Dans l’interview ci-dessous, qu’il a bien voulu nous accorder, le stratégiste en politique, soutient que seul le dialogue peut ramener le Cameroun sur le chemin de la paix et du développement.
Pour nos lecteurs, bien vouloir vous présenter
Je m’appelle Luc Banemeck, je suis un camerounais de l’extérieur arrivé en France en 1981 pour poursuivre ses études. J’ai fait une grande partie de mes études secondaires et universitaires en France et en Angleterre. Je suis titulaire d’une Maitrise de mathématiques et d’un Postgraduate Diploma en Analyse des Investissements et de la Finance. J’ai exercé pendant plusieurs années comme Professeur de Mathématiques et Analyste des investissements. Dirigeant d’entreprises, je suis plus connu sur le plan politique comme Stratégiste. Je suis père de trois enfants et en outre dirigeant de deux grandes associations des camerounais de l’extérieur : LE CCE (Comité des Camerounais de l’Extérieur) et CPMC (Citoyens pour la mémoire du Cameroun).
Pourquoi avoir accepté la main tendue du chef de l’Etat quand on sait qu’il y a une partie de la diaspora camerounaise qui rejette le Grand dialogue national annoncé par le président de la République ?
Suite au déclenchement de la crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le Chef de l’Etat dans son Discours du 10 septembre 2019 a affirmé que le mot Dialogue n’a été « …autant évoqué, prononcé voire galvaudé…à l’interne comme à l’international, chacun y est allé de ses propositions et de ses suggestions ». Il se trouve que parmi les camerounais de l’international, le Comité des Camerounais de l’Extérieur est la première organisation légale et structurée qui a appelé au dialogue national inclusif en vue du retour de la paix et du développement durable de notre pays, terre de nos ancêtres. Mettant en avant la réflexion et l’action en vue de la résolution pacifique des conflits, et soucieux de fédérer toutes les composantes sociologiques et idéologiques des camerounais(es) de l’Extérieur à la cause du Cameroun tout entier, nous avons fait des suggestions objectives au Gouvernement. C’est pourquoi nous avons accepté la main tendue du chef de l’Etat qui a entendu l’écho de nos appels visant à aider au retour de la paix et du développement dans notre pays. Pour cela, nous croyons que seul un dialogue national dépouillé des intérêts partisans et particuliers peut ramener le Cameroun sur le chemin de la paix et du développement.
Que dites-vous de ceux de la diaspora camerounaise qui ne croient pas à la sincérité du chef de l’Etat, qui estiment que c’est une conférence sans objet ?
Nous pouvons comprendre certains camerounais de la diaspora qui ne croient pas à la sincérité du chef de l’Etat. Elle pense que les solutions qui naitront du dialogue annoncé seront tronquées ou mieux ne seront pas exécutoires dans l’immédiat. Mais affirmer que le Grand Dialogue National convoqué par lui est une conférence sans objet c’est méconnaitre le problème posé par nos compatriotes anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. C’est ignorer que toutes les régions du Cameroun ont des problèmes, et des problèmes spécifiques qui mérites des solutions adéquates. A notre sens, le Grand Dialogue National, qu’il soit ambigu, sincère ou non a le mérite de permettre aux compatriotes de toutes les obédiences idéologiques de s’exprimer, de donner de la voix sur les questions qui préoccupent le devenir du Cameroun dans son ensemble. Ne pas y participer constitue un tort préjudiciable aux intérêts généraux de notre patrie. Le boycott ne produit pas toujours les résultats espérés. C’est pourquoi nous encourageons la diaspora, toute tendance confondue de donner le ton par leurs contributions constructives objectives, réalisables. Nous sommes soucieux de fédérer le véritable potentiel de la diaspora à la cause du développement du Cameroun sur le plan politique, économique, social et culturel. En guise de conclusion sur cette question, il ne faut pas être pessimiste au point de rendre le pessimisme contagieux. Au contraire, il faut être optimiste, travailler pour un véritable dialogue de manière à rendre ses résolutions contraignantes et exécutoires. Participer, c’est veiller au respect des aspirations de nos peuples en général et des régions anglophones en particulier.
Est-ce que ce grand dialogue national pourrait permettre de sortir de la crise dans les régions du Nord-Ouest et Sud- Ouest ?
Dans toutes les crises, armées ou non armées, le dialogue, les pourparlers de paix ou de sortie de crise sont nécessaires pour restaurer la cohésion sociale. Nous pensons que tous les camerounais ont grand intérêt à trouver une solution à la crise sécuritaire du Nord-ouest et Sud-ouest car cette crise impacte sur toute la vie de nation. Le Grand Dialogue National, si bien mené, si les résolutions objectives de celui-ci ne sont pas tronquées comme l’évoque ceux qui ne croient plus ou pas au Biyaïsme, peut permettre de sortir durablement de la crise dans ses deux régions et partant au Cameroun tout entier. A défaut, les expériences similaires sont légions dans le monde, le cessez-le-feu que nous recherchons tous sera difficile à mettre en place connaissant la détermination des forces en présence. Ladite crise dure et le Chef de l’Etat en apporte lui-même la preuve : « Depuis près de trois ans, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest de notre pays sont en proie à une crise, qui met en péril la sécurité et le bien-être des populations qui y vivent, mais a également de profondes conséquences sur l’ensemble de la communauté nationale ». (Cf. Message à la Nation du 10 septembre 2019)
A votre avis, quel peut être l’apport de la diaspora ?
