Vingt-quatre heures après la lettre envoyée le 24 juillet 2020 au Chef du groupement Bamendjou (Ouest), Sa Majesté Jean Rameau Sokoudjou, par le Préfet des Hauts-Plateaux, Yampen Ousmanou, et dans laquelle ce dernier met en garde l’autorité traditionnelle d’avoir organisé en sa chefferie une « concertation politique non déclarée », les activistes du Cadre de Concertation Citoyen (CCC) qui avaient pris part à cette réunion du 18 juillet 2020, ont tenu à faire une mise au point dans un communiqué de presse rendu public le samedi 25 juillet 2020.
Ils indiquent d’emblée que la concertation est une initiative portée par le Cadre de Concertation Citoyen à l’attention de Sa Majesté Sokoudjou, qui l’a aussitôt adoubée, parce qu’elle « vise à promouvoir une conversation constructive entre les différents acteurs sociaux et politiques du Cameroun afin de parvenir à un consensus minimum qui puisse aider le pays à sortir de la crise multidimensionnelle dans laquelle il est emmêlé », lit-on dans le communiqué.
Il s’est donc agi pour Hilaire Kamga, Serge Espoir Matomba, Edith Kah Wala, Djeukam Tchameni, Mboua Massock…, d’aller s’abreuver aux conseils « d'un père de 87 ans qui écoutait ses enfants », renchérissent-ils. Arguant que la loi du 19 décembre 1990 sur les manifestations publiques n’oblige aucunement un père à déclarer à l’autorité administrative une réunion avec ses enfants. Ces activistes politiques et de la société civile condamnent par ailleurs « le ton arrogant et irrévérencieux » employé par le préfet pour s’adresser « une autorité traditionnelle respectable et respectée ».
« Avant les indépendances, j'ai été plus menacé que ça »
Cette sortie du patron des Hauts-Plateaux a donc provoqué une indignation collective chez ces irréductibles activistes qui ont en commun d’être farouchement opposés au régime de Paul Biya. Et ils l’ont fait savoir à Yampen Ousmanou, par canaux interposés, mettant prioritairement la toile à contribution pour lui faire parvenir leur message.
Dans une note partagée sur son compte Facebook, Djeukam Djameni rapporte le contenu d’une conversation présumée qu’il a eue avec le Roi des Bamendjou, et ce dernier lui aurait confié en substance qu’il n’est nullement ébranlé par la mise en garde du préfet. « Avant les indépendances, j'ai été plus menacé que ça. On ne doit pas me confondre. Je ne suis pas un fonctionnaire en affectation à Bamendjou. Je ne suis pas non plus un "élu". Je suis né à Bamendjou. Je suis assis sur la chaise où mon père était assis, mon grand-père avant lui et mon arrière grand-père avant les deux. On ne doit pas me confondre », retranscrit-il de cette conversation.
Pour sa part, Hilaire Kamga, le leader de l’Offre Orange, dénonce une « dérive dictatoriale », en indiquant au Préfet que « l’intimidation ne saurait être un mode de gouvernance en République ». Dans sa lettre ouverte à l’ancien Sous-préfet de Yaoundé II, ce leader de la société civile a marqué au rouge les manquements d’un point de vue juridique de la correspondance du Préfet. Il affirme que la chefferie est un cadre privé qui ne saurait être confondu à un lieu public. Par conséquent, il ne pourrait y avoir menaces de trouble à l’ordre public dans un endroit privé.
« Par quelle alchimie réussissez- vous à transformer en REUNION PUBLIQUE une audience, accordée par un roi? L’un des salons du Roi de Bamendjou est-il devenu un lieu OUVERT AU PUBLIC ? La Chefferie qui est une enceinte privée (comme la présidence de la République) est-elle devenue un lieu OUVERT au Public ? De quel texte tirez-vous la disposition selon laquelle une audience accordée par un Chef dans sa Chefferie est une réunion publique ? », lance sur fond de questionnements le Secrétaire permanent de la Plate-forme de la Société Civile pour la Démocratie, qui se présente également comme un descendant de la chefferie Bamendjou.
Représailles
L’homme politique Mboua Massock, également membre du CCC, a aussi formulé une réaction. Pour lui, le Préfet est instrumentalisé par la « haute hiérarchie », et il conseille à la hiérarchie de rappeler l’autorité administrative à Yaoundé, « parce que l’électricité est en l’air », assène-t-il, en se portant garant d’être au taquet pour des représailles contre Yampen Ousmanou le moment venu.
Des représailles ? Et si Serge Espoir Matomba en avait été victime ! Il importe de rappeler que le premier Secrétaire général du Parti Uni pour la Rénovation Sociale (PURS) et l’un des candidats malheureux à la présidentielle de 2018, était bel et bien partie prenante aux échanges du 18 juillet 2020 à Bamendjou. Il a été interpellé le vendredi 24 juillet 2020 par des militaires à Douala, auditionné, puis relaxé quelques heures après. L’on ignore encore si cette action a un lien avec ces événements de Bamendjou. Il n’est donc pas à exclure que ce feuilleton se prolonge dans l’actualité politique des prochains jours au Cameroun.