Cameroun : Dos au mur au sujet du FCFA, la France réagit: «le franc CFA n’est pas une monnaie imposée par la France et chaque pays est libre de quitter la Zone franc»

Par Adeline ATANGANA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 16-Feb-2019 - 12h54   12884                      
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Photo de billets de Francs CFA, prise le 12 septembre 2017. AFP/Archives/ISSOUF SANOGO
Le ministère français des Affaires étrangères contre-attaque après les offensives africaines, italiennes et allemandes qui accusent l’hexagone d’appauvrir le continent noir au travers du FCFA.

400 milliards d’euros, près de 260 mille milliards de FCFA. Ce montant faramineux, est la somme que les Etats africains de la Zone franc, versent à la France chaque année à travers un mécanisme monétaire d’exploitation. L’affirmation est d’un journal économique allemand. Cette accusation survient peu de temps après les accusations italiennes du même ordre qui ont fini par créer un incident diplomatique entre Rome et Paris.

Les dénonciations faites par ces grands pays européens apportent de l’eau au moulin de certains africains qui estiment depuis longtemps que le franc CFA, une monnaie datant de l’époque coloniale, retarde le développement du continent noir et maintient sous tutelle française, les 14 pays de la Zone franc…

Face à ces accusations, le Ministère français des Affaires étrangères se défend à coups d’arguments, mais vite balayer d’un revers de main par l’opposition.

En substance, le Quai d’Orsay, fait savoir que « la France n’a pas de place prépondérante dans la gouvernance de la Zone franc. Essentiellement africain, le système préserve l’équilibre et la souveraineté des États de la Zone franc. La France ne participe pas à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques communes ».

Le gouvernement d’Emmanuel Macron fait également savoir que, contrairement à une idée répandue, le franc CFA n’est pas une monnaie imposée par la France. « Chaque pays est libre de quitter la Zone franc de manière temporaire (comme l’a fait le Mali) ou définitive (comme la Guinée, la Mauritanie et Madagascar) » explique la communication du Ministère des Affaires étrangères qui indique par ailleurs que le franc CFA ne freine pas le développement de l’Afrique.  

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Ci-dessous, la réaction de la France publiée le vendredi 15 février 2019 par son ministère des Affaires étrangères.

 

Le franc CFA est la monnaie commune aux États de la Zone franc. Fondée sur une volonté de garantir une plus grande stabilité monétaire et financière, la Zone franc regroupe 14 pays d’Afrique occidentale et centrale ainsi que les Comores. 
Le franc CFA suscite parfois des questions, et peut faire l’objet de nombreuses contre-vérités.

 

Retour sur les questions fréquemment posées.

 

La Zone franc, qu’est-ce que c’est ?

La Zone franc a été créée à la fin des années trente, à la veille de la Seconde guerre mondiale. 
Elle regroupe 14 pays d’Afrique occidentale et centrale ainsi que les Comores, liés par une politique de coopération monétaire. Elle a pour but d’assurer une stabilité financière à ses membres. 
Elle est constituée de trois ensembles économiques régionaux indépendants qui disposent chacun d’une banque centrale et entretiennent des liens privilégiés :

  • la zone des États membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) qui rassemble le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte-d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Togo et le Sénégal ;
  • la zone des États membres de l’Union monétaire d’Afrique centrale (UMAC) qui rassemble le Cameroun, le Tchad, la Centrafrique, le Congo, le Gabon et la Guinée équatoriale ;
  • les Comores qui utilisent le franc comorien.

Comment fonctionne la Zone franc ?

Elle repose sur 4 principes majeurs :

  • Le franc CFA a une parité fixe avec l’euro (le taux de change n’a pas évolué depuis 1994 : 1 € = 655,957 FCFA).
  • Le franc CFA peut être converti de manière illimitée en euros par la France. Comme toute autre monnaie, le franc CFA est librement échangeable à tout moment contre de l’or ou une autre devise étrangère. La France s’est engagée à faire face à toute demande de conversion. Par exemple, si un État de la zone Franc ne peut pas assurer le paiement en devises de ses importations, la France garantit le versement des sommes correspondantes en euros.
  • En contrepartie, les réserves de change sont mutualisées entre les différents ensembles économiques régionaux et placées (à hauteur de 50 % à 65 % selon les régions) auprès du Trésor français.
  • Les transactions courantes et mouvements de capitaux sont libres au sein de chaque région.