La communauté camerounaise de l’Extérieur sera d’un apport capital notamment dans la crise anglophone, mais aussi dans les autres domaines de la société camerounaise. En effet, le Comité des Camerounais de l’Extérieur est un organisme fédérateur, qui se place au-dessus des querelles partisanes, idéologiques, particulières ou extrémistes pour proposer des solutions objectives et réalistes à la résolution des problèmes du Cameroun. Nous avons recensé et continuons de recenser parmi les camerounais vivants à l’extérieur tout le potentiel des ressources humaines qui peuvent être utiles au développement de notre pays. Et nos terres d’accueil à l’Extérieur peuvent vous témoigner que nous avons des compétences dans tous les secteurs. Il faut nous exploiter dans l’intérêt général du Cameroun. Notre apport sera donc déterminant si les acteurs du dialogue envisagé le prennent en compte.
Pensez-vous comme les autres, qu’à cette occasion, il faut poser le problème du statut de la diaspora et la question de la double nationalité ?
La Double nationalité, le Président Paul Biya avait promis ce statut à la communauté camerounaise, lors de sa visite officielle à Paris, en juillet 2009. Il nous souvient qu’un comité technique interministériel avait été mis en place en vue de procéder au toilettage du code de nationalité. Une délégation gouvernementale en tournée mondiale dans le but de discuter avec la communauté camerounaise de l’extérieur avait été mise en place. Il ne restait plus qu’à déposer le projet de loi à l’Assemblé nationale, à le voter, et à le promulguer. Tout cela avant la présidentielle de 2011. Que s’est-il passé, Nous n’en savons rien. Ce que nous croyons, c’est qu’il a donné sa parole et ne saurait se dédire. Nous restons par conséquent convaincus que la décision sera prise et le plus tôt serait le mieux pour le développement du Cameroun. La double nationalité a un apport positif dans tous les pays qui ont accordé un tel statut à leur peuple dispersé pour des raisons diverses. Pourquoi ne pas accorder ce statut à la Communauté Camerounaise de l’Extérieur qui a acquis dans l’intervalle des migrations une autre nationalité. Ce serait bénéfique et protecteur de ceux qui portent le sang de la terre de nos ancêtres. Il ne faudrait pas les discriminer car leurs cœurs sont au Cameroun bien que vivant à l’étranger. Ils sont attachés au Cameroun où ils réalisent des investissements. Nous proposons la révision de la rédaction initiale de l’avant-projet de loi et suggérons l’usage du concept Communauté Camerounaise de l’Extérieur en lieu et place du terme Diaspora qui a pris une connotation péjorative.
Finalement, comment sortir de cette crise sociopolitique et sécuritaire dans notre pays ?
Pour sortir de la crise sociopolitique et sécuritaire, il faut que tous les camerounais dans les pans de la société prennent conscience de la situation du Cameroun. Le temps de la démagogie est terminé. Les faits sont là avec son lot de morts, de misère et le désastre économique sans précédent. Ensuite qu’ils acceptent de dialoguer sincèrement pour trouver les voies et moyens pour résoudre les problèmes nationaux camerounais. La transparence et la sincérité sont importantes pour lever toute équivoque sur la nécessité de ce dialogue. Ce n’est que de cette manière que notre pays pourra finalement retrouver la paix, la stabilité et le développement.
Un dernier mot ?
Nous disons à tous les compatriotes de donner la chance au Grand Dialogue National. Je dis aux Compatriotes vivant à l’Extérieur du Cameroun de se rapprocher auprès du Comité des camerounais de l’Extérieur afin de donner de la voix pour que les résolutions du Dialogue répondent aux aspirations profondes et réelles du peuple camerounais. C’est un moment historique pour le devenir du Cameroun. Le boycott n’a jamais été en tous lieux une solution. En boycottant, vous manquez d’écrire l’histoire. Boycotter, c’est renoncer en l’espèce de revendiquer plus d’autonomie, de droits, de libertés et de démocratie. Boycotter c’est entretenir la guerre et maintenir le peuple dans la précarité et la guerre. C’est faire le marketing de la mort. Ensemble, portons nos voix et veillons à la protection de véritables aspirations de nos populations. Le CCE est présent en France, Japon, Espagne, Mexique, Italie et souhaite s’implanter dans tous les pays d’accueil des camerounais de l’extérieur. Vive le Cameroun qui dialogue. Vive le dynamisme et l’engagement des camerounais de l’extérieur.