Dans la sortie de librairie qu’il vient de commettre, le Professeur Ambroise Kom revient sur cette affaire, dans un ouvrage où l’autobiographie côtoie le témoignage, l’essai sur la subjectivité en contexte postcolonial et le traité sur la problématique du développement sur fond d’héritage colonial, dans ce qu’il conviendrait d’appeler les « sociétés de pénurie. »
De prime abord, ce qui frappe le lecteur c’est la candeur avec laquelle Ambroise Kom parle de son humble extraction et de ses années de formation, marquées par les turbulences d’une indépendance acquise dans la douleur. Dans nos sociétés où les éléments de la bourgeoisie de mémoire récente n’ont de cesse de passer pour des « gentilshommes », ce retour candide sur sa jeunesse ne saurait être anodin. L’auteur s’arrête ensuite sur la période où il fit ses classes, avant de s’appesantir sur l’objet même de l’essai, l’Université des Montagnes, dont il relate les péripéties de la création avant de donner sa vision des défis et écueils qui se dressent devant elle aujourd’hui.
L’on découvre ainsi que cet ambitieux projet se situe dans le prolongement d’un parcours académique et intellectuel aiguillonné par une passion pour le pays qui a vu naître son auteur, et une philosophie du développement endogène tout en étant poreuse aux expériences d’ailleurs. Comme l’indique son titre, Ambroise Kom fait le bilan de son action au service de l’UdM et, contexte oblige, solde les comptes avec certains des partenaires avec qui il a cheminé depuis la ferveur intellectuelle et associative qui les fédéra d’abord, les conduisit ensuite à formuler le projet puis porter sur ses fonds baptismaux la première université privée laïque du Cameroun. L’auteur estime que l’Université des Montagnes est à la croisée des chemins, et attire l’attention sur la crise de gouvernance qui est à l’origine de sa mise à l’écart.
Même si ce n’est pas sans amertume qu’il parle de ses états de service, au fil des pages, le lecteur apprend que l’UdM n’était pas pour Ambroise Kom une fin en soi, mais plutôt une sorte de mise à l’épreuve d’une philosophie du développement nourrie de l’expérience d’une vie couvrant trois continents, et d’un sens aigu des urgences des sociétés qui demeurent prises dans les restes de ce que Achille Mbembe nomme « l’imaginaire colonial. »
Somme toute, l’Université des Montagnes apparaît, au travers de ce récit, comme une belle aventure, dont l’expérience pose la question cruciale du mécénat et de l’initiative privée et/ou associative, dans un contexte marqué par la fin des illusions de l’état-providence. Il faut donc saluer cette contribution sur l’UdM qui, dépassant son objet, initie une réflexion sur soi qui est, in fine, un appel au dépassement de soi. Tout un programme, dans nos sociétés où, même nantis, le sujet semble vivre sous la hantise du retour de la disette.
Ramon Abelin Fonkoué
Michigan Technological University, USA