Quels sont les bénéfices de la zone Franc pour ses pays membres ?

La stabilité monétaire et financière

La stabilité du taux de change contribue à une inflation plus faible en Zone franc que dans le reste de l’Afrique subsaharienne, préservant ainsi le pouvoir d’achat des populations. L’inflation y a été inférieure à 3 % au cours des dernières années quand la moyenne en Afrique subsaharienne est de l’ordre de 9 %.

L’attractivité économique de la zone

Grâce à la parité fixe avec l’euro, les investisseurs de la zone euro ou d’autres pays sont davantage incités à investir dans cette zone puisqu’elle les protège contre les risques de change.

Un facteur de solidarité et d’intégration régionale

Via la mutualisation des réserves de change, la Zone franc favorise la définition de politiques économiques communes au sein de chaque région économique. Elle permet ainsi de créer des marchés plus importants et de favoriser une plus grande rigueur budgétaire, notamment grâce aux critères communs que les pays membres s’engagent à respecter.

 

Quelle est la place de la France dans ce dispositif ?

La France n’a pas de place prépondérante dans la gouvernance de la Zone franc.

Si le système trouve ses origines dans la coopération monétaire mise en place lors de la colonisation, il a très largement évolué depuis, à l’initiative de toutes les parties prenantes.
Essentiellement africain, le système préserve l’équilibre et la souveraineté des États de la Zone franc. La France ne participe pas à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques communes.

La représentation de la France au sein des instances des banques centrales a d’ailleurs diminué au cours des dernières décennies. La France n’est pas représentée à l’UEMOA et à la CEMAC, ni lors des conférences des chefs d’États et conseils et comités ministériels, principales instances de gouvernance de la Zone franc.

 

Qui décide de la politique menée dans la zone Franc ?

La souveraineté monétaire a été transférée des États aux banques centrales régionales africaines où siègent les États membres de la Zone franc. Ce sont donc les banques centrales qui décident de la quantité de monnaie en circulation tout en respectant leur objectif de stabilité des prix et de la monnaie.

Les chefs d’États membres de la zone Franc peuvent également décider de modifier le taux de change avec l’euro, comme cela a d’ailleurs été fait une fois, en 1994.

 

Le franc CFA est-il une monnaie imposée par la France ?

Non.

Chaque pays est libre de quitter la Zone franc de manière temporaire (comme l’a fait le Mali) ou définitive (comme la Guinée, la Mauritanie et Madagascar). Les pays africains ont souverainement décidé de créer ou de rejoindre la zone Franc et de s’y maintenir. La participation des pays membres repose sur des accords bilatéraux et, depuis 1962, des accords de coopération avec les Unions monétaires régionales.

 

Pourquoi le franc CFA est-il imprimé en France ?

Le Franc CFA est imprimé à Chamalières par la Banque de France depuis sa création en 1945. Son impression est centralisée pour diminuer les coûts de fabrication et d’acheminement. 
Les chefs d’État des pays de la Zone franc peuvent décider d’un commun accord de changer le lieu de fabrication. De nombreuses autres monnaies en Afrique sont fabriquées dans des pays tiers, car tous les pays ne disposent pas d’imprimeries dédiées : le franc guinéen, le birr éthiopien, le shilling ougandais ou le pula botswanais sont fabriqués en Angleterre ; l’ouguiya mauritanien, le nakfa érythréen, le shilling tanzanien ou le kwacha zambien en Allemagne ; le dollar libérien aux États-Unis. De la même manière, l’euro n’est pas fabriqué par les 19 pays membres de la zone euro : 11 imprimeries dans l’Union européenne sont chargées de la production des billets.
Il ne faut pas confondre le fait d’imprimer une monnaie et de décider de la quantité de pièces et de billets en circulation. Ce sont bien les banques centrales africaines qui en décident pour le franc CFA.

