L’article premier de la loi n°91/022 du 16 décembre 1991, dans son aliéna 1 indique : «La présente loi porte réhabilitation de grandes figures de l'histoire du Cameroun, aujourd'hui disparues, qui ont œuvré pour la naissance du sentiment national, l'indépendance ou la construction du pays, le rayonnement de son histoire ou de sa culture.» L’alinéa 2 détermine les personnalités concernées par cette disposition règlementaire, à savoir, Ahmadou Ahidjo, Ruben Um Nyobè, Félix Moumié et Ernest Ouandié. Et selon l’article 3, alinéa 1 : «Le transfert des restes mortuaires au Cameroun des personnes citées à l'article 1er ci-dessus, inhumées à l'extérieur du territoire national, peut s'effectuer à la demande de la famille ou du de cujus, sous réserve de la dernière volonté du défunt et conformément à la législation du pays d'inhumation.» L’alinéa 2 de cet article se veut un peu plus précis sur les conditions de transfèrement de la dépouille mortuaire : «Les frais occasionnés par ledit transfert sont à la charge de l'État.»
Les juristes rencontrés par La Météo sont unanimes sur le fait qu’à travers cet acte, le président de la République manifeste sa volonté d’offrir particulièrement des obsèques officielles à son illustre prédécesseur. «Paul Biya qui est un praticien du droit, entend juste rester légaliste, non seulement en respectant la législation du pays où le corps se trouve, mais aussi et surtout respecter les volontés testamentaires du défunt, que seule la famille maîtrise. Au regard du droit, le corps appartient à la famille et c’est à elle qu’il revient de faire exécuter sa dernière volonté» soutient Me Ngoupa, avocat au barreau du Cameroun. Paulain Mbida, doctorant en science politique, quant à lui cite en exemple Charles de Gaulle qui avait prévu le déroulement de ses obsèques dans un document rédigé par ses soins et remis à trois personnes seulement, son fils Philippe, son gendre Alain de Boissieu et son chef de cabinet d’alors, Georges Pompidou. La cérémonie, avait écrit le général, doit être extrêmement simple, ni président, ni ministre, ni bureau d’assemblée, ni corps constitué ne doivent y assister. En novembre 1970, cette volonté a été scrupuleusement respectée par le protocole d’État en France, à la demande de la famille.
À l’observation en ce moment pour ce qui est du Cameroun, des tractations seraient avancées pour un rapprochement entre la famille Ahidjo et les pouvoirs publics camerounais. D’ailleurs, le fils aîné du premier chef de l’État, Badjika, est ambassadeur itinérant alors que la cadette des filles, Aminatou, est à la charge des autorités de Yaoundé depuis au moins trois années.
Querelle d’égo.
Seulement, l’on s’interroge sur l’opportunité de la présidence de la République à publier en ce moment cette loi signée en 1991. Selon des indiscrétions, avec l’annonce de l’arrivée de François Hollande au Cameroun, des lobbys s’activeraient pour que la question du rapatriement des restes du président Ahidjo soit évoquée lors du tête-à-tête entre les deux chefs d’État. Ces activistes de l’ombre partagent le même point de vue que Germaine Ahidjo, veuve du premier président camerounais. Ils soutiennent que la dépouille du prédécesseur de Paul Biya n’appartient pas à la famille, mais fait partie du patrimoine de l’État. De ce fait, pensent-ils, l’initiative de rapatrier le corps d’Ahmadou Ahidjo appartient aux autorités de Yaoundé. M. Mbida estime que c’est un peu trop demander à Paul Biya. «Qu’est-ce que le chef de l’État devrait faire, abroger la loi de 91 ? Ou alors la contourner ?», s’interroge-t-il. Le doctorant conclut : «Mobutu est mort au Maroc. Idi Amin est décédé en Arabie Saoudite. Jean Bedel Bokassa a rendu l’âme en France… Ce sont des personnages qui, à un moment, ont joué un rôle important dans leur pays. Mais, il n’y a pas autant de polémique autour du rapatriement de leur corps. Mais au Cameroun, on en fait un problème d’État. Et au plus fort de ce débat, personne ne fait autant de publicité sur la réhabilitation du tout premier chef du gouvernement, André Marie Mbida», conclut-il.
René Atangana
Loi n°91/022 du 16 décembre 1991 portant réhabilitation de certaines figures de l'histoire du Cameroun
Article 1er.- (1) La présente loi porte réhabilitation de grandes figures de l'histoire du Cameroun, aujourd'hui disparues, qui ont œuvré pour la naissance du sentiment national, l'indépendance ou la construction du pays, le rayonnement de son histoire ou de sa culture.
(2) En application des dispositions de l'alinéa (1) ci-dessus, sont réhabilités : MM. Ahmadou Ahidjo, Um Nyobé Ruben, Moumié Félix, Ouandié Ernest.
Article 2.- La réhabilitation visée à l'article 1er ci-dessus a pour effet de dissiper tout préjugé négatif qui entourait toute référence à ces personnes, notamment en ce qui concerne leurs noms, biographies, effigies, portraits, la dénomination des rues, monuments ou édifices publics.
Article 3.- (1) Le transfert des restes mortuaires au Cameroun des personnes citées à l'article 1er ci-dessus, inhumées à l'extérieur du territoire national, peut s'effectuer à la demande de la famille ou du de cujus, sous réserve de la dernière volonté du défunt et conformément à la législation du pays d'inhumation,
(2) Les frais occasionnés par ledit transfert sont à la charge de l'État.
Article 4.- Sur proposition du gouvernement ou de l'Assemblée Nationale, le bénéfice des dispositions de la présente loi peut être étendu à d'autres personnes répondant aux critères énoncés à l'article 1er ci-dessus.
Article 5.- La présente loi sera enregistrée et publiée suivant la procédure d'urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en Anglais.