biya est diversement appréciée par de nombreux avocats. Pour Me Nicodemus Amungwa, membre du conseil des leaders et militants séparatistes incarcérés à la prison de Yaoundé-Kondengui, c’est un acte légal du chef de l’Etat.
«L’article 8, alinéa 7 de La constitution du 18 janvier 1996 donne les pleins droits au président de la République d’exercer les droits de grâce après avis du Conseil supérieur de la Magistrature. En tant qu’avocat, je me demande si ce Conseil a été consulté pour cet avis. C’est un acte légal qu’on ne peut lui contester. Il faut retenir qu’il a exercé l’arrêt des poursuites pour les Ambazoniens; il en a été de même pour Maurice Kamto et les siens. Même parmi les putschistes du 6 avril 1984, il y a certains qui ont été graciés. C’est donc son droit de le faire. La Constitution donne les pleins droits à Mr Paul Biya de gracier Atangana Kouna, en dépit du fait qu’il devait avoir un emprisonnement à vie s’il était coupable devant le tribunal», soutient-il dans une réaction relayée dans les colonnes du quotidien Le Messager édition du 1er février 2021.
Un avis que ne partage pas Me Emmanuel Simh, avocat au barreau du Cameroun et Vice-président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun. Pour lui, «la question que pose cet acte du président de la République, chef de l’Exécutif, est celle de la séparation des pouvoirs au Cameroun. Ce n’est pas sans précédent. C’est le président de la République qui décide de qui sera poursuivi, de qui bénéficiera de l’arrêt des poursuites, de qui va en prison ou qui en sort. On se souvient encore du Ministre Bapes Bapes qui fut mis en détention provisoire par un juge d’instruction et remis en liberté le lendemain par Paul Biya. La justice camerounaise n’a donc aucune indépendance, s’agissant des affaires d’Etat. Je dis bien aucune. Elle n’est même pas en mesure de donner l’illusion de l’indépendance. Je me demande toujours ce que nos juges ont fait de leur serment: rendre la justice sans crainte ni faiblesse», affirme l’avocat.