Le nombre de condamnés à mort dans les prisons camerounaises se situe aujourd’hui entre 200 et 235 personnes. Ces chiffres ont été donnés par le Réseau des avocats camerounais contre la peine de mort (RACOPEM), à l’occasion de la 15ème journée mondiale contre la Peine de mort célébrée ce mardi 10 octobre 2017. Il s’agit des statistiques en nette augmentation favorisées par le phénomène Boko Haram dans l’Extrême-Nord du pays. « Le phénomène du terrorisme de Boko Haram a permis d’avoir une recrudescence de condamnation à mort dans l’extrême-Nord… Donc, la plus forte concentration des condamnations à mort aujourd’hui relève de l’Extrême-Nord, devant les juridictions militaires », a expliqué Maitre Sandrine Dacga Djatche, avocat au barreau du Cameroun et du Nigéria, membre du Racopem. En dehors de l’Extrême-Nord qui concentre la majorité des prisonniers condamnés à la peine capitale, l’on dénombre 22 autres cas à la Prison centrale de Yaoundé-Kondengui et environ 21 dans toute la région de l’Ouest. A Douala et dans plusieurs autres villes du Cameroun, des condamnés à mort ont vu leurs peines être revues plus tard tandis que d’autres ont bénéficié de la grâce présidentielle.
Mais la question qui préoccupe à l’occasion de cette 15ème célébration est celle de savoir comment permettre à ces personnes vouées à la plus lourde peine de prison, généralement pauvres, de jouir d’un procès équitable. C’est ce qui justifie d’ailleurs le choix du thème retenu par la coalition mondiale contre la peine de mort à savoir : Pauvreté et justice : un duo mortel. « On s’est rendu compte que de par le monde, les personnes qui sont de plus en plus confrontées à des procédures judiciaires qui conduisent à la peine de mort comme sanction sont des personnes défavorisées, des personnes venant des milieux difficiles et qui dès lors, n’ont pas la possibilité de s’octroyer des moyens et même des capacités aptes à leur permettre d’être dans un procès équitable et juste. Parce que déjà, procès équitable veut dire moyens de défense égaux avec l’accusation ; procès équitable veut dire assistance par un technicien de droit ; procès équitable veut encore dire, du temps matériel, intellectuel et financier pour assurer sa défense lors d’un procès qui peut conduire à une condamnation à mort », a indiqué Maitre Nestor Toko, avocat au barreau du Cameroun et président du réseau des avocats camerounais contre la peine de mort (RACOPEM).
Enquête parallèle
Pour assurer efficacement la défense de leurs clients condamnés à mort, Maitre Sandrine Dacga Djatche au cours d’un échange tenu ce mardi 10 octobre 2017 à Douala, a recommandé à ses confrères de faire généralement recours à une enquête parallèle. « L’enquête parallèle est une question qui n’a pas toujours été intégrée dans la stratégie de défense des avocats qui accompagnent ou qui assistent les personnes susceptible de la condamnation à mort devant les juridictions alors même que c’est une question qui, lorsqu’elle est bien menée, lorsqu’elle est bien comprise et lorsqu’elle est mise en exergue, permet de peaufiner une bonne stratégie de défense, permet d’asseoir la défense de son client et lui éviter ainsi des surprises désagréables et désastreusement irréversibles, à savoir : la condamnation à mort », explique-t-elle. Cette mission peut être assurée à la fois par les avocats, les journalistes, les activistes des Droits humaines, les organismes internationaux, les Organisations non gouvernementales, les universitaires et même les détectives privés. Elle permet selon notre interlocutrice de « fragiliser l’accusation et de trouver les failles de l’accusation, d’asseoir la défense même de son client, mais également chercher des éléments pertinents qui si la culpabilité du client est retenue, permettront d’obtenir une peine moindre, c'est-à-dire, permettront d’évoquer des circonstances atténuantes pour lui ».
Le Cameroun fait partie des 54 pays qui conservent encore la peine de mort dans leur arsenal juridique. Mais la dernière exécution sur le triangle national remonte à 1997, ce qui range le Cameroun parmi les pays abolitionnistes de fait. Mais la plupart des techniciens du droit militent pour son retrait pur et simple du dispositif juridique du pays.