 

Qui a décidé du nom du franc CFA et peut-il changer ?

L’expression « Zone franc » est apparue pour la première fois à la fin des années trente, à la veille de la Seconde guerre mondiale. 
Les chefs d’États membres de la Zone franc peuvent tout à fait prendre la décision de changer de nom.

 

La France profite-elle davantage de la Zone franc que d’autres pays ?

Non.

Les réserves de change africaines placées auprès du Trésor français ne sont pas utilisées par la France pour financer l’acquittement de sa dette extérieure. Et ce placement ne pénalise pas les économies de ces pays, au contraire. La France verse chaque année plusieurs dizaines de millions d’euros d’intérêts aux pays africains au titre de ce placement.

Le poids de la France dans les investissements et les échanges commerciaux est souvent minoritaire dans la zone Franc. En UEMOA, la France représentait, en 2016, 14 % des importations et 6 % des exportations ; en CEMAC, c’est respectivement 14 % et 3 %.

En garantissant la convertibilité illimitée du franc CFA en euros (y compris en cas de dépréciation de l’euro), la France endosse en outre une responsabilité financière importante.

 

Les pays de la Zone franc ont-ils perdu le contrôle de leur monnaie ?

Non.

La fixité du change ne se traduit pas par une perte de souveraineté monétaire. 33 pays en Afrique subsaharienne (et bien d’autres dans le monde) ont choisi un régime de change fixe ou semi-rigide, car c’est une protection face aux chocs économiques extérieurs et aux fluctuations internationales. Par exemple, le Lesotho, la Namibie, le Swaziland ont rattaché leur monnaie au Rand sud-africain (ZAR) dans le cadre de l’aire monétaire commune (CMA). Ailleurs en Afrique, la Namibie et Djibouti ont rattaché la leur au dollar.

 

La parité avec l’euro rend-elle les prix des biens plus chers ? Les crédits proposés par les banques de la zone Franc ont-ils des taux d’intérêt plus élevés ?

 

Au contraire, la fixité du change assure une hausse des prix limitée, au bénéfice du pouvoir d’achat des populations. En effet, la maîtrise de l’inflation permet aux banques centrales de la Zone franc le maintien de taux d’intérêt beaucoup plus bas (entre 2 et 3 %) que dans la plupart des banques centrales des pays voisins (souvent plus de 10 %), ce qui est favorable au développement du crédit pour les entreprises et les particuliers.

Le franc CFA freine-t-il le développement de l’Afrique ?

 

Non. Les économies des pays de la Zone franc ne sont pas moins compétitives que celles des autres pays d’Afrique subsaharienne, comme en témoigne le classement 2016-2017 du Global Competitiveness Report du Forum Économique Mondial.

Le franc CFA protège en outre ses États membres des variations internationales et permet d’éviter qu’une crise politique ou économique ne se transforme en crise monétaire ou financière. Ses États membres connaissent une inflation modérée qui protège le pouvoir d’achat des populations.

En outre, la monnaie commune, la mutualisation des réserves de change, la création de plus grands marchés de consommation et l’attractivité pour les investisseurs et bailleurs étrangers sont autant de facteurs qui favorisent l’intégration régionale et la croissance.

Enfin la stabilité monétaire permise par la Zone franc est favorable aux financements extérieurs, y compris ceux de l’Agence française de développement, visant à renforcer le développement économique, social, humain et durable des pays membres. La France contribue ainsi au financement des infrastructures, des dépenses liées au développement urbain, à la lutte contre le changement climatique, à l’eau et à l’assainissement, à l’éducation et la santé ; les bénéficiaires de ces projets sont les populations africaines.

Les pays de la zone Franc restent maîtres des richesses de leurs pays : les sommes déposées en France sont sans commune mesure avec leur PIB ni avec le montant de la dette française.

 

Auteur:
Adeline ATANGANA